26 janvier 2001: Le mystère « Joseph Kabila »!

Saurait-on un jour comment le général-major « Joseph Kabila » – qui se trouvait en résidence surveillée à Lubumbashi jusqu’au 16 janvier 2001 suite à la prise de Pweto par le RCD/Goma – a pu, aux premières heures du lendemain du 17 janvier 2001, accéder à la tête de l’Etat congolais avant son investiture officielle le 26 janvier 2001? Les Zaïro-Congolais ont tort de négliger ce chapitre crucial de l’Histoire de leur pays. La souveraineté nationale et l’intégrité du territoire se jouent ici.

Le 26 janvier 2001 n’est pas une date ordinaire. Ce jour-là un certain « Joseph Kabila » est investi en qualité de Président de la République démocratique du Congo. Il y a très peu d’informations sur lui. Les Congolais attendront jusqu’en décembre 2002 pour prendre connaissance d’un « CV » aux allures de télégramme de leur nouveau président.

L’homme porte certes le grade de général-major. Il reste néanmoins un illustre inconnu pour ses « concitoyens ». Des questions fusent aussitôt. Où est-il né? Qui sont ses parents? Où a-t-il grandi? Quel est son parcours scolaire et professionnel? Pourquoi a-t-il un « accent étranger »? Depuis quand porte-t-il le patronyme de Kabila? Voilà des questions suscitées par personnalité du nouveau chef de l’Etat. La liste des interrogations n’est pas exhaustive.

Le médecin-colonel en retraite Luc Mayolo Mokede Akaso

Médecin-colonel à la retraite, Luc Mayolo – ancien collaborateur de « Joseph Kabila », alors  chef d’état-major adjoint de l’armée – fut interpellé et expédié manu militari à la prison de haute sécurité à Buluo. Il a commis le crime-de lèse-président pour avoir désapprouvé, auprès des « amis officiers », cette « succession dynastique »: « Cette façon d’accéder au pouvoir ne me plaît pas. Le Congo n’est pas un royaume… ». Mayolo dû s’évader pour avoir la vie sauve. Le message était clair. A défaut d’être « aimé », le successeur de Mzee a choisi d’être « craint ».

Il n’est pas sans intérêt d’ouvrir la parenthèse ici. Laurent-Désiré Kabila, Luba du Katanga par son père et Lunda ou Ruud par sa mère avait fait déplacer le centre de gravité du pouvoir d’Etat. Après Gbadolite, sous Mobutu, désormais le cœur du « Grand Congo » bat depuis Lubumbashi et Ankoro. La mort de « Laurent » fut accueillie chez les « katangais » avec un certain désarroi. La confiance est revenue en apprenant que le « fils de Mzee » succède à son « père ». L’impérium reste, par conséquent, au Katanga. Une sorte de pacte est conclu entre les « frères de Mzee » et le nouveau chef de l’Etat en quête de l’identité tribale. Fermons la parenthèse.

La cérémonie d’investiture fut rondement menée le 26 janvier 2001 par deux hauts magistrats. Il s’agit de  Benoît Lwamba Bindu Bya Maganga (président à la Cour suprême de justice) et de Floribert Luhonge Kabinda Ngoy (procureur général de la République), tous natifs du Katanga. Dans le procès-verbal d’investiture lu par le PGR, on apprend que le « dossier » de « Joseph Kabila » ne contient aucun élément pouvant constituer un « empêchement » à la prestation de serment. Comment peut-on en être aussi sûr étant donné qu’aucune « enquête de moralité » n’a été menée non seulement au Congo mais aussi dans les pays tels que la Tanzanie, l’Ouganda et le Rwanda?

Dans deux interviews accordées à Congo Indépendant, Luc Mayolo explique les raisons pour  lesquelles il portait le nouveau président congolais en piètre estime. Selon lui, l’homme était constamment silencieux comme s’il avait un « grand secret » à préserver. « En tant que chef, il était fainéant, incapable de décider. Le courrier pouvait moisir durant plusieurs mois sur son bureau sans qu’il y touche », résume le médecin.

A son accession à la tête de l’Etat, « Kabila » n’avait ni programme ni prérequis au plan politique ou administratif. Dans une interview accordée à l’hebdomadaire parisien « Jeune Afrique » n° 2115 du 24 au 30 juillet 2001, l’homme a fini par dévoiler un pan de sa « mission »: « (…). Nous, nous nous sommes battus contre lui [Mobutu Sese Seko] les armes à la main, au péril de notre vie ». Questions: Mzee Kabila a-t-il payé de sa vie pour avoir congédié ses ex-parrains qui devenaient envahissants? « Joseph Kabila » serait-il chargé de procéder à une « rectification »?

De gauche à droite: James Kabarebe, « Joseph Kabila » et John Numbi après leur « débarquement » dans la capitale

A l’époque, des observateurs avaient déjà suspecté l’ex-bras droit du colonel James Kabarebe durant la « guerre » de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre) de considérer l’ex-Zaïre comme un « butin de guerre ». Un butin qu’ils n’entendent guère lâcher du fait des « sacrifices consentis » jusqu’à la « libération » du 17 mai 1997.

L’avenir finit par donner raison à ces observateurs. C’était en août 2016. Dans un entretien publié dans « Jeune Afrique » n°2901-2092, Zoé « Kabila », alias « Monsieur frère » brise le mutisme légendaire de cette mystérieuse fratrie. Le message est univoque: « (…), son aîné n’a nullement l’intention de s’éterniser à son poste, mais aussi la fratrie ‘Kabila’ n’est pas à prête à abandonner le pouvoir à n’importe qui ».

Il n’est pas surprenant d’entendre certains caudataires de l’ex-raïs chantonner que « les Congolais réclament Joseph Kabila ». Au motif, selon eux, que la situation socio-économique autant que sécuritaire serait devenue « pire » après « Kabila ». Ce dernier piafferait manifestement d’impatience pour « récupérer » le « Grand Congo » qu’il semble assimiler à un « bien particulier » appartenant à un « clan ».

Dans un tweet publié le 23 janvier 2022 sur son compte @KabilaOlive, l’épouse « Kabila » a semblé confirmer ces soupçons en écrivant un message équivoque autant que surprenant pour un pays démocratique: « L’alternance démocratique est un bébé que nous avons conçu et avec joie nous lui avons donné vie. Comme des parents attentionnés, nous veillerons à ce que ce bébé grandisse normalement et qu’il reconnaisse ses vrais parents ».

L’alternance, d’après l’entendement de « Kabila » et sa fratrie n’est pas un mode de dévolution du pouvoir propre au système démocratique. Pour cette « famille » qui considère le Congo-Kinshasa comme « sa chose », le 24 janvier 2019, l’ex-raïs a fait un « don » à son successeur.

Ce message subliminal a l’avantage d’épaissir le mystère qui entoure la « véritable mission » confiée à « Joseph Kabila » par ses « mentors ». Ce message subliminal pose la question sur ce que mijote cette fratrie. Question finale: « Joseph Kabila » serait-il tenté de « récupérer son bébé » en fomentant un coup de force? L’ex-raïs reste plus que jamais un homme mystérieux à démystifier…

Baudouin Amba Wetshi

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