Des observateurs ont été surpris de noter la présence du président Felix Tshisekedi à l’inauguration de la première unité de la Mutuelle financière des femmes africaines (MUFFA). Cette manifestation a connu la « participation active » de la très controversée Banque camerounaise « Afriland First Bank », suspectée de corruption et de blanchiment en connivence avec l’homme d’affaires israélien Dan Gertler. Le Protocole d’Etat pouvait-il ignorer cette « inopportune proximité »?
Dans sa dépêche datée du 8 mars, l’Agence congolaise de presse (ACP) rapporte que le chef de l’Etat congolais a présidé, lundi 8 mars, la cérémonie d’inauguration de la première unité de la Mutuelle financière des femmes africaines (MUFFA). Jusque-là, il n’y a rien à fouetter un chat. « Cette cérémonie a connu la participation active d’Afriland First Bank (…) qui a œuvré aux côtés de la MUFFA pour la matérialisation de cette mutuelle financière des femmes », ajoute l’ACP. C’est ici que le bât blesse. Et pour cause?
Depuis plusieurs semaines, cette institution bancaire à capitaux d’origine camerounaise défraie la chronique suite aux révélations faites par ses deux anciens agents Gradi Koko et Navy Malela. Lanceurs d’alerte, ces deux anciens « auditeurs » accusent leur ancien employeur de corruption et de blanchiment. Pire, l’ombre du très sulfureux homme d’affaires israélien Dans Gertler – sanctionné en 2017 par le département américain du Trésor – apparait en filigrane. A en croire les deux lanceurs d’alerte, Afriland First Bank aurait mis en place un « réseau de blanchiment » en complicité avec le milliardaire israélien. Objectif: contourner les sanctions américaines frappant ce dernier.
Des observateurs n’ont pas manqué de tressaillir en apprenant la présence du président Felix Tshisekedi dans une manifestation où il devait côtoyer les dirigeants de cette banque sur laquelle pèsent de graves soupçons d’agissement mafieux. Bien que les dirigeants de ladite banque sont présumés innocents, trois questions restent, pour l’instant, sans réponses. Primo: « Quelqu’un » a-t-il voulu piéger « Fatshi » par cette nocive « proximité géographique »? Secundo: Un membre de la Présidence de la République a-t-il voulu « redorer » l’image de cette banque en affichant ses dirigeants avec le premier magistrat du pays? Tertio: Les responsables du Protocole d’Etat pouvaient-ils ignorer l’effet désastreux au niveau de l’image du chef de l’Etat?
Coïncidence ou pas, le quotidien « La Libre Belgique » publie dans son édition datée du 9 mars une tribune intitulée: « Dan Gertler empoisonne l’idylle entre Felix Tshisekedi et ses soutiens américains ». L’auteur, Stephane L. Manzanza, qui se présente comme « banquier » et « militant anti-corruption » écrit notamment que « la tiédeur du pouvoir de Kinshasa dans l’affaire Dan Gertler agace les Américains qui perçoivent l’immobilisme de Felix Tshisekedi comme une contradiction avec ses engagements à œuvrer pour l’éradication de la corruption et du pillage des ressources du Congo ».
A en croire Stephane L. Manzanza, l’ambassade américaine à Kinshasa serait outrée par la peine de mort infligée aux deux lanceurs d’alerte dont les activités ont été assimilées à une « association de malfaiteurs » par le tribunal de grande instance de Kinshasa-Gombe.
Moins de deux mois après son investiture, le président Joe Biden a fait révoquer la licence spéciale octroyée à Gertler par son prédécesseur Donald Trump. La nouvelle a été connue lundi 9 mars par un communiqué du département du Trésor que dirige Janet Yellen. On peut gager, dans le premier cas de figure que les lobbystes ont eu à jouer un rôle décisif à coup de billets verts. On peut gager également qu’après Gertler, Afriland First Bank pourrait être la prochaine cible des « Incorruptibles » du département du Trésor.
La très influente ONG américaine de défense des droits de l’homme « Human Right Watch » n’est pas allée par quatre chemins en « invitant » les autorités Congolaises non seulement « à annuler » les condamnations à mort de deux lanceurs d’alerte mais surtout « à enquêter sur les allégations de corruption » formulées par ces derniers.
Lorsqu’on parcourt l’édition 2021 de l’ouvrage « 50 idées reçues sur l’état du monde », publié aux éditions Armand Colin, Pascal Boniface, fondateur et directeur de l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques), insère, à la page 10, le Congo-Kinshasa parmi les « Etats faillis ». Et ce à l’instar de la Somalie, le Soudan du Sud et le Zimbabwe. Une infamie!
Une chose parait sûre: la présence de Felix Tshisekedi à cette manifestation aux côtés des dirigeants d’une banque suspectée d’entretenir un « réseau de blanchiment d’argent » ne réhausse guère l’image du pays. Bien au contraire. Qui a voulu piéger « Fatshi »? La réputation sulfureuse d’Afriland First Bank a-t-elle échappé aux « services » ainsi qu’à ceux ont en charge l’image du Président de la République? Sous d’autres cieux, une enquête interne à la Présidence de la République ne serait pas sans intérêt…
B.A.W.