Cofondateur du PPRD, Paul Makela est le président d’une plate-forme politique dénommée UPCA (Union des partis congolais pour l’Alternance). Il commente l’annonce de la candidature de Joseph Kabila à sa propre succession ainsi que le statut de « candidat indépendant » adopté par le président sortant.
« En se présentant en candidat indépendant, Kabila a désavoué le PPRD »
Quel est votre commentaire après le dépôt de la candidature de Joseph Kabila à la CEI?
Joseph Kabila a pris le courage de se présenter à sa propre succession sans analyser les tenants et les aboutissants. Je constate qu’il y a un préalable qui n’a pas été respecté. En effet, la loi en vigueur n’autorise pas aux militaires de mener concurremment une carrière politique.
Comment expliquez-vous que la CEI n’ait pas soulevé l’incompatibilité?
Joseph Kabila devait d’abord renoncer à son statut militaire avant de présenter sa candidature. Il ne l’a pas fait. Il y a, dès lors, un vice de procédure. La candidature du général-major Joseph Kabila doit, de ce fait, être rejetée.
Ancien membre fondateur du PPRD, le parti présidentiel, quelle est votre lecture de la décision du président sortant de se présenter en « candidat indépendant »?
Ce fait confirme mes déclarations antérieures au sujet du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie. Lors de notre dernier entretien, j’avais dit que les dirigeants de cette formation politique cherchaient à utiliser « Joseph » comme un « pion ». Ils se servent de lui pour rester au pouvoir. C’est une sanction à l’encontre du PPRD. Joseph Kabila a désavoué non seulement ce parti mais aussi tous ceux qui ont travaillé à ses côtés.
Pourquoi?
Comme je l’ai toujours dit, le PPRD est un « éléphant-blanc ». C’est un parti politique dépourvu d’idéologie et qui n’a pas été à la hauteur de ses ambitions initiales. Beaucoup d’erreurs ont été commises en matière de gouvernance sous Joseph Kabila en tant que composante gouvernement et sous le régime « 1+4 ». L’incompétence et la malhonnêteté des membres de l’entourage présidentiel ont été couvertes par l’existence d’un gouvernement pluriel. « Joseph » avait les mains liées par ses hommes qui le conduisaient selon leurs intérêts. Ces hommes s’appuyaient sur les points faibles du président de la République pour se faire de l’argent.
Si je vous comprends, en se présentant comme « candidat indépendant », Kabila s’est affranchi de ceux qui l’avaient aidé à accéder au pouvoir en janvier 2001?
J’ose croire qu’il s’est affranchi. J’ose croire également qu’il a su tisser de nouvelles alliances. Je suis néanmoins pessimiste car ceux qui l’ont fait roi en 2001 ne sont pas aussi naïfs que d’aucuns pourraient le croire. Il n’est pas exclu qu’on assiste, dans les jours à venir, à des règlements de comptes dans les milieux kabilistes. Le conflit Bemba-Kamitatu ne sera plus qu’une querelle anecdotique. Les kabilistes n’ont pas de base idéologique. C’est un groupe d’individus unis par des intérêts communs à préserver.
En dehors du PPRD, quels sont, selon vous, les partis et les personnalités politiques décidés à soutenir la candidature de Kabila à la présidentielle?
Le monde politique congolais se trouve divisé en deux pôles d’attraction. Il y a d’un côté Joseph Kabila et de l’autre, Jean-Pierre Bemba. Tous ceux qui quittent le MLC rejoignent Kabila. Je suis peiné de voir que toute l’élite, toute la « crème intellectuelle » de l’époque mobutiste essaie, sans gêne, de passer des alliances avec Kabila. C’est encore une fois une question d’intérêt.
Que pensez-vous de ceux qui comparent Joseph Kabila au général malien Amadou Toumani Touré, alias ATT?
On ne peut pas comparer un combattant de terrain avec un officier formé dans les grandes académies militaires et qui a eu à gérer une armée. Il n’y a pas de comparaison possible entre ATT et Kabila. C’est le jour et la nuit.
Quelles sont, selon vous, les atouts du président sortant?
Son principal atout réside dans sa capacité à dissimuler son jeu. On ne sait jamais ce qu’il pense. Il a toujours des « agendas cachés ». Bref, Kabila reste un mystère. Je crois qu’avec le temps, il a fini par apprendre la gestion du pouvoir et des hommes.
Quid de ses faiblesses?
C’est un autodidacte. Il reste un « débrouillard » pour n’avoir pas suivi une formation dans un domaine déterminé. La grande faiblesse de Joseph Kabila réside surtout dans sa passivité. Un Etat de la dimension du Congo a besoin à sa tête d’un homme fort qui impose par sa personnalité. Je considère que « Joseph » ne dispose pas d’assez d’expertise et d’expérience pour comprendre et déceler les pièges tendus par des puissances étrangères et autres partenaires de la RD Congo. Le pays part ainsi perdant dans toutes les négociations conduites par le chef de l’Etat. C’est ce qui s’est passé lors des négociations de Sun City. L’ex-composante gouvernement s’est vue dépouillé d’une partie de son pouvoir…
Que pensez-vous du refus de l’UDPS de participer aux élections au motif notamment que le vainqueur serait déjà désigné?
Je souscris totalement à cette position. Dans nos contacts, l’UPCA n’a pas manqué d’attirer l’attention de ses interlocuteurs sur le fait qu’il n’y aura pas de démocratie durable au Congo sans un processus électoral impartial. Je note que ce pays va aller aux élections sans qu’il ait eu au préalable une réconciliation nationale. Il apparaît que la communauté internationale n’en veut pas. L’impression générale est que le vainqueur de l’élection générale est déjà connu. D’ailleurs, tous les textes ont été taillés sur mesure pour ce faire.
Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi