Proche de Moïse Katumbi, président du parti « Envol« , Delly Sesanga Hipungu a claqué la porte de l’Union sacrée de la Nation, cette coalition pro-Tshisekedi qui a vu le jour, en décembre 2020, après la dislocation de l’alliance Fcc-Cach. L’intéressé invoque deux raisons essentielles à l’appui de sa décision: l’absence de consensus et le retour des antivaleurs. Ce dernier motif est illustré par l’empêchement de tout débat au sein de l’Assemblée nationale.
On attendait Moïse Katumbi et sa plateforme « Ensemble pour la République« , c’est Delly Sesanga Hipungu qui a pris le devant en annonçant, le mercredi 3 novembre, son départ de la majorité parlementaire dite « Union sacrée de la Nation » (USN) qui soutient le président Felix Tshisekedi depuis le mois de décembre 2020.
Certains observateurs se sont aussitôt esclaffés en arguant que l’homme est réputé pour sa « versatilité« . L’intéressé n’en a cure. Il s’est mis à égrener, les raisons ayant abouti à cette décision. Une décision qu’il entend assumer.
Intervenant jeudi 4 sur les antennes de radio « Top Congo« , Sessanga a saisi l’actualité au bond en critiquant l’invitation adressée aux députés nationaux d’aller accueillir le Président de la République qui rentrait le lendemain vendredi de son périple en Israël, Italie (G20) et Ecosse (Cop 26). Pour lui, « ça ne se fait pas au nom du principe de séparation des pouvoirs« .
Après cette « entrée en la matière« , « Delly » a fait remarquer que le changement espéré avec l’avènement de l’Union sacrée de la Nation tarde à se matérialiser. D’après lui, on assiste, au contraire, « au retour des antivaleurs » dénoncées à l’époque de « Joseph Kabila« . Il épingle, en premier lieu, l’absence de débat au sein de l’Assemblée nationale. « Il n’y a pas de véritable débat« , a-t-il résumé en ajoutant que les « motions incidentielles » ont fait un retour en force comme à l’époque du « Bureau Mabunda« . Selon lui, l’ancienne Présidente de la chambre basse du Parlement « demandait que les amendements aient lieu après le vote de la loi« .
Jetant un regard critique sur l’état de siège, le Président d’Envol a déploré « la prorogation automatique » de cette mesure exceptionnelle « sans un vrai débat« . Pour lui, le Parlement « ne joue pas sa mission de contrôle« . Traduction: le pouvoir législatif est réduit au rang de chambre d’enregistrement. Il cite le cas du député Jean-Jacques Mamba qui aurait adressé une « Question orale« , restée sans suite à ce jour, au ministre de l’EPST (Enseignement primaire secondaire et technique). Il cite également le débat qui devait suivre le dépôt du projet de budget pour l’exercice 2022. Et de rappeler que le projet a été déposé le 15 septembre.
Membre du regroupement parlementaire « G13 », Sesanga d’estimer que ceux qui empêchent le déroulement d’un « vrai débat » au sein notamment de l’Assemblée nationale ont tort « de faire croire au chef de l’Etat qu’on le soutient en bloquant les questions orales« .
Pour lui, « il n’y a pas de démocratie sans consensus« . Il déplore qu’il n’y ait pas de « consensus » particulièrement sur les grands sujets touchant à la marche du pays. C’est le cas notamment des réformes électorales. Selon lui, l’USN « a neutralisé le contrôle parlementaire« .
Certains « analystes » ont glosé sur le départ de Sesanga en qualifiant l’affaire de « pseudo-événement« . Au motif que le parti Envol n’aurait pas « un grand poids politique » et ne compte qu’un vice-ministre dans le gouvernement du Premier ministre Sama Lukonde. Erreur. « Il faut redouter surtout la charge symbolique de ce départ« , commente politiste.
Près d’une année après la naissance de l’USN, des voix s’élèvent pour dire que cette doctrine lancée par « Fatshi » n’a pas encore généré l’embellie escomptée. Bien au contraire. Certains alliés du chef de l’Etat confient – dans des conversations privées – une certaine exaspération face à ce qu’ils appellent « l’arrogance du parti présidentiel« . « Faute d’une coordination digne de ce nom, l’USN ressemble de plus en plus à un cadre sans tableau », fait remarquer un parlementaire de la majorité. Et d’ajouter: « Le monde politique congolais, lui, prend chaque jour l’allure d’une bombe à retardement. Une introspection au sein de ce regroupement parait plus que nécessaire« .
Signe de temps. Les « communicants » du Fcc-PPRD ne rasent plus les murs. Ils ont retrouvé un certain bagou. Ils sont de plus en plus présents dans les médias. Ils ne ratent aucune émission. Le « travail de deuil » après l’implosion de la coalition Fcc-Cach est manifestement terminé. Les « kabilistes » ne courbent plus l’échine. Les erreurs de communication des « Fatshistes » leur ont redonné le souffle perdu.
En tous cas, le discours des « kabilistes » est redevenu offensif. Ce discours tient en ces quelques mots: « La situation sociale sous Felix Tshisekedi est devenue pire qu’à l’époque de Joseph Kabila« . Qui oserait leur jeter la première pierre quand on voit que « Fatshi » semble privilégier la macroéconomie en lieu et place de la microéconomie? Des « journalistes » proches de l’ex-Première dame hantent les médias kinois pour dénoncer le « renchérissement du coût des produits de consommation courante« .
Selon le député provincial Peter Kazadi, « Moïse Katumbi combat l’Union sacrée tout en y étant membre« . Il apparait néanmoins que « Delly » et « Moïse » mènent le « même combat » même si la finalité pourrait diverger. Ils dénoncent l’absence de débat et du consensus au sein de l’USN. Bien que qualifié d' »inconstant« , Sesanga assure qu’il ne regrette pas d’avoir appuyé l’Union sacrée de la Nation. Selon lui, « il fallait donner à l’UDPS l’occasion d’exercer le pouvoir« . « Pour le reste, a-t-il conclu, les Congolais jugeront« . Après le départ Sesanga, à qui le tour? L’avenir le dira…
Baudouin Amba Wetshi