Congo/Kin-Ouganda: Un pseudo-pompier nommé Museveni

C’est l’histoire du pyromane qui s’est découvert (tardivement) la vocation de pompier. Dans une interview accordée, jeudi 9 septembre, à la télévision France24, le président ougandais Yoweri Kaguta Museveni – qui est le véritable concepteur de la prétendue « libération » du 17 mai 1997 -, assure être en pourparlers avec les dirigeants congolais en vue de lancer « ses » troupes aux trousses des insaisissables « rebelles ougandais » dits « ADF » qui opèrent sur le sol congolais. Selon lui, la situation qui prévaut au Mozambique – où des « Djiadistes » occupent des champs pétroliers – « est liée » à l’insécurité à l’Est du Congo-Kinshasa.

Affichant une « arrogance tranquille », le chef de l’Etat ougandais a été interrogé à Entebbe par le journaliste Marc Perelman qui a évoqué avec lui plusieurs sujets: Guinée, Mozambique, réfugiés afghans, Somalie, Congo-Kinshasa. C’est ce dernier sujet qui fait l’objet de ce « papier ».

Interrogé si son pays était prêt à emboîter le pays au Rwanda de Paul Kagame en envoyant des troupes au Mozambique où des « islamistes » occupent la portion du territoire de ce pays riche en or noir, le président Yoweri Museveni a surpris en affirmant que « le problème du Mozambique est lié à celui de l’Est du Congo-Kinshasa ». Selon lui, les « Djiadistes » qui opèrent au Mozambique y sont allés « en passant par l’Est du Congo ». Pour lui, l’insécurité qui prévaut à l’Est « doit être réglée en même temps » que la situation au Nord-Kivu et en Ituri.

Museveni se dit prêt à envoyer des troupes de l’UPDF (armée ougandaise) dans ce pays lusophone. Et ce après avoir éradiqué les « ADF » qui répandent la terreur et la mort chez son grand voisin. « Nous avons toujours été prêts à aider à la condition que les autorités congolaises nous donnent l’autorisation », a-t-il souligné. La RD Congo a-t-elle formulée une demande dans ce sens? Esquivant cette question, il dit: « les deux gouvernements sont en pourparlers ». Non-satisfait par cette réponse, le journaliste de France24 revint à la charge en demandant si les deux parties étaient « proches d’une décision ». Réponse: « C’est au gouvernement de la RDC à l’annoncer ».

Il n’est pas sans intérêt de relever les propos tenus par le président Museveni sur la Somalie où sont déployés pas moins de 1.500 soldats ougandais sous la bannière de l’AMISOM (Mission de maintien paix de l’Union Africaine en Somalie).

Selon lui, le rapatriement des troupes ougandaises est retardé du fait qu’il n’a pas été possible de faire émerger une « force armée nationale » en Somalie. « On ne peut pas apporter, de l’extérieur, de quoi résoudre le problème, fait-il remarquer. Il faut que la solution naisse et se développe de manière endogène ».

C’est ici que les propos du chef de l’Etat ougandais prennent le relief d’un message subliminal en direction des dirigeants congolais. « Un pays c’est comme un corps. Il doit pouvoir se défendre seul. S’il ne peut pas le faire ce qu’il souffre d’une sorte de Sida politique ». C’est Museveni qui parle. C’est encore lui qui ajoute: « Nous avons mené beaucoup de guerre. Mais nous avons combattu par nous-mêmes. Nous n’avons demandé personne à lutter en nos lieu et place ». Vous avez bien entendu.

MUSEVENI CRACHE SUR LA MAIN QUI L’AVAIT NOURRI

Honoré Ngbanda Nzambo ko Atumba

Honoré Ngbanda Nzambo ko Atumba

Yoweri Kaguta Museveni a pris le pouvoir le 1er août 1986. Outre les services britanniques et le régime Kenyan du président Arap Moi, l’homme a bénéficié d’une importante aide… du maréchal Mobutu Sese Seko. « C’est moi qui ai présenté Museveni à Mobutu en novembre 1985, après qu’il me fut présenté par mon collaborateur Aka Ogbongo », écrit Honoré Ngbanda Nzambo ko Atumba dans ses ouvrages « Ainsi sonne le glas – Les derniers jours du maréchal Mobutu » et « Crimes organisés en Afrique centrale – Révélations sur les réseaux rwandais et occidentaux » publiés respectivement en 1998 et 2004, aux éditions Giddeppe et Duboiris. L’ancien conseiller spécial en matière de Sécurité de souligner, à la page 88 du second bouquin, « l’effort exceptionnel consenti par le chef de l’Etat zaïrois pour permettre l’accession de Museveni au pouvoir à Kampala ». La suite est connue.

A la page 104 du premier ouvrage cité, Honoré Ngbanda note le message que le président Mobutu avait adressé à Museveni par son entremise: « Dis-lui qu’il ne doit pas cracher sur la main qui l’a nourri ». Le « Grand Léopard » venait de réaliser que ses « amis » américains l’avaient lâché.

Les Zaïro-Congolais ont encore frais en mémoire que l’une des premières décisions de l’AFDL fut l’internement, dès fin mai 1997, des 40.000 hommes des Forces armées zaïroises dans une sorte camp de concentration à Kitona. Ce fut une hécatombe. A la manette, il y avait notamment le Rwandais James Kabarebe, alors colonel, un pur produit de l’armée ougandais. LD Kabila n’était à l’époque qu’une marionnette. L’objectif de Museveni et de son filleul Kagame était de détruire le socle voire l’âme de la force publique zaïro-congolaise.

Les Zaïro-Congolais ont également en mémoire que c’est à partir de la « guerre » dite des « Banyamulenge » (octobre 1996), rebaptisée « la guerre de l’AFDL » que les groupes armés étrangers et nationaux ont commencé à fleurir. Et ce jusqu’à jour. Le Congo-Kinshasa n’a plus d’armée digne de ce nom.

L’ « offre » du chef de l’Etat ougandais de déployer ses « pompiers » pour éteindre le feu qu’il avait lui-même allumé à l’Est est une blague. Une blague de mauvais goût teinté de mépris. Il le dit implicitement: « Nous n’avons jamais demandé à personne de combattre pour nous ». Question: Ce qui est « imbuvable » pour les Ougandais doit-il être forcément « buvable » pour les Congolais? Les dirigeants congolais sont prévenus.

 

Baudouin Amba Wetshi

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