Ministre de la Santé publique, hygiène et prévention de la RD Congo depuis le mois d’avril dernier, le Bruxellois Jean-Jacques Mbungani Mbanda, 54 ans, se trouve à la tête d’un secteur vital, au propre comme au figuré. Un secteur dont le financement dépend, depuis la nuit des temps, de la « charité internationale » que les Congolais désignent sous la douce appellation de « partenaires« . Chaque année, ce sont les « partenaires » notamment européens qui délient le cordon de la bourse pour permettre aux Congolais de recevoir un minimum de soins de santé. L’Etat n’y consacre que plus ou moins 11% de son budget. Les « dépenses de souveraineté » (armée et sécurité, institutions) ont toujours eu la préséance sur la santé. Samedi 25 septembre, le téléphone retentit à la rédaction de Congo Indépendant. Qui est au bout du fil? « C’est votre frère Jean-Jacques Mbungani« . A défaut de pouvoir réaliser une interview face-à-face, le « frère« , devenu membre du gouvernement, a fait parvenir à l’auteur de ces lignes des informations utiles sur l’état des lieux de la santé publique dans notre chère patrie. Un casse-tête.
Depuis le mois de mars 2020, la terre entière ne parle que de Coronavirus ou le Covid-19. Selon le ministre Jean-Jacques Mbungani Mbanda, cette pandémie est, certes, au centre des préoccupations mais « le profil épidémiologique de la RDC reste aussi dominé par le paludisme qui vient en tête parmi les motifs de consultation avec 71% de cas« . Les insuffisances rénales aigues (IRA) viennent en second lieu (23%). La fièvre Typhoïde (5%) et la rougeole (1%) bouclent la boucle.
Ouvrons la parenthèse. Dans ce Congo-Kinshasa confronté, depuis plus d’une décennie, à la pénurie en eau courante, la fièvre Typhoïde fait de ravage. Dans sa dépêche datée du 22 septembre dernier, l’Agence congolaise de presse (ACP) épingle le cas de la commune kinoise de Barumbu où les maladies des mains sales et le paludisme constituent les pathologies les plus fréquentes au « centre santé mère et enfant« . Selon le docteur Achille Kabala, les conditions d’hygiène, la promiscuité et l’insalubrité sont les causes principales de la fièvre Typhoïde et du paludisme.
Les Objectifs du Millénaire pour le développement. Lors de l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2000 dit « le Sommet du millénaire« , l’Assemblée générale avait défini huit Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). A savoir notamment: Eliminer l’extrême pauvreté et la faim; assurer l’éducation primaire pour tous; réduire la mortalité des enfants; améliorer la santé maternelle; combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies. Qu’en est-il du bilan quinze années après? L’ancien président « Joseph Kabila » est mieux placé pour en parler. Fermons la parenthèse.
Selon le Dr Mbungani, le Congo-Kinshasa « traverse une période de transition épidémiologique avec de plus en plus de cas de maladies de non transmissibles dominées par « HTA » [Hypertension artérielle], le diabète avec leurs complications en termes d’accident vasculaire cérébrale (AVC), d’insuffisance rénale et de cardiopathie« .
Le ministre de la Santé fait remarquer qu’un « phénomène nouveau » est venu noircir davantage ce tableau déjà sombre. Il s’agit des « accidents de trafic routier » dans les grandes villes du pays. Selon lui, ces crashs « entrainent de plus en plus des blessés et des décès« . A Kinshasa, ces collisions constituent la cause majeure de décès.
Pas d’engouement pour la vaccination anti-Covid. Qu’en est-il du Covid-19 qui s’est déclaré depuis le 10 mars 2020? Selon Mbungani, le Congo/Kinshasa – qui abrite plus ou moins 80 millions d’âmes – cumule 56.624 cas confirmés de contamination et un cas probable. D’après lui, il y a eu 1.084 décès et 50.675 personnes guéries. Toutes les 26 provinces du pays ont été touchées par cette pandémie.
Le 2 mars denier, le Congo-Kinshasa a reçu successivement une allocation de 1.716.000 doses du vaccin AstraZeneca et d’un don de 50.000 doses du même vaccin offert par l’Inde. La vaccination anti-Covid n’a pas suscité de l’engouement auprès de la population. Bien au contraire. Selon lui, la cause est à rechercher dans l’infodémie ayant suscité des craintes sur les effets secondaires. On retiendra que 87.690 personnes (seulement, c’est nous qui le soulignons) ont reçu la première dose; 35.487 ont reçu les deux doses. Il s’agit ici d’AstraZeneca. En ce qui concerne le vaccin Moderna, 893 personnes ont reçu la première dose.
Depuis son entrée en fonction, le ministre Mbungani fait face à plusieurs problèmes. Primo: la grève des médecins et des autres personnels soignants. « Cette situation perturbe profondément le fonctionnement de l’administration sanitaire et la dispensation des soins à la population dans les formations sanitaires publiques« , note-t-il. Secundo: l’état de délabrement d’un bon nombre des infrastructures publiques de santé et leur approvisionnement irrégulier en médicaments essentiels. Enfin: le problème de pilotage et coordination de la mise en œuvre de la couverture santé universelle « qui nécessite que les rôles et les responsabilités de toutes les parties prenantes soient rapidement clarifiées« .
Les défis à relever. L’actuel ministre de la Santé, hygiène et prévention pourra-t-il relever les défis en matérialisant les deux axes du programme d’action du gouvernement (2021-2023) s’articulant sur la mise en place de la couverture santé universelle et la lutte contre les épidémies et les grandes endémies? C’est à voir!
Quid des moyens? « Comme le dit un principe économique, les besoins sont nombreux mais les ressources sont souvent limités« , indique « Jean-Jacques« . Selon lui, son secteur d’activité n’échappe pas à cette contrainte. « Bien que le pays ait ratifié la Déclaration d’Abuja (2001) d’allouer à la santé au moins 15% du budget de l’Etat« . D’après lui, « les allocations à la santé varient dans la fourchette de 8,5 à 11% depuis 2019« . Pour le moment.
Selon une dépêche de l’ACP datée du 4 juin, le ministre Mbungani avait reçu l’ambassadeur belge à Kinshasa, Jo Indekeu. Selon le diplomate belge, il a été question « de planifier un nouveau programme de coopération en matière médicale dans les prochains jours… ». Depuis fin 2016, le Congo-Kinshasa n’a plus d’ambassadeur à Bruxelles tant au niveau bilatéral que de l’Union européenne.
Baudouin Amba Wetshi