Hommage: Le défenseur des droits humains Golden Misabiko s’en est allé!

Ancien président provincial de l’Association africaine de défense des droits de l’Homme (Asadho) pour le Katanga, Golden Misabiko Muchega est mort à Kinshasa. Il résidait, depuis plusieurs années, en Afrique du Sud. La nouvelle s’est répandue, mercredi 13 octobre, comme une trainée de poudre. Doté d’un courage à la limite de la témérité, « Golden » fut une sorte de « poil à gratter » tant pour le président LD Kabila que son successeur « Joseph Kabila« .

« La mort de Mze Misabiko me bouleverse vraiment. Nous venons de perdre un homme d’un courage civil rare. Un vrai héros nous a quittés« . L’homme qui parle s’appelle Georges Mirindi. Ancien membre de la garde rapprochée du président Laurent-Désiré Kabila, ce dernier a fait la connaissance de ce défenseur des droits humains dans un cachot du tristement célèbre « GLM ». Cet immeuble qui appartient au « Groupe Litho Moboti » a été transformé en centre de tortures par les pseudo-libérateurs du 17 mai 1997.

Début novembre 2000, Misabiko est la première personne à dénoncer, sur les ondes de la Voix de l’Amérique, l’exécution extrajudiciaire du commandant Anselme Masasu Nindaga, un des « cofondateurs » de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL). Et ce à l’issue d’un « procès stalinien » au village Kantonia, près de Pweto, dans l’actuelle province du Haut Katanga. La « révolution » mange ses propres fils.

Le procureur général près la Cour d’ordre militaire, Charles Alamba Mongako représentait le « ministère public« . Dieu seul sait le rôle joué tant par le général-major « Joseph Kabila » que le colonel John Numbi Banza, alors respectivement chef d’état-major des forces terrestres et commandant de région militaire du Katanga.

En face du président LD Kabila, le commandant Anselme Masasu en tenue de camouflage

La mort de Masasu fut suivie d’une avalanche de dénégations au niveau officiel. Ministre des Affaires étrangères au moment des faits, Léonard She Okitundu, toute honte bue, dû se rendre à l’évidence en confirmant la mort de Masasu qui passait pour le « leader » des enfants soldats dits « Kadogo » ayant accompagné Mze Kabila dans sa « conquête du pouvoir » de la ville de Goma, au Nord Kivu, à Kin.

Selon la version officielle, Masasu aurait ourdi un complot en vue de renverser le Mze. « C’était une cabale« , protestent des proches du défunt. D’après eux, l’élimination de Masasu suivi de l’assassinat de Mzee, le 16 janvier 2001, rentraient dans le cadre d’une conspiration montée par ceux qui ont tiré profit du crime.  

Début décembre 2000, l’ordre est tombé. L’activiste des droits humains est interpellé par des agents de l’ANR (Agence nationale de renseignements). Il est aussitôt transféré à la prison centrale de Makala à Kinshasa. Quelques jours plus tard, il est délocalisé au « GLM« . C’est dans cet endroit que « Golden » va côtoyer la connaissance de plusieurs « Kadogo« . Le lieutenant Georges Mirindi s’y trouvait enfermé, dès le 16 janvier 2001, quelques heures après l’annonce de « l’attentat » ayant coûté la vie au chef de l’Etat congolais.

Après le GLM, Misabiko est ramené à Makala. Le 13 septembre 2001, il est remis en liberté. C’était grâce à l’intervention du rapporteur spécial des droits de l’Homme, le Chilien Roberto Garreton. Depuis huit mois, le nouveau Président de la République s’appelle « Joseph Kabila ». « Golden » porte ce dernier en piètre estime. Après plusieurs années passées en exil en Suède, le défenseur des droits humains regagne le pays en 2005.

Le 2 juin 2005, l’activiste est arrêté de nouveau par des agents de l’ANR/Katanga dirigée, à l’époque, par le « Redoc » Jules Katambwe bin Mutindi. Il est reproché à Misabiko d’avoir qualifié de non-fondées les accusations de « menées sécessionnistes » articulées à l’encontre d’André Tshombe, un parent à l’ancien Premier ministre Moïse Tshombe. Aussitôt libéré, l’activiste ne chôme pas. Il dénonce les pourparlers entre le gouvernement congolais et la société française Areva (énergie nucléaire) en vue de l’obtention du droit d’exploitation de l’uranium de Shinkolobwe.

B.A.W.

Ci-après, la retranscription quasi-intégrale de l’interview que l’ancien président de l’Asadho/Katanga avait accordée à Congo Indépendant. C’était le 23 octobre 2006. C’est un valeureux fils du pays qui vient de nous quitter. Notre journal présente ses sincères condoléances à la famille de l’illustre disparu ainsi qu’à ses amis et proches.

INTERVIEW:

« JE PEUX VOUS AFFIRMER QUE C’EST JOHN NUMBI QUI AVAIT ABATTU MASASU. ALAMBA EST VENU L’ACHEVER ».

Dans votre lettre ouverte à Joseph Kabila, vous écrivez ce qui suit: « Votre identité est fausse. Vous le savez et le je le sais que les noms que vous portez sont faux ». Quels sont les éléments en votre possession?

(Rires). Je persiste et signe: l’homme qui est à la tête de la République démocratique du Congo ne s’appelle pas Joseph Kabila. Son identité est fausse.

Quelle est, selon vous, son identité réelle?

Son identité réelle est Hyppolite Christopher Kanambe.

D’aucuns pourraient objecter que c’est du déjà entendu! Que répondez-vous?

C’est vrai que tout le monde le dit. Il reste que c’est la vérité. Pour le moment, je n’entre pas dans les détails. Je tiens à ajouter qu’il n’est pas le fils de Laurent-Désiré Kabila.

Pourquoi, selon vous, la famille biologique du feu Kabila ne dit pas sa part de vérité pour mettre fin à cette controverse?

Cette famille ne pourra pas clarifier cette situation. Le « Monsieur » qui a usurpé le nom de Kabila est en train d’utiliser ce patronyme pour garder le pouvoir. (…).  Sur le plan économique, cette famille garde le silence pour continuer à bénéficier de sa part du « butin ». Les membres de la famille de LD Kabila jouissent des faveurs pour l’exploitation minière. Le pouvoir leur accorde diverses facilités notamment en argent. La famille de Laurent-Désiré est corrompue par l’homme qui se fait appeler Joseph Kabila.

Dans votre lettre, vous écrivez que Joseph Kabila se drogue à la cocaïne par voie intraveineuse. C’est une déclaration grave. Pouvez-vous le prouver?

Je suis un fouineur. Je suis un investigateur. Je peux prouver ce que je dis. Toutefois, même devant un peloton d’exécution, je ne révélerai jamais l’identité de ma source. Je peux en revanche vous affirmer qu’il s’agit d’une source digne de foi. Une source sûre. Je répète que Joseph se drogue à la cocaïne chaque matin et soir. A une personne qui l’exhortait à arrêter l’usage de stupéfiants, Joseph lui a répondu qu’il se « shoote » depuis l’âge de douze ans et qu’il ne sait plus se passer de la drogue. La personne en question m’a avoué qu’il a fait l’objet d’un attentat au cours de la même soirée.

N’avez-vous pas de craintes pour votre propre sécurité?

Pas du tout. En faisant cette déclaration, je n’ai en tête qu’un seul but: le salut de notre pays et celui de notre peuple. (…).

Vous évoquez l’affaire relative au trafic de l’Uranium de Shinkolobwe. Avez-vous un complément d’informations?

Selon les informations en ma possession, Augustin Katumba Mwanke (le bras droit de Joseph Kabila, Ndlr) s’est régulièrement rendu à Téhéran en vue de conclure le contrat de vente du minerai d’uranium à l’Iran ainsi qu’à la Corée du Nord. Joseph utilise quelques hommes de son entourage pour ne pas faire apparaître son implication dans ce dossier. Outre Katumba, je peux citer Didier Kazadi Nyembwe, John Kahozi. Sans oublier l’ancien responsable, à Lubumbashi, de l’ANR (Agence nationale de renseignements) qui vient d’être transféré à Kisangani. Il s’appelle Katumbwe Bin Mutindi. Celui-ci a organisé la sortie de l’uranium à partir de Lubumbashi vers l’Iran. Au moment où je vous parle, Katumbwe doit être auditionné à Kinshasa à ce sujet. C’est une affaire vraie.

Des témoins assurent que le 16 janvier 2001, « Joseph Kabila » se trouvait à Lubumbashi. Dans votre lettre, vous l’accusez pourtant d’avoir « tué » Laurent-Désiré.

Joseph avait quitté Kinshasa un jour avant l’annonce de la mort de Laurent-Désiré Kabila. Avant de quitter la capitale, il avait ordonné le désarmement des soldats notamment du camp Ceta et Kokolo de peur que les militaires de ces garnisons réagissent à l’annonce du décès de « Laurent ». Au palais de marbre, tous les éléments de la garde rapprochée ont été également désarmés. Après avoir planifié l’heure à laquelle Laurent-Désiré devait être abattu, Joseph a pris son avion pour aller à Lubumbashi. C’est lui qui a coordonné l’assassinat à partir de Lubumbashi. Je voudrais ajouter que le 15 janvier 2001, Sifa Mahanya se trouvait en détention à la prison de Makala. C’est Joseph qui l’a fait extraire ce même jour. En contrepartie, Sifa a accepté de jouer le jeu en se présentant comme la maman du nouveau président.

Vous imputez également à « Joseph Kabila » l’exécution du commandant Anselme Masasu Nindaga?

En organisant l’exécution de Masasu à Pweto en compagnie de John Numbi et de Charles Alamba, Joseph voulait provoquer une sorte de psychose à Kinshasa. Je peux vous affirmer que c’est John Numbi qui avait abattu Masasu. Alamba est venu l’achever. Dès ce moment, Joseph a fait répandre des bruits selon lesquels les jeunes soldats venus du Kivu ne voulaient plus de Laurent-Désiré Kabila après la mort de Masasu. Joseph ne cessait de dire à qui voulait l’entendre que les soldats originaires du Kivu préparaient un complot visant à l’assassinat LD Kabila. Il a créé une psychose autour de Laurent-Désiré jusqu’à parvenir à le faire abattre. Durant la journée du 16 janvier 2001, Joseph était, depuis Lubumbashi, accroché aux nouvelles de Kinshasa jusqu’au moment où un correspondant l’a assuré que « le baobab est tombé ». C’est ainsi qu’il a pris un avion pour rejoindre Kinshasa dans la soirée. Ce n’était nullement pour participer au deuil. Le corps de Laurent-Désiré a été emmené à Harare, via Lubumbashi, afin d’ouvrir le coffre du disparu – grâce à ses empreintes – dans la capitale zimbabwéenne. Voilà pourquoi je dis que Joseph a tué Laurent-Désiré Kabila. Je sais que celui-ci n’était pas un saint homme. Il reste qu’aucun crime ne peut rester impuni. En tant que défenseur des droits de l’homme, je ne peux que dénoncer et condamner ce genre d’actes. (…)

Comment expliquez-vous le fait que l’actuel président se nommait Joseph Kabila du vivant de Laurent-Désiré?

C’est à l’étape de Kisangani, en mars 1997, qu’il avait adopté l’identité de Joseph Kabila. C’était un subterfuge pour le faire accepter par la population. C’est Eddy Kapend qui avait proposé qu’il prenne cette identité. Au moment il atteint Kisangani, tout le monde désignait Joseph sous l’appellation de « commandant Hyppo ». A Lubumbashi, le bruit s’est répandu qu’il y a un certain Joseph Kabila parmi les soldats. Je tiens à vous dire que Joseph connaissait Laurent-Désiré. Celui-ci n’a jamais fait faire un acte juridique reconnaissant Hyppolite Kanambe comme son fils. Des journalistes disent qu’ils n’ont jamais entendu Laurent-Désiré désigné Joseph par le vocable « mon fils ». Je peux vous dire également que Joseph n’a jamais dit « mon père » pour désigner LD Kabila. J’ai des témoins qui ont surpris un jour Joseph, parlant de Laurent-Désiré de son vivant, dire en swahili: « Ule muntu iko n’akili? ». Traduction: cet individu est-il vraiment intelligent?

Vous affirmez avoir été témoin de l’élimination de plusieurs centaines de soldats originaires du Kivu…

Après avoir dénoncé l’exécution de Masasu, j’ai été arrêté et « enlevé » de Lubumbashi avant d’être transféré au « GLM » à Kinshasa. J’ai été le témoin malheureux des « disparitions ». Chaque jour aux environs de minuit, des militaires venaient prendre une trentaine de jeunes militaires détenus qui partaient pour ne plus revenir. J’ai pu obtenir des témoignages dans les cellules où ils étaient. Certains ont été tués dans les couloirs du GLM. On leur passait un sac à la tête jusqu’à la taille avant de leur tordre le cou à un angle de 100 degrés

Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi

Happy
Happy
0 %
Sad
Sad
0 %
Excited
Excited
0 %
Sleepy
Sleepy
0 %
Angry
Angry
0 %
Surprise
Surprise
0 %