A Kinshasa, le président Felix Tshisekedi Tshilombo a « préconisé » la création d’un « service public de protection civile et de prévention des catastrophes ». Il a fait cette recommandation lors de la réunion du Conseil des ministres qu’il a présidé le vendredi 28 mai. Les nostalgiques de la « Communauté belgo-congolaise », n’ont pas manqué de ricaner. Et pour cause, ces derniers ne se sont jamais départis de l’idée selon laquelle les Congolais n’étaient pas préparés à prendre la relève.
Soixante années après la proclamation de l’indépendance du Congo ex-belge, c’est la première fois qu’un dirigeant de ce pays prend conscience de la nécessité de promouvoir ce secteur qui renvoie pourtant à la sécurité des personnes et des biens. La protection civile devait, depuis l’aube de « l’émancipation », figurer parmi les « services sociaux de base » que sont notamment: l’eau courante, l’électricité, la santé, l’enseignement, les routes etc.
Qu’est-ce que la protection civile? De manière schématique, il s’agit d’un service de secours qui vient en aide à la population lors de catastrophes (incendie, inondation, incarcération dans un véhicule etc.). On le sait, les pompiers constituent l’unité la plus emblématique de la protection civile.
Samedi 29 mai, une vidéo a circulé sur les réseaux sociaux. On y voit un immeuble de trois étages consumé par le feu. A en croire un commentateur hors champ, les faits se seraient passés la semaine dernière sur l’avenue Force publique dans la commune kinoise de Kasa Vubu. « Le feu est parti du premier étage. Il a maintenant atteint le troisième niveau de l’immeuble sans que l’on aperçoive l’ombre d’un service anti-incendie », disait-il. Le cas est loin d’être le premier du genre. N’a-t-on jamais vu dans l’ex-Zaïre des riverains courir avec des seaux d’eau après le crash d’un petit aéronef de type « Iliouchine »?
Depuis le samedi 22 mai, un seul sujet est au centre des conversations. Il s’agit de l’éruption du volcan Nyiragongo. Une situation de crise qui semble tenir lieu de « baptême de feu » pour le duo Tshisekedi-Sama Lukonde. « Incompétence », « imprévoyance », « gestion chaotique ». Ce sont là les quelques critiques entendues ici et là. Il est reproché aux pouvoirs publics d’avoir invité les habitants de Goma à quitter les endroits les plus exposés aux laves sans leur fournir des moyens de déplacement.
Dans le même registre, une radio périphérique a indiqué, dimanche soir, que plusieurs dizaines de milliers de Gomatraciens ayant trouvé refuge à Saké, à une trentaine de kilomètres du chef-lieu du Nord-Kivu, ne bénéficieraient d’aucune assistance. Ni eau. Ni nourriture. En clair, aucun enseignement n’a été tiré après la terrible éruption volcanique survenue en janvier 2002 soit une année après l’accession de « Joseph Kabila » au sommet de l’Etat.
Investi à la tête de l’Etat le 24 janvier 2019, « Fatshi » a tenu, samedi 29 mai 2021, sa toute première conférence de presse devant les médias nationaux. Il faut être un « parfait hypocrite » pour ne pas relever le climat de « défiance cordiale » dans lequel baigne les relations entre le « Président Felix » et de nombreux journalistes kinois.
Au cours de ce point de presse, le chef de l’Etat a déclaré, en liminaire, que « la situation est grave certes, mais pas désespérée ». Pour lui, la controverse suscitée autour de la gestion de cette crise n’a pas lieu d’être. Au motif que « personne n’a vu venir cette catastrophe ». On entend en écho, des voix tonner: « Gouverner, c’est prévoir ». D’aucuns n’ont pas manqué de tressaillir en entendant le « magistrat suprême » encourager ses concitoyens à contribuer à l’effort national par des « dons ».
Au-delà des invectives et autres critiques aux allures parfois de procès d’intention, l’heure est venue de tirer au moins trois leçons de cette calamité naturelle.
Première leçon: mettre fin à « l’infantilisation » autant qu’à la déresponsabilisation des pouvoirs locaux par le gouvernement central. Il n’est pas sain que des ministres sectoriels se réunissent, au niveau national, chaque fois qu’il s’agit de résoudre un problème survenu dans l’arrière-pays. Quid de la libre administration des provinces et des entités territoriales décentralisées? Quid de la volonté claironnée dans les différents programmes du gouvernement à promouvoir le développement socio-économique par la base? Ne devait-on pas doter le gouvernement provincial du Nord-Kivu des moyens autonomes pour gérer, au quotidien, l’Observatoire vulcanologique de Goma?
Deuxième leçon: promouvoir une décentralisation effective en rapprochant l’administration des administrés.
Troisième et dernière leçon: dénoncer et sanctionner toutes les interventions intempestives dans les affaires des entités territoriales décentralisées.
Quelques semaines avant sa disparition, le député national Henri-Thomas Lokondo Yoka avait soutenu l’idée de nomination des non-originaires au niveau de la « petite territoriale » (maire, bourgmestre, administrateur de territoire, chef de secteur). Et pourquoi pas au niveau des échelons correspondants de l’armée, de la police et des « services »?
Ancien directeur provincial de la Sûreté nationale (Redoc), ce digne fils du pays avait constaté le souci d’harmonie qui caractérisait les non-originaires. La balle se trouve dans le camp du législateur.
A quelque chose, malheur est bon. L’éruption du volcan « Nyiragongo » doit être l’occasion d’une profonde remise en question. Une remise en question qui doit toucher les rapports entre l’exécutif national et les autorités provinciales. L’heure a sonné de procéder à l’application stricte des points 10 et 13 de l’article 204 de la Constitution.
Baudouin Amba Wetshi