Secrétaire général de l’UDPS jusqu’en 2015, Bruno Mavungu Puati est décédé le 26 décembre 2021. Il était père de huit enfants. Avocat au barreau de Kinshasa, l’homme avait adhéré à l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social en 1990. C’était au lendemain du discours du président Mobutu Sese Seko annonçant la restauration du pluralisme politique. Le 19 décembre 2014, « Mbuta Bruno » avait accordé un entretien à Congo Indépendant, en marge d’un point de presse qu’il avait co-animé, à Bruxelles, avec… Felix Tshisekedi Tshilombo, alors secrétaire national aux Relations extérieures.
Quid du contexte? En janvier 2011, le pouvoir kabiliste a fait réviser l’article 71 de la Constitution réduisant l’élection du Président de la République à un seul tour. Le 28 novembre 2011, les Congolais sont allés aux urnes pour choisir leur nouveau chef de l’Etat ainsi que les 500 membres de l’Assemblée nationale. De l’avis général, ces consultations politiques émaillées de fraudes et des irrégularités avaient un vainqueur. Son nom: Etienne Tshisekedi wa Mulumba. Pour ce dernier, il existait dès ce moment un « contentieux électoral » avec « Joseph Kabila ». La suite est connue.
En décembre 2014, l’ambiance politique au Congo-Kinshasa était quasi-mortifère. Sous prétexte de renforcer la « cohésion nationale » par la mise en place d’un gouvernement « d’union nationale », « Kabila » sortit de son chapeau – tel un prestidigitateur – un « machin » nommé les « Concertations nationales ». But non-avoué: faire réviser la Constitution. L’article 220 de la Constitution qui limite le nombre et la durée des mandats du Président de la République était dans le « viseur » du « raïs » et de ses « petits-soldats ».
Revenons à notre entretien qui a eu lieu le 19 décembre 2014 dans un grand hôtel bruxellois. Comme pour rendre hommage à ses prédécesseurs, Bruno Mavungu a commencé l’échange en égrenant les noms des précédents secrétaires généraux de l’UDPS avec lesquels il a eu à travailler. A savoir: Adrien Phongo, Rémy Massamba, Alexis Mutanda et Jacquemain Shabani Lukoo. « J’ai été promu secrétaire général adjoint sous Me Jacquemain Shabani Lukoo avant de lui succéder », souligne-t-il.
Sur le plan interne à l’UDPS, le président Etienne Tshisekedi wa Mulumba était retenu à Bruxelles où il recevait des soins exigés par son état de santé. L’absence prolongée de « Tatu Etienne » engendra un climat digne d’une pétaudière. Le rassembleur n’est pas là. Des courants antagonistes virent le jour. Une « guerre des sous-chefs » s’en est suivie entre les partisans de Félix Tshisekedi et ceux de Valentin Mubake. Celui-ci était à l’époque conseiller politique en titre du Président du parti. « Dans nos statuts, le rassembleur est et reste le Président du parti », dit Mavungu. Les meneurs des deux « camps » furent reçus par le chef de ce parti. Mavungu qui était du côté de « Felix » s’est réjoui de voir que « les esprits se sont calmés ».
« RÉTABLIR ETIENNE TSHISEKEDI DANS SON POUVOIR »
En décembre 2014, l’UDPS qui n’avait rien à cirer avec les « concertations politiques » s’est mis à réclamer l’organisation d’un « dialogue politique » à deux avec la mouvance kabiliste. Cette réunion devait aboutir, selon Bruno Mavungu, au « rétablissement d’Etienne Tshisekedi dans son pouvoir ». D’après lui, « c’est la communauté internationale qui demande la tenue de ce dialogue ». Et ce, conformément à la résolution 2018 du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Pour Bruno Mavungu, ce « dialogue politique » est à insérer dans le volet « réconciliation nationale » de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la Région, signé le 24 février 2013 à Addis-Abeba. Pour la petite histoire, le dernier mandat de « Joseph Kabila » devait expirer le 19 décembre 2016. Il s’agissait, selon lui, d’amener les représentants des forces politiques et sociales les plus significatives à préparer cette « réconciliation » de sorte que les élections de 2016 se déroulent de « manière apaisée ».
Interrogé sur les « moyens de pression » dont disposait l’UDPS pour contraindre le dictateur « Kabila » à la table de discussion, le secrétaire général de l’UDPS est resté évasif: « Nous irons à ce dialogue justement pour examiner le contentieux électoral de 2011 ».
A la question de savoir ce qui se passerait au pays cas où « Kabila » restait « scotché » à son siège le 19 décembre 2016, Mavungu eut ces mots: « J’ai la conviction que la population ne laissera pas faire ». L’avenir lui donnera raison seulement en partie. Plusieurs manifestations pacifiques furent organisées. Les manifestants furent réprimés violemment par les sicaires de « Kabila ». Le dialogue bilatéral UDPS-PPRD n’eut jamais lieu…
La rédaction de Congo Indépendant présente ses condoléances les plus attristées à la famille de l’illustre disparu.
B.A.W.