Avocat au barreau de Kinshasa, Bruno Mavungu Puati est le secrétaire général de l’UDPS (Union pour la Démocratie et le Progrès Social). En marge du point de presse qu’il a animé le vendredi 19 décembre à Bruxelles, il a accordé une interview à Congo Indépendant. Au centre de l’entretien, la situation politique au Congo-Kinshasa.
Comment pourrait-on vous présenter à ceux qui ne vous connaissent que de nom?
Je m’appelle Bruno Mavungu Puati. J’ai adhéré à l’UDPS en 1990. J’ai eu à travailler avec les secrétaires généraux Adrien Phongo, Rémy Massamba, Alexis Mutanda et Maître Jacquemain Shabani Lukoo. J’ai assumé respectivement les fonctions de secrétaire national chargé des Relations avec les organisations non gouvernementale, des Petites et Moyennes entreprises, et de l’Organisation. J’ai été promu secrétaire général adjoint sous Me Jacquemain Shabani Lukoo avant de lui succéder. Je suis marié et père de huit enfants.
D’aucuns disent que vous êtes venu à Bruxelles suite à une « convocation » du président de l’UDPS…
(Rires.) J’ai été invité par le président du parti qui m’a fixé un programme à trois axes. Outre des séances de travail avec lui, je dois m’entretenir avec les membres de l’UDPS de la diaspora. Je dois enfin avoir quelques « contacts politiques ».
On assiste à une sorte de « guerre civile » de basse intensité entre des courants antagonistes au sein de l’UDPS. Schématiquement, il y a vous et Félix Tshisekedi d’un côté. De l’autre, il y a Valentin Mubake. Votre parti a manifestement besoin d’un « rassembleur »…
D’après nos statuts, le rassembleur est et reste le président du parti. Vous aurez remarqué que la situation sous examen arrive généralement lorsque le président Tshisekedi est « indisponible » pour raison de maladie. C’est à ce moment que quelques personnes « haussent le ton ». Le jeudi 11 et le dimanche 14 décembre, « tout le monde » a revu le chef du parti. Je crois que les esprits sont calmés.
Comment se porte le président Etienne Tshisekedi?
Il se porte bien.
A quelle date compte-t-il regagner le pays?
Nous n’avons pas encore abordé cette question.
Lors de votre point de presse, vous avez dit que le « dialogue politique » doit avoir pour but le rétablissement d’Etienne Tshisekedi dans son pouvoir. Quels sont les moyens de pression en votre possession pour imposer cette position?
Je tiens à préciser que c’est la communauté internationale qui demande l’organisation du dialogue. Kabila a apposé sa signature sur l’Accord-cadre d’Addis Abeba en date du 24 février 2013. Cet accord a engendré la résolution 2018 des Nations Unies qui exige un dialogue. L’objectif est de permettre aux représentants des forces politiques et sociales à amorcer la « réconciliation » avant l’organisation des élections. Il me semble que c’est un « moment fort » afin que les consultations politiques à venir soient apaisées. Il y va de l’intérêt de tout le monde.
En demandant « le rétablissement du pouvoir de Monsieur Tshisekedi », ne craignez-vous pas de fermer la porte conduisant à cette « réconciliation »?
Nous ne fermons aucune porte. Pourquoi? Nous irons à ce dialogue justement pour examiner le contentieux électoral de 2011. Cet examen nous permettra d’aller de l’avant. Nous souhaitons que les pourparlers se déroulent de manière claire et propre.
Que répondez-vous à ceux qui ont fustigé la récente tournée effectuée à l’intérieur du pays par le secrétaire national de l’UDPS chargé… des Relations extérieures qui n’est autre que Félix Tshisekedi Tshilombo?
Ceux qui ont émis ces objections pèchent par une méconnaissance du fonctionnement de notre parti. Je vous ai parlé de mon parcours au sein de l’UDPS. Depuis la nuit de temps, l’implantation de notre parti à travers le pays n’a jamais été le faite par des « canaux officiels ». En Belgique ou dans d’autres pays, nous avons l’habitude de recourir à des particuliers. Nous recourons à des tierces personnes en leur donnant simplement un mandat qui leur permet d’entrer en contact avec les combattants. La tournée à laquelle vous faites allusion a été bénéfique. Elle nous a permis de « prendre la température » et surtout de nous assurer que l’UDPS est toujours « debout ».
Certains ont même conclu que cette tournée annoncerait une probable succession du père par le fils…
La succession est bien réglementée par nos Statuts. Elle ne se fait pas de cette manière-là.
Faisons de la politique fiction: nous sommes le 19 décembre 2016. L’élection présidentielle et les législatives n’ont toujours pas eu lieu. Que va-t-il se passer?
J’ai répondu à votre question. Avant les bouleversements survenus au Burkina Faso, la classe politique de ce pays réclamait un dialogue avec Blaise Compaoré. Celui-ci n’a pas fait droit à cette demande. C’est « autre chose » qui est arrivée. C’est lorsque cette « autre chose » est arrivé que « Blaise » a accepté de prendre langue avec les forces politiques et sociales. C’était trop tard! Je ne voudrais pas faire de prédiction. Je peux vous assurer que le pouvoir à Kinshasa a senti que le peuple congolais est debout pour faire échec à toute révision constitutionnelle. Le pouvoir use maintenant de stratagèmes pour aller au-delà de 2016. J’ai la conviction que la population ne laissera pas faire. Dans le cas contraire, tout pourrait arriver. C’est ce que nous voulons éviter…
Que répondez-vous au journaliste François Soudan de « Jeune Afrique » qui a écrit récemment que ce qui s’est passé à Ouagadougou ne pourrait pas se produire à Kinshasa. Selon lui, les Burkinabé sont autonomes. Alors que les Congolais de Kinshasa comptent généralement sur le coup de pouce de la « communauté internationale »?
Je ne partage nullement cette opinion. « Blaise » avait déjà passé vingt-sept ans à la tête de l’Etat avec la même population burkinabé. La leçon a tiré est que chaque chose arrive en son temps. Aucun pays de l’Afrique de l’Ouest n’a mené un combat comparable à celle que notre peuple a livré contre Mobutu Sese Seko. Notre peuple n’avait pas attendu l’aide extérieure. Au contraire, c’est l’extérieur qui ne cessait de soutenir Mobutu. Le peuple congolais avait tout ce qu’il fallait pour le départ de celui-ci. Le « monde extérieur » n’a fait que récupérer le travail que nous avons abattu en organisant la guerre de l’AFDL qui a permis à Laurent-Désiré Kabila de prendre le pouvoir.
Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi