Marche de Lamuka: Fayulu perd son pari mais réussit son « coup »

C’est un échec. C’est le moins que l’on puisse dire de la marche organisée, mercredi 15 septembre, par la plateforme « Lamuka » du duo Fayulu-Muzito. Les Kinois n’étaient pas venus nombreux à ce rendez-vous. Il en serait de même dans les autres villes du pays. Le « Président élu », comme l’appellent ses partisans, était dans tous ses états. Il n’a pas gagné son pari consistant à faire descendre dans les rues les Congolais aux quatre coins du pays. Le défi lancé à la puissance publique, représentée par le gouverneur de la ville de Kinshasa n’était qu’une bravade. Martin Fayulu et Adolphe Muzito ont été « reconduits à-coups la maison » sous bonne escorte. Le président de l’ECIDé a, en revanche, réussi son « coup ». Il avait « prédit » des brutalités policières à l’occasion d’une manifestation qui n’avait pas encore eu lieu. Il avait « pris à témoin » la Cour pénale internationale (CPI) via un mémo. Les policiers kinois ont confirmé leur sulfureuse réputation en molestant notamment un journaliste. Les vieilles habitudes ont la peau dure…

Ville aux dimensions tentaculaires (9.900 km²), la capitale congolaise est divisée en 24 communes. Celles-ci abritent plus de dix millions d’âmes. Mercredi 15 septembre, c’était le jour de la rentrée parlementaire. « C’est une session essentiellement budgétaire », a rappelé le président de l’Assemblée nationale dans son « allocution inaugurale ».

Gentiny Ngobila, gouverneur de la ville de Kinshasa

C’est ce même mercredi 15 septembre que la plateforme « Lamuka » du duo Fayulu-Muzito a choisi pour organiser sa « marche » qui devait, comme à l’accoutumée, partir des quartiers populeux du district de la Tshangu (Masina, Kimbanseke, Maluku, Ndjili et Nsele). La grande majorité de la population de cette partie de la ville est composée des natifs du « Grand Bandundu ».

LE PARI PERDU DE FAYULU

Mercredi 15 septembre, les Kinois n’ont pas répondu nombreux à l’invitation de Fayulu. Et pourtant, la veille, ce dernier a diffusé, sur un ton martial autant que solennel, un « message à la nation » rappelant au « peuple congolais » que « la marche prévue le mercredi aura lieu à Kinshasa et dans les autres villes du pays ». Quid de l’objection exprimée par le gouverneur Gentiny Ngobila pour la date du 15 septembre? Le président de l’ECIDé (Engagement pour la citoyenneté et le développement) n’en a cure. L’homme chérit tout ce qui ressemble à un bras de fer.

Et pourtant, mardi, le chef de la police kinoise, le général Sylvano Kasongo, avait prévenu en termes clairs: « Ceux qui vont s’hasarder à troubler l’ordre public demain mercredi vont trouver la Police sur leur chemin ». Et de préciser que « tout attroupement de plus de cinq personnes sera dispersé avec des armes non létales ». « Nous avons reçu l’instruction d’interpeller toute personne qui ira à l’encontre de la décision » du gouverneur de la ville de Kinshasa « interdisant les marches de Lamuka et Nogec ». Il a conclu en affirmant à haute et intelligible voix que ses « hommes » ont reçu l’instruction d’interpeller tous les contrevenants à cette décision de hôtel de ville, interdisant les marches de Lamuka et de Nogec.

« MARTIN » REUSSIT SON « COUP »

Le duo Fayulu-Muzito – qui n’a jamais fait mystère de son dédain à l’égard de l’actuel chef de l’Etat- s’est retrouvé face à un « mur sécuritaire ». Un « mur » qui renvoie à la réalité selon laquelle, sur son territoire, la puissance publique n’admet aucune concurrence dans l’exercice de la contrainte coercitive. D’aucuns pourraient ricaner au regard de l’insécurité récurrente à l’Est du pays. Pourquoi pas!

Obligé de quitter les lieux sous bonne escorte, c’est un Martin Fayulu fou furieux qui a répondu à quelques questions de la télévision publique France24. Visage crispé, il « aboie » littéralement ses réponses: « j’ai été brutalisé. Vous l’avez vu! » Il poursuit: « La CPI doit voir ça. L’Onu doit également voir ça. La démocratie est en baisse en Afrique à cause de certains dirigeants du monde parce qu’ils sont trop tolérants ». Le ton frise l’extrémisme. L’Occident a en horreur des leaders au discours intransigeant. « Martin » n’avait pas compris qu’il ne s’adressait pas à quelques fanatiques de la Tshangu mais à des Occidentaux. Ces derniers sont friands de la modération. Ici, le débat politique baigne dans la tolérance et le respect mutuel. Fayulu n’a pas manqué de surprendre quand il a lancé le mot « Bololé » en direction de policiers. Il s’agit d’un mot lingala qui peut signifier « idiot » ou « stupide ».

le journaliste Patient Ligodi, patron d’Actualité.CD

Certains observateurs regrettent la décision du report de la « démonstration » de Lamuka. Pour eux, c’était l’occasion de permettre aux Congolais d’approfondir leur apprentissage de la démocratie. D’autres, plus « cyniques », considèrent que c’était l’instant de jauger la popularité de ce qui reste de la plateforme Lamuka en général et de Martin Fayulu en particulier.

Fayulu n’a pas réussi son pari de « fredonner » avec les Kinois: Non, à la Commission électorale nationale indépendante politisée; Non, au glissement du calendrier électoral en 2023, Non à la fraude électorale et Non à la dictature. Il a, par contre, réussi à mettre en exergue la brutalité des policiers congolais.

On apprendra avec stupeur que le journaliste Patient Ligodi, patron du média Actualité.CD et correspondant de RFI a été victime des brimades. Il a été arrêté avant d’être libéré. Embarqué dans un véhicule de la police, deux policiers se seraient « assis » sur lui.

Sur son compte Twitter, le ministre de la Communication et médias a condamné cette « bavure policière ». Martin Fayulu pourrait se consoler à l’idée qu’il avait « pris à témoin » la CPI bien avant la tenue de cette manifestation. Il a réussi son « coup ».

Fayulu n’a pas pu clamer avec les Kinois: « Oui aux réformes institutionnelles consensuelles ». Devrait-on donner raison à ceux qui soutiennent que « Martin » serait demandeur des « concertations nationales » à la « Joseph Kabila »? L’objectif serait de sceller un « glissement », cette fois-ci, « consensuel »?

 

Baudouin Amba Wetshi

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