Faut-il désespérer de ce grand pays appelé le Congo-Kinshasa? Certains Congolais, sains de corps et d’esprit, n’hésitent plus à répondre à cette interrogation par l’affirmative. Pour les tenants de cette thèse, il y a une « absence totale de lisibilité et de visibilité » au plan politique. Au motif que le pays serait devenu l’otage des « extrémistes » tant de la majorité que de l’opposition. Tozo kende wapi? Tuku na enda wapi? Traduction: on va où là?
Au commencement était les élections chaotiques du 30 décembre 2018. Il y a ensuite la désignation pour le moins chahutée des nouveaux animateurs de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) en prévision des consultations politiques devant être organisées en septembre ou novembre 2023.
Recalé par les catholiques et les protestants contre six églises de réveil, Denis Kadima – dont le savoir-faire en matière électorale est unanimement reconnu – est « accusé » d’être « trop proche » du président Felix Tshisekedi. Un avis que semble partager Moïse Katumbi Chapwe, le président de l’EPR (Ensemble pour la République). Celui-ci l’a fait savoir dans une correspondance adressée au chef de l’Etat en date du 18 octobre dernier.
A tort ou à raison, les adversaires politiques et autres futurs challengers de Felix Tshisekedi le soupçonnent de vouloir faire une « O.P.A » tant sur la Cour constitutionnelle que la Centrale électorale. Ainsi garantir la victoire en 2023. Procès d’intention?
Le 19 octobre 2021, le « président élu » Martin Fayulu Madidi, comme aiment l’appeler ses partisans, invite les représentants des forces politiques et sociales « réellement acquises au changement » à adhérer à une structure dénommée « Bloc patriotique ». But: barrer la route à la « dictature fatshiste« . Une manifestation est annoncée pour le samedi 6 novembre prochain.
Secrétaire général ad intérim de l’UDPS, le parti présidentiel, Augustin Kabuya a réagi aussitôt au cours d’une « matinée politique« . Friand des outrances verbales, ce dernier a promis une contre-manifestation. L’objectif, selon lui, serait de démontrer la force de frappe de l’Union sacrée de la Nation.
L’absence de lisibilité a pris une ampleur inquiétante d’abord lorsque l’opinion nationale a noté la présence d’un représentant de l’Ensemble pour la République, en l’occurrence Papy Mbaki, parmi les signataires de la Déclaration du 24 octobre dernier des représentants des « Forces sociales et politiques de la Nation« . Cette structure est née dans le cadre du « Bloc patriotique » annoncé par Martin Fayulu.
L’absence de lisibilité est encore montée d’un cran lorsque le secrétaire général de l’ECIDé (Engagement pour la citoyenneté et le développement) a lancé ces mots: « La marche du 6 novembre a pour but de chasser la dictature au pouvoir« . Kabiliste devant l’Eternel, le PPRD Felix Kabange Numbi – l’autre signataire de ladite déclaration – a répétera les mêmes mots. Cette déclaration provocatrice n’a pas manqué de « déranger » Katumbi. Et pour cause? Le « Bloc patriotique » cher à Martin Fayulu vire-t-il en un mouvement insurrectionnel? Moïse Katumbi et « Joseph Kabila » mèneraient-ils le même combat? On peut franchement en douter au niveau des motivations.
Pour le « clan Kabila« , la raison de l’adhésion au « front anti-Fatshiste » ressemble fort à une fuite en avant. Et ce au moment où les révélations se suivent et se ressemblent au procès sur l’assassinat de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana. Des révélations qui mettent sous une lumière crue l’ombre non seulement de l’ancien patron de la police John Numbi Banza mais aussi de l’ex-président « Joseph Kabila » dans ce double crime d’Etat. Qu’en est-il de Katumbi? Croyait-il adhérer à un « simple » groupe de pression?
Dès le lendemain de l’investiture de Felix Tshisekedi à la tête de l’Etat, l’ancien gouverneur du Katanga a été le premier à lever l’option d’une « opposition républicaine » à la grande satisfaction de tous ceux qui piaffent d’impatience de voir ce grand pays au coeur de l’Afrique retrouver une certaine vie harmonie entre ses habitants. En dépit des divergences idéologiques, au demeurant, légitimes. « Moïse » a-t-il été induit en erreur par certains « radicaux » de son entourage?
Depuis quelques jours, une question taraude les esprits: l’Ensemble pour la République partira ou ne partira pas de l’Union sacrée de la Nation? Dans ses journaux parlés de ce dimanche 31 octobre, la Radio France Internationale (RFI) a annoncé que le Président de l’EPR a rejoint le point de vue exprimé par le leader du MLC, Jean-Pierre Bemba Gombo, dans son communiqué de presse daté du vendredi 29 octobre. « En dépit de ce manque de consensus et de multiples difficultés que traverse notre pays (…), j’exhorte les uns et les autres à privilégier l’intérêt national en oeuvrant ensemble pour des élections libres, crédibles, transparentes et inclusives. Il est possible de renforcer la loi électorale en permettant la publication des résultats de chaque bureau de vote dès la fin des scrutins« , peut-on lire.
Aux dernières nouvelles, l’information diffusée par RFI est loin d’être conforme à la réalité. Le « chairman » Moïse Katumbi, comme l’appellent ses proches, poursuivrait encore ses consultations. On peut gager que l’homme continuerait à se tâter. Il se trouve devant un choix cornélien: claquer la porte de l’Union sacrée ou rester. Dans les deux cas de figures, l’homme politique risque de perdre non seulement la face mais aussi la crédibilité. Et ce pour avoir agi avant de – réfléchir? – consulter ses proches et partenaires politiques…
Baudouin Amba Wetshi