Vive Polémique autour des cartes « Visa Infinité » de la BCC

Décidée à démanteler le « système de prédation » institué par « Joseph Kabila » durant ses dix-huit années de pouvoir, l’Inspection générale des finances continue à « fouiner ». Après avoir audité notamment la RVA (Régie des voies aériennes), la compagnie aérienne Congo Airways et l’OCC (Office congolais de contrôle), l’IGF s’est penchée sur la Banque centrale du Congo. Ici, cet organisme – qui est placé sous l’autorité du Président de la République – a découvert que certaines personnalités politico-administratives sont nourries aux « mamelles » du Compte Général du Trésor « sans titre, ni droit ». Cette situation a été portée à la connaissance du ministre des Finances par lettre n°585/PR/IGF/IG-CS/2021 datée du 24 mai 2021. L’ancien ministre des Finances Sele Yalaguli qui est un des bénéficiaires de la fameuse « carte visa » a réagi vivement. L’IGF, mêmement. Qui dit vrai?

Remise-reprise entre José Sele Yalaguli (à gauche) et son successeur Nicolas Kazadi Kadima-Nzuji

Dans une correspondance datée du 31 mai 2021, le ministre des Finances, Nicolas Kazadi Kadima-Nzuji (Udps), a écrit au gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), Déogracias Mutombo Mwana Nyembo (Fcc). L’objet de la missive est sans équivoque: « Annulation des cartes de crédit sur le Compte général du Trésor ».

Le ministre Kazadi commence par rappeler la lettre précitée de l’Inspecteur général des finances dont le numéro un de la Banque centrale avait reçu copie. « Y faisant suite, je vous demande de prendre toutes les dispositions nécessaires afin que soient annulées lesdites cartes », ordonne-t-il.

D’aucuns n’ont pas manqué de déplorer que le chef du très régalien ministère des Finances n’ait pas poussé sa logique jusqu’au bout en invitant le gouverneur de la BCC à l’informer pleinement non seulement sur la légalité de cette pratique mais aussi ce que celle-ci a pu coûter au Trésor.

LA TRÈS PRESTIGIEUSE CARTE DE CRÉDIT « INFINITÉ »

Dans le « Lexique d’Économie » publié aux éditions « Dalloz », on peut lire qu’une carte de crédit (Visa, Mastercard, American express etc.) permet de régler des achats de biens et services, et en plus dans un certain nombre de cas d’effectuer des retraits dans des distributeurs automatiques de billets. Qu’en est-il de la carte « Visa Infinité »?

Cette dernière carte est considérée comme la « Rolls Royce » des cartes de crédit. Outre le plafond de retraits et de paiements qui est très élevé, la carte « Visa Infinité » bénéficie d’une assistance renforcée. Elle n’est pas attribuée à n’importe qui. Le bénéficiaire doit justifier d’un revenu annuel de 60.000 à 100.000 €.

Dans les réseaux sociaux, on apprenait que l’IGF aurait identifié huit « bénéficiaires » de cette litigieuse carte. En méconnaissance de la présomption d’innocence, quelques noms sont d’ores et déjà divulgués. C’est le cas notamment de: Emmanuel Ramazani Shadary (ancien ministre de l’Intérieur et actuel secrétaire permanent du PPRD), José Sele Yalaguli (ancien ministre des Finances) Barnabé Kikaya bin Karubi (ancien conseiller diplomatique de l’ancien président « Joseph Kabila »), Aubin Minaku (ancien Président de l’Assemblée nationale), Pépin-Guillaume Mandjolo (ancien ministre de la Coopération internationale).

REACTIONS

Jules Alingete Key, Inspecteur général des Finances-chef de service

Ancien ministre des Finances du gouvernement sortant, José Sele Yalaguli est le premier à « dégainer ». Dans une mise au point publiée sur le site d’information 7sur7.CD, Yalaguli tente de minimiser les faits révélés par l’IGF. Selon lui, l’attribution d’une carte de crédit à certains membres du gouvernement « est une tradition qui remonte à l’indépendance ». Cette opinion est balayé d’un revers de main par un ancien gouverneur de la Banque centrale. « Personne n’avait le droit de bénéficier d’une carte de crédit liée au Compte général de Trésor ».

Selon José Sele, les bénéficiaires de ce « sésame » seraient au nombre de quatre: le ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Coopération internationale, le ministre des Finances et le gouverneur de la BCC. « Sous le Premier ministre Ilunga Ilunkamba, souligne la mise au point, les deux plus grands utilisateurs étaient la ministre des Affaires étrangères [Marie Tumba Nzeza] et le ministre de la Coopération internationale [Pépin-Guillaume Mandjolo] pour la simple raison qu’ils ont beaucoup voyagé pour le compte du pays ». Les Congolais ont encore frais en mémoire les lamentations du prédécesseur de Christophe Lutundula sur radio Top Congo sur l’impécuniosité de son ministère.

Dans une contre-attaque, l’IGF persiste et signe en précisant que les cartes de crédit dont question sont bel et bien tirées sur le Compte Général du Trésor. Pour elle, « cette pratique est à l’opposé de la bonne gouvernance et viole la procédure de la dépense publique par la loi relative aux Finances publiques ».

Des voix s’élèvent déjà sur les réseaux sociaux pour exiger le départ de Déogracias Mutombo Mwana Nyembo. Nommé le 14 mai 2013 à la tête de la BCC, ce dernier est fin mandat depuis le 13 mai 2018. Sur compte Twitter, l’activiste de la société civile Carbone Beni exhorte les « autorités politiques et policières à ne pas prendre à la légère, ni négliger la sécurité physique du numéro un de #IGF et de ses proches collaborateurs ». Il semble que l’IGF n’a pas encore dit son dernier mot sur cette affaire annonciatrice d’un scandale.

 

Baudouin Amba Wetshi

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