Questions directes à Félix Tshisekedi Tshilombo

Président Felix Tshisekedi

Le Conseil de sécurité des Nations Unies a décidé de prolonger le mandat de la Mission onusienne au Congo-Kinshasa pour une année. Des informations fragmentaires font état des pourparlers qui auraient eu lieu le weekend dernier, à Monaco, entre une délégation de la « majorité présidentielle » conduite par le directeur du cabinet présidentiel, Néhémie Mwilanya Wilondja, et des personnalités proches de l’UDPS avec à leur tête, Christian Tshisekedi. Secrétaire national de l’UDPS (Union pour la Démocratie et le Progrès Social) chargé des Relations extérieures, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo est interrogé sur ces sujets d’actualité et tant d’autres.

Pour lui, « la prétendue rencontre de Monaco relève de la spéculation journalistique d’autant plus que son frère ‘Christian’ n’a jamais été impliqué dans des activités politiques ». De même, il estime que « le dialogue devient indispensable afin de conclure un accord politique destiné à régler la période qui nous sépare de la date de l’organisation des élections ».

Le Conseil de sécurité a décidé de prolonger le mandat de la Monusco pour une année. Quelle est votre réaction à chaud?

C’est une Résolution qui était dans l’air. On s’attendait un peu non seulement à la prolongation du mandat de la Monusco mais aussi au rejet de la demande des autorités de Kinshasa d’obtenir la réduction des effectifs de la Mission onusienne. Cette Résolution du Conseil de sécurité de l’ONU nous enchante du fait que notre pays fait face à des sérieux problèmes de sécurité. Le gouvernement Kabila est incapable de sécuriser la population. Notre pays a encore besoin de l’appui des forces onusiennes. De même, il y a des échéances politiques majeures qui profilent à l’horizon. Des échéances qui requièrent des garanties de sécurité et de stabilité. Le pouvoir en place ayant failli, il n’était que normal que le Conseil de sécurité reconduise le mandat de la Monusco.

Le Conseil insiste sur la tenue des élections dans les délais constitutionnels…

Effectivement! Le Conseil a également insisté pour que les élections se tiennent dans les délais constitutionnels. J’aurais souhaité que la Monusco aille jusqu’au bout de cette logique en préparant les étapes qui vont suivre. Le constat est là: le processus électoral accuse un grand retard. J’espère que la question relative à la désignation d’un facilitateur trouvera rapidement une réponse pour permettre à l’ensemble du personnel politique d’examiner ce qui est possible à réaliser par rapport aux élections d’ici au mois de novembre prochain. Je tiens à rappeler que l’UDPS tient à l’organisation uniquement de l’élection présidentielle et les législatives pour gagner du temps. Il va sans dire que le fichier électoral doit être mis à jour. La Commission électorale nationale indépendante (CENI) est loin d’être impartiale et crédible. Les récentes sorties médiatiques du président de la CENI montrent clairement son parti pris en alignant ses positions aux desiderata du gouvernement Kabila. C’est tout à fait inacceptable!

L’UDPS tient malgré tout à aller au dialogue dans ces conditions…

Absolument! J’ai le sentiment que le dialogue devient indispensable. Cela fait plus de 14 mois que l’UDPS demande la tenue de ces discussions qui procèdent d’une initiative de la communauté internationale. Il nous faut un accord politique pour régler la période qui nous sépare de la date de l’organisation des élections. Sinon, on va laisser Monsieur Kabila planter son « décor ». La récente élection illégale des gouverneurs des nouvelles provinces constitue le premier acte.

Pourquoi illégale?

Cette élection est illégale pour la simple raison que les députés provinciaux qui ont « élu » ces gouverneurs sont hors mandat depuis 2012. On ne peut plus parler de légalité encore moins de légitimité. L’acte posé par ces députés n’a aucun fondement juridique. Après avoir échoué dans la tentative de modifier la Constitution pour arracher le « glissement » – rejeté tant par la classe politique congolaise que la communauté internationale -, je crois que le clan Kabila prépare maintenant un scénario du genre Poutine/Medvedev. Kabila va désigner un « dauphin ».

D’aucuns parlent du Premier ministre Augustin Matata…

Peu importe. Je ne m’intéresse guère à ce qui se passe dans leur camp. Après la désignation du dauphin, nous devrions aller aux élections avec le fichier électoral « corrompu » de 2011. La pression est forte au plan interne et externe. Il n’est plus question de toucher à la Constitution. La majorité va profiter de l’existence de plusieurs millions d’électeurs fictifs pour faire élire ce dauphin. Celui-ci aura à renvoyer l’ascenseur à Kabila sous la forme d’une « protection ». C’est le scénario de complaisance qu’on veut nous servir. Les gouverneurs qui viennent d’être désignés ont pour mission d’assurer la bonne exécution de ce plan. Ils sont chargés de jouer le rôle de relais dans leurs provinces respectives. Cette action ne passera pas. Voilà pourquoi le dialogue est nécessaire pour démanteler ce système.

Un des alliés de votre parti a déclaré que le « dialogue » doit être une sorte de « derby » opposant « Joseph Kabila » et ses alliés d’une part et l’UDPS et ses alliés de l’autre. Par « alliés de l’UDPS », devrait-on entendre l’opposition dans son ensemble?

Qui fait partie de l’opposition? C’est la question qui mérite d’être posée. Sans vouloir engager de polémique ou des attaques personnelles, je n’ai jamais considéré ceux qui se réclament de « l’opposition républicaine » comme des opposants. La raison est simple: on ne peut pas participer au gouvernement et se dire opposant. C’est le cas notamment des dissidents du MLC qui sont dans l’Exécutif. Je vois mal ces gens rejoindre nos rangs lors des discussions entre le pouvoir et l’opposition. Lorsque nous parlons de l' »UDPS et alliés », c’est simplement parce que notre parti a été le premier à répondre à cette initiative de la communauté internationale. Il a, par ailleurs, pris part aux deux rounds à Venise et Ibiza. Depuis l’époque du Zaïre, notre monde politique a toujours vécu dans une bipolarisation: le pouvoir d’un côté, les opposants de l’autre.

Qu’entendez-vous par « alliés »?

Il s’agit de tous ceux qui nous rejoignent dans nos objectifs. Ces objectifs sont: la tenue des élections dans les délais constitutionnels; l’avènement d’une alternance démocratique dans la paix et la concorde; un processus électoral crédible et un facilitateur désigné de commun accord pour nous accompagner dans la réalisation de tous ces objectifs.

Que répondez-vous à certaines sources qui rapportent qu’une rencontre a eu lieu le samedi 26 mars à Monaco entre une délégation du pouvoir, conduite par le directeur du cabinet présidentiel, Néhémie Mwilanya Wilondja, et des cadres de l’UDPS avec à leur tête votre frère Christian Tshisekedi. Confirmez-vous cette information?

Je ne la confirme pas parce que je ne suis pas au courant. Et je vous le dis très sincèrement que c’est à travers un média que j’ai eu vent de cette histoire. Vous savez autant que les médias congolais sont réputés spéculatifs. C’est cette même publication qui m’aurait vu à Monaco pendant que je me trouvais en pèlerinage en Israël à l’occasion de la fête de Pâques. Le secrétaire général adjoint de l’UDPS, Bruno Tshibala, qui séjourne depuis le vendredi 25 mars en Belgique, pour des raisons privées, aurait été également « aperçu » dans la Principauté. Je tiens à signaler que mon frère Christian n’a jamais été impliqué dans les activités politiques. Il n’a jamais exercé de près ou de loin un quelconque mandat politique pour être engagé dans une délégation chargée d’aller négocier avec le pouvoir.

Outre votre frère « Christian », Bona Kabongo, maître Papis Tshimpangila et Floribert Tendayi sont cités comme membres de la délégation…

Toutes les personnes que vous venez de citer n’ont jamais eu de mandat politique au sein de l’UDPS. Jamais! Aucune de ces personnes n’a été associée au pré-dialogue à Venise, en Italie, et à Ibiza, en Espagne. Je vois mal que des personnes qui n’ont jamais eu accès à ce « dossier dialogue » se mettre à discuter avec l’autre partie. J’ai regagné la Belgique depuis mardi 29 mars. Je vais rencontrer le Président du parti dans l’après-midi de ce mercredi. Ce sera l’occasion pour moi de clarifier certaines choses. Je peux vous assurer que cette « affaire » ne m’émeut nullement. Pour « exister », l’organe de presse dont question a pris l’habitude de lancer des brûlots.

A quel organe de presse faites-vous allusion?

Je ne vais pas citer le nom pour ne pas lui faire de la publicité. Tout le monde sait qu’il s’agit de ce média qui m’aurait aperçu à Monaco pendant que j’étais à Jérusalem.

Quel était le but de votre voyage en Israël?

J’étais invité par des amis. Israël a toujours été un pays ami pour moi et ma famille.

A quelques 8 mois de l’expiration du second et dernier mandat de « Joseph Kabila », quel est, selon vous, l’état de l’opposition congolaise?

C’est mieux de me poser la question sur la situation de l’UDPS. Vous pouvez convenir que je suis mal placé pour parler de la situation de l’UNC de Vital Kamerhe, du MLC de Jean-Pierre Bemba ou de l’ECIDé de Martin Fayulu.

Comment se porte l’UDPS?

L’UDPS va bien dans l’ensemble. Il est vrai que le parti fait face à beaucoup de tensions au plan interne. Une situation qui découle essentiellement de l’éloignement du Président de la direction du parti. Cette absence a engendré une animosité entre pro et anti-dialogue; entre pro et anti-Mavungu, le secrétaire général. Tous ces tiraillements et positionnements font que notre formation politique traverse une zone de turbulence. Nous sommes en train de préparer le congrès qui doit avoir lieu rapidement. Je crois que nous allons, au sortir de ce forum, resserrer les rangs et fixer un cap. Le Président va regagner le pays à cette occasion pour remettre les choses dans l’ordre.

A propos des tiraillements, lors de la journée ville morte, le président Tshisekedi a soutenu cette manifestation alors que le secrétaire général Mavungu disait le contraire…

Vous devriez poser cette question non pas à moi mais au secrétaire général Bruno Mavungu. Je ne peux m’empêcher de vous dire que j’ai été surpris par le message qui venait de Kinshasa. Et ce pour la simple raison que le Président avait donné des instructions précises depuis un mois. A l’époque, on parlait encore de l’implication de l’Eglise catholique à cette manifestation. A mon avis, le secrétaire général avait mal compris une question qui lui était posée par un journaliste. Ce « couac » a entraîné des conséquences douloureuses au niveau de l’image de notre formation politique. La faille a été vite colmatée. Cet incident est désormais derrière nous.

Comment va le président Etienne Tshisekedi?

Je ne l’ai pas vu depuis une semaine. Il va bien. J’étais en contact avec lui depuis Israël. Ceux qui le fréquentent ont l’occasion de voir qu’il est en activité.

Quand pourra-t-il accorder son « interview de la rentrée » à la presse?

La presse devrait patienter encore un peu. C’est lui-même qui en a décidé ainsi. Il voudrait d’abord retrouver la maîtrise de tous ses réflexes.

Une question un peu dérangeante. Comment ressentez-vous le reproche récurrent que d’aucuns articulent à l’encontre de votre famille biologique d’exercer une « emprise » sur l’UDPS?

Nous ressentons ce reproche comme une injustice. C’est une injustice surtout par rapport à ma mère. Ces reproches sont non seulement révoltants mais surtout irrespectueux. Un manque de respect inacceptable. L’organe de presse dont question parle de la prétendue présence de mon frère à Monaco « avec la bénédiction de notre mère ». Et pourtant, elle n’en sait rien au même titre que moi. Je trouve insultant de traîner ainsi dans la boue la réputation d’une personne qui n’a pas peu contribué à l’essor de l’UDPS. Je me dis que c’est de bonne guerre. En tant que politique, j’imagine que ce sont des manœuvres destinées à me déstabiliser. Je dérange beaucoup à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du parti. Il est clair que mon ascension n’était ni prévue ni attendue. Mon arrivée bouscule un certain ordre établi. Mon ambition reste celle de perpétuer le noble combat déclenché par mon père Etienne Tshisekedi et ses compagnons de lutte. J’entends poursuivre ce combat contre vent et marée.

Depuis mardi 29 mars, le « G7 » est en conclave à Kinshasa. Il est prévu que cette plateforme désigne Moïse Katumbi Chapwe comme son candidat à l’élection présidentielle. Qu’en dites-vous?

Notre parti va simplement prendre acte. Monsieur Moïse Katumbi est un acteur politique. A ce titre, il ne s’y est pas engagé pour croiser les bras. Il a sans doute des ambitions et des projets. S’il est pressenti par les membres du G7 comme étant le meilleur d’entre eux pour assumer cette tâche, nous ne voyons aucun inconvénient. Le G7 a ses objectifs. L’UDPS en a les siens. Le plus important est que la démocratie soit sauve. Notre principale préoccupation est et reste la promotion de l’Etat de droit et la démocratie.

 

Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi

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