Deux semaines après la rentrée parlementaire, le Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge est toujours attendu à l’Assemblée nationale pour solliciter l’investiture de son gouvernement. L’impatience vire au doute. Dans un bref communiqué, au ton réquisitorial, publié samedi 27 mars 2021, le Réseau provincial des ONG des droits de l’homme de la ville-province de Kinshasa (Reprodhoc) croit trouver les raisons de ce « blocage » dans « l’amateurisme » et le « tâtonnement ». L’entourage du président Felix Tshisekedi n’est pas épargné. Il est qualifié de « jouisseur et assoiffé de pouvoir ».
C’est un communiqué de quatre paragraphes et demi. Le texte est revêtu de la signature de maître Willy Wenga Ilombe « Pour le Reprodhoc ». Le Reprodhoc fustige « 40 jours sans gouvernement ». Cette organisation de la société civile de s’interroger: « Qui bloque le chef de l’Etat? ». Sur un ton plutôt réquisitorial, le Reprodhoc croit trouver les raisons du « blocage » dans « l’amateurisme » autant que le « tâtonnement » qui caractérisent les gouvernants en place.
Me Wenga que l’auteur de ces lignes a pu joindre au téléphone à Kinshasa n’a pas eu des mots assez durs à l’égard des proches du Président de la République. « En tant qu’organisations de défense des droits de l’homme, nous constatons que l’entourage du chef d’Etat actuel se comporte de la même manière que celui de son prédécesseur. Les membres du cabinet présidentiels sont tous des jouisseurs et assoiffés de pouvoir ». Selon lui, « il sera impossible » au président Felix Tshisekedi de conduire des réformes dignes de ce nom avec un entourage qui ne se soucie guère de l’intérêt général.
Pour ce juriste, l’opinion espérait que le Premier ministre « devait déjà » former son gouvernement avant la rentrée parlementaire qui a eu lieu le 15 mars. Pour lui, le Reprodhoc entend continuer à accomplir son travail en tant membre de la société civile. Ce travail consiste, selon lui, « à encourager là où il y a lieu d’encourager ». Et à blâmer le cas échéant.
POLEMIQUE DERISOIRE ENTRE « UDPSIENS » ET « KATUMBISTES »
D’aucuns y verraient un procès d’intention. Erreur. En réalité, l’immobilisme ambiant commence à instiller un doute profond dans les esprits. Un doute en passe d’être conforté par une « polémique dérisoire » voire médiocre entre des « combattants » de l’Udps et des « katumbistes ». Les premiers accusent, à tort ou à raison, Moïse Katumbi Chapwe d’exiger plus de six maroquins. Selon ces combattants, c’est cette exigence qui empêcherait le Premier ministre Sama Lukonde Kyenge à boucler la liste des membres de son équipe. « Faux », rétorquent les partisans de l’ancien gouverneur du Katanga qui demandent aux dirigeants du parti présidentiel de « discipliner » les militants de l’Udps.
Comme si ce « poto poto » ne suffisait pas, des informations parcellaires font état de l’existence d’une « pétition » ayant pour finalité la destitution du Bureau de l’Assemblée nationale dirigé par Christophe Mboso N’kodia Pwanga. Rien d’étonnant que des « kabilistes » commencent à relever la tête après un « travail de deuil » qui a commencé le 6 décembre dernier après l’annonce faite par le président Felix Tshisekedi de la fin de la coalition Fcc-Cach. Comble de l’ironie, le PPRD Lucain Kasongo, fidèle d’entre les fidèles de « Joseph Kabila », a déclaré qu’une telle pétition n’aura pour effet que de « déstabiliser » les institutions. C’est touchant!
Pendant que les « professionnels de la politique » et leurs « nervis » se livrent à leur petit jeu favori – tout en déployant leurs biceps sur les réseaux sociaux -, la population congolaise, elle, ne demande rien d’autre qu’une meilleure qualité de vie. En attendant que les « politicards » se ravisent, les Congolais continuent à broyer du noir au quotidien. Ils peinent à satisfaire leurs besoins vitaux en eau, électricité et soins de santé de qualité. Que dire de l’insécurité endémique qui pulvérise chaque jour des vies de nos concitoyens dans les provinces du Nord-Kivu, Sud-Kivu, Ituri, Bas-Uélé et Haut-Uélé?
Voilà pourquoi cette population attend désespérément l’entrée en fonction d’un gouvernement de plein exercice. Celui-ci est censé donner des réponses aux attentes. Pour être légitimes, les pouvoirs publics doivent être efficaces. Cette efficacité se juge non pas à travers de beaux slogans ou discours mais par la capacité de gouvernants à résoudre les problèmes de vie collective.
LE « GOUVERNEMENT D’UNION SACRÉ » NE FAIT PLUS « RÊVER »
Lors de l’audience que le président Tshisekedi Tshilombo lui avait accordée le jeudi 18 mars, le « Premier » Sama Lukonde avait cru qu’il avait encore le temps de son côté. « L’opinion ne doit pas confondre l’urgence et la précipitation », avait-il dit avec assurance. Le temps est en passe de devenir son « meilleur ennemi ». En cause, le Congo-Kinshasa n’a toujours pas de gouvernement de plein exercice deux semaines après la rentrée parlementaire.
Aux dernières nouvelles, on apprenait que le « blocage » ne se situe plus au niveau du partage des postes. C’est la représentation de « mamans » qui poserait problème. Celle-ci serait loin d’être « équitable » comme le stipule l’article 14-4 de la Constitution: « La femme a droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales ». « Fatshi » serait « intraitable » sur la parité.
Le risque est grand que la formation du « gouvernement d’Union sacrée », annoncée bruyamment, le 15 décembre dernier par le président « Felix », ne fasse plus « rêver ». Rien d’étonnant que certains « kabilistes » sortent de leur « hibernation » pour donner de la voix. Et ce après trois mois de désarroi. Le Fcc Constant Mutamba a même osé exiger la démission de Sama Lukonde.
Le Reprodhoc conclut son communiqué en estimant que « seule les élections crédibles, transparentes, justes et correctes en 2023 pourront encore faire sortir » le pays « de cette situation chaotique ».
Baudouin Amba Wetshi