Dans une correspondance datée du 3 août 2017, le ministre de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba, demande à son collègue en charge de l’Intérieur et sécurité « d’autoriser aux magistrats qui le désirent de porter une arme de petit calibre ». Depuis le 17 mai dernier, plusieurs prisons congolaises ont été attaquées par des « inconnus » à travers le pays. Dans la nuit du 18 au 19 juillet, le juge Jacques Mbuyi du Tribunal de Grande Instance de Lubumbashi a été victime d’une tentative d’assassinat en son domicile. Les plus hautes autorités du pays ont brillé par un silence retentissant. La démarche de Thambwe vise sans doute à faire taire les critiques.
« Joseph Kabila » est arrivé le mardi 18 juillet à Lubumbashi. Le ministre Alexis Thambwe avait foulé le sol lushois 48 heures plus tôt. Le mercredi 19 devait débuter l’examen en appel de l’affaire « ministère public et partie civile Alexandros Stoupis Emmanouil contre Moïse Katumbi Chapwe ». Dans la nuit du 18 au 19 juillet, on apprenait l’attentat contre le juge Jacques Mbuyi.
Après cette agression, les observateurs on attendu en vain la réaction tant de « Joseph Kabila » que de son ministre de la Justice. Sous d’autres cieux, le premier magistrat du pays – ou le ministre en charge de la Justice – aurait fait une déclaration solennelle pour condamner l’acte criminel contre un représentant de l’Etat. Sans omettre d’ordonner l’ouverture d’une enquête afin de retrouver les présumés auteurs. Rien!
Le ministre Alexis Thambwe aura attendu pas moins de deux semaines avant de réagir. Ce « réveil tardif » du chef de ce ministère régalien incline à penser que l’homme a eu vent de l’indignation suscitée au sein de certains segments de l’opinion. « Les mois précédents, écrit-il, ont été caractérisés par les attaques des maisons carcérales, des commissariats de police et des offices du ministère public. Un magistrat a été agressé à Lubumbashi par des inconnus dans des conditions non encore élucidées ».
Deux semaines après l’agression contre un représentant du pouvoir judiciaire, le ministre de la Justice – qui a la police judiciaire sous son autorité – semble avouer l’impuissance publique à mettre la main sur des malfaiteurs qui courent toujours. « Dans le but de sécuriser les magistrats ainsi que les lieux dans lesquels ils travaillent, poursuit-il, je vous demanderai d’autoriser aux magistrats qui le désirent de porter une arme de petit calibre conformément à l’article 19 du statut ». « (…), dans les limites compatibles avec les effectifs, la sécurité des Cours et tribunaux devraient être renforcées », conclut-il.
INCURIE
« Tout ce qui brille n’est pas de l’or », dit un adage anglais. Sous la Deuxième République, Alexis Thambwe passait pour un des hommes les plus brillants du régime. Ministre sous « Joseph Kabila », il va montrer sa vraie face par des agissements assimilables à l’incompétence autant qu’à l’incurie.
Chef de la diplomatie congolaise, Thambwe n’a accomplit aucune réforme. Au ministre de la Justice, il suscite plus de quolibets que des applaudissements.
Ministre des Affaires étrangères, Thambwe a laissé une véritable bourde. En mai 2009, il annonce de manière brusque la fermeture de l’ambassade du Congo-Kinshasa à La Haye. Le sort du personnel ne fait guère partie de ses soucis.
Dans un message n°131.1.2.1/0134/507/2009 daté du 18 mai 2009, en pleine année scolaire, le ministre Thambwe informa les diplomates encore présents au Pays-Bas que leur « poste est fermé ». Et que « tous les diplomates » sont « rappelés ». Ces fonctionnaires furent « priés » de « prendre toutes les dispositions pour rejoindre Bruxelles à la date qui sera communiquée » afin de « prendre place à bord » de « l’avion affrété pour eux et leurs familles pour regagner le pays ». Les intéressés ont attendu en vain les moyens nécessaires pour ce voyage. Pire, ils attendent toujours de connaître la date d’arrivée de cet aéronef.
600 MERCENAIRES
Ministre de la Justice, « Alexis » s’est rendu « célèbre » du fait notamment de son interventionnisme dans l’exécution des jugements. Proche parmi les proches du « raïs », le « ministre d’Etat » n’a cure de la séparation des pouvoirs.
Thambwe s’est rendu également ridicule en révélant la rocambolesque affaire des « 600 mercenaires » recrutés par Moïse Katumbi Chapwe, alors gouverneur du Katanga. C’était le 4 mai 2016. « (…), nous avons la preuve documentée que plusieurs anciens militaires américains qui se trouvent actuellement au Katanga sont au service de M. Katumbi », déclarait Thambwe au cours d’un point de presse. Interrogé par la RTBF, le chiffre sera revu à la baisse pour atteindre « 11 ».
« Faux », rétorqua l’ambassade US à Kinshasa. « Nous sommes au courant de la détention le 24 avril d’un citoyen américain qui travaillait au Katanga comme conseiller en sécurité, indiquait un communiqué. M. Darryl Lewis n’était pas armé et les allégations selon lesquelles il était impliqué dans des activités mercenaires sont fausses ».
Expulsé après avoir été torturé dans un cachot de l’Agence nationale de renseignements (ANR), Lewis a attaqué Alexis Thambwe et Kalev Mutondo devant la justice de son pays à Washington. Les faits sont qualifiés de « torture ».
REVEIL TARDIF
On apprendra mi-mai que « Joseph Kabila » avait été induit en erreur par son chef barbouze Kalev Mutondo. Celui-ci se serait fondé sur les statistiques de la DGM (Direction générale de migration) pour la période comprise entre 2011 et 2016 pour rédiger son « bulletin d’information ». James Bond de pacotille, Mutondo avait assimilé les 404 Américains – ayant séjourné au Katanga en tant que touriste ou travailleur de Tenke Fungurume – à des mercenaires.
Inutile d’évoquer ici la déclaration du ministre Thambwe, en juin dernier, déniant la nationalité congolaise à Moïse Katumbi. Candidat déclaré à l’élection présidentielle, ce dernier semble empêcher « Kabila » de dormir.
Poursuivi à Bruxelles dans l’affaire relative à la destruction en vol d’un avion civil à Kindu en 1998 – à l’époque où il évoluait dans la rébellion pro rwandaise du RCD-, l’actuel ministre congolais de la Justice figure en bonne place dans le « Top 10 » des prédateurs des droits et libertés.
Le réveil tardif de Thambwe Mwamba sur la « sécurisation des magistrats » ne trompe personne. D’aucuns sont prêts à parier qu’« Alexis » a organisé la fuite de sa propre lettre adressée à son collègue de l’Intérieur.
Baudouin Amba Wetshi