Dans sa chronique quotidienne « Masolo na député » du vendredi 28 mai, Eliezer Ntambwe a diffusé une interview inédite de la veuve Kahimbi, née Brenda Nkoy Okale. L’entretien a été réalisé le 7 août 2020 soit cinq mois après le décès non-élucidé du « patron » en exercice des renseignements militaires. « Aucune femme ne peut tuer son mari pour souffrir avec les enfants », répète à maintes reprises la dame. Jeudi 27 mai 2021, le représentant du ministère public au procès sur la mort – assassinat? – de cet officier fidèle d’entre les fidèles de « Joseph Kabila », a requis la peine capitale contre la veuve. La défense, elle, soutient que l’accusation a été bien incapable de démontrer l’acte matériel imputable à sa cliente. Le verdict est attendu dans la huitaine. Notons que les enquêtes ont été menées par l’auditorat général de l’armée congolaise sous l’autorité du très sulfureux général « Tim » Mukuntu Kiyana. Le Tribunal de grande instance de Kinshasa-Gombe a « hérité » d’un dossier instruit « ailleurs ». Il semble bien que l’équipe du médecin légiste n’a pas été auditionnée. Procès bâclé?
Interview. Dans cet entretien avec « Tokomi Wapi? », la dame Brenda Nkoy Okale, 38 ans, mère de cinq enfants, a semblé imperturbable en répétant la même version des faits. A savoir que son mari avait eu un « malaise » le matin du 28 février 2020 avant de s’écrouler dans un dressing de leur habitation. « Lorsque je l’ai découvert, il respirait encore », confie-t-elle. Aidée notamment par le chauffeur de son mari, elle a amené ce dernier à l’hôpital du Cinquantenaire. Elle ne verra plus son époux. Trois heures après, un responsable de l’hôpital lui dit que « Delphin » était aux soins intensifs. A en croire la dame « Brenda », un médecin délicat a soufflé à l’oreille de sa mère, née Scholastique Mondo, ces mots: « Le général Kahimbi est mort ».
Strangulation. Au cours de la réunion du Conseil des ministres du 28 février 2020, le président Felix Tshisekedi Tshilombo aurait, dans sa communication, fait état des « traces de strangulation » que des experts notamment de la Monusco auraient constaté – sur la base d’une « autopsie macroscopique » – sur le corps de l’officier. Aucun rapport « d’autopsie microscopique » n’est diffusé depuis « l’admission » de Kahimbi dans cet établissement hospitalier.
Commission d’enquête. Le 4 mars 2020, le haut commandement militaire met en place une commission d’enquête en lieu et place de confier les investigations criminelles à des officiers de police judiciaire des parquets. La présidence de ladite commission est confiée à un des « hommes du raïs » en l’occurrence le très « toxique » général Marcel Mbangu Mashita, un « parent » au général John Numbi Banza. S’agissant des membres, on y trouve les généraux Jean Baseleba Bin Mateto et Dieudonné Kapinga Mwanza Mashika. Les colonels Faustin Kapanga Kapangala, Denis Kikobya Sambili et Tony Nkulu Kiluba, bouclent la boucle.
Interrogatoire au Demiap. Selon la veuve « Brenda », c’est depuis le 28 février 2020 qu’elle est auditionnée à l’état-major de renseignements militaires. C’est au cours d’un de ces interrogatoires intervenus cinq mois après qu’on lui exhibe, pour première fois, la photo de la dépouille mortelle de son époux. Elle se dit surprise de constater des traces de strangulation. Un rapport du médecin-légiste parle de « pendaison incomplète ». Pour la veuve, quelqu’un « a fait du mal » à son mari aux soins intensifs. Elle jure la main sur le cœur: « Ces traces n’existaient pas lorsque j’ai amené mon mari à l’hôpital ». « Brenda » maintient sa version initiale. A savoir que le Général avait eu un « malaise ». Et qu’il respirait encore à leur arrivée à l’hôpital du Cinquantenaire. « Je suis innocente », clame-t-elle. La veuve se dit d’autant plus surprise d’entendre les enquêteurs de la Demiap (renseignements militaires) lui réclamer la « corde » qui aurait servi de potence. On lui réclamerait également des appareils téléphoniques du défunt.
Tribunal de grande instance. Quinze mois après la mort mystérieuse de Kahimbi, le représentant du ministère public a requis la peine capitale à l’encontre de la veuve. La mère de cette dernière devrait écoper d’une peine de 20 ans de servitude pénale. Le magistrat a requis les peines de 15 et 10 ans pour les « complices ». Au motif, selon lui, qu’il s’agit d’un « homicide volontaire » qui aurait été facilitée par la participation de la veuve et de sa mère. Les enquêtes ont été menées de bout en bout par l’auditorat général des FARDC.
Parole à la défense. Avocat de la veuve Kahimbi, Me Christian Kimbie n’est pas allé par quatre chemins en déclarant à l’Actualité.CD que « le ministère public est resté dans les suppositions ». Selon ce juriste, l’accusation n’a pu administrer la preuve de l’implication de sa cliente dans la commission de l’infraction. « Nous avons plaidé non coupable », dit-il. Et de conclure: « Nous avons sollicité l’acquittement pure et simple de notre cliente ».
Une justice militaire discréditée. Tout au long du procès devant le Tribunal de grande instance, l’accusation n’a pas été capable d’identifier le mobile du crime. Depuis quatre ans, la Cour militaire de la garnison de Kananga peine à articuler le mobile ayant poussé les prétendus miliciens Kamuina Nsapu à ôter la vie aux experts onusiens Zaida Catalan et Michaël Sharp. Un haut magistrat militaire était aux manettes. Nom: Timothée Mukuntu Kiyana. Acharnement? Nullement! Décédé le 14 janvier 2021 en Afrique du Sud, ce kabiliste pur sucre a laissé une réputation calamiteuse à l’auditorat général des FARDC. A Kananga, les juges et le ministère public donnent l’impression d’être chargée d’une mission. Une mission qui consiste à absoudre, à priori, tous les responsables politico-administratifs. Autre question: pourquoi l’équipe du médecin légiste n’a pas été auditionné lors du procès? Devrait-on parlé de parodie de procès?
Tentative de diversion. Huit mois après la disparition de Delphin Kahimbi, un document circule sur les réseaux sociaux. Il s’agit, en apparence, d’une note dans laquelle le Général dit « à la hiérarchie » tout le mal que ses services pensent au sujet de Vincent Karega, l’ambassadeur désigné du Rwanda à Kinshasa. On lit que le diplomate rwandais serait impliqué dans « plusieurs dossiers d’assassinats » d’opposants rwandais. On lit également que « la présence de M. Karega sur le sol congolais serait une menace et un danger pour notre démocratie dans la mesure où l’intéressé pourrait commanditer des assassinats ciblés contre d’éventuels opposants en RDC ». « Quelqu’un » a-t-il voulu imputer malicieusement la mort de Kahimbi à l’actuel ambassadeur du Rwanda au Congo-Kin? Qui redoutait les « révélations » de Kahimbi?
Espionner le chef de l’Etat. Le général Delphin Kahimbi a été interpellé le 20 février 2020 au moment où il allait embarquer dans un vol à destination du pays de Mandela. Selon des sources, il lui était reproché d’espionner le chef de l’Etat. Après deux auditions au Conseil national de sécurité, il devait être entendu à nouveau le vendredi 28 février. Le rendez-vous n’aura pas lieu. Qui avait intérêt à faire taire à jamais le général Delphin Kahimbi? « Je n’ai pas tué mon mari. Aucune femme ne peut tuer son époux pour vivre dans la souffrance avec les enfants », a conclu la veuve « Brenda » qui se plaint d’être abandonnée à son triste sort.
Baudouin Amba Wetshi