Ministre de l’Intérieur et sécurité, le PPRD Emmanuel Ramazani Shadary vient d' »innover » en mettant sur pied des « chefs de rue » dans les quartiers de la capitale congolaise. Mission: « vigilance ». Le pouvoir kabiliste s’est, sans doute, inspiré du régime policier en vigueur au Rwanda de Paul Kagamé. Celui-ci y a instauré le système de surveillance dit « Nyumba Kumi » (Dix maisons).
Samedi 5 août, Emmanuel Ramazani Shadary s’est entretenu, au Jardin botanique de Kinshasa, avec « plus de 400 chefs de rue ». De quoi ont-ils parlé?
Le ministre de l’Intérieur et sécurité « a sensibilisé » ses interlocuteurs sur la mission leur confiée. Celle-ci consiste à « veiller à la quiétude et la sécurité » des populations vivant dans leurs entités respectives.
Grandiloquent comme à son habitude, Ramazani a décrété que « les chefs de rue sont les premières autorités à la base ». Selon lui, ces hommes et femmes « doivent garantir la paix des Kinois sous leur administration ». Quid de la mission de maintien de la paix dévolue à la police.
Outre la surveillance des paisibles citoyens domiciliés dans leurs « juridictions » respectives, les nouveaux promus devront « veiller au civisme des jeunes ». Il s’agit, selon le ministre Ramazani, de mettre les jeunes des quartiers à l’abri de la tentation de se livrer au banditisme. Les « chefs de rue » doivent leur inculquer « une éducation philosophique et politique de nature à les prévenir contre la manipulation ».
Concluant cette rencontre, le ministre de l’Intérieur est resté muet sur les critères de recrutement autant que de sélection de ces agents. Quel est leur statut? S’agit-il des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur ou des contractuels?
Shadary a insisté sur « la nécessité de surveiller les mouvements des motos et des voitures taxis habitués à extorquer les clients de façon à les mettre hors d’état de nuire ».
L’institution de « chefs de rue » dans les communes kinoises est sans précédent. L’annonce a surpris certains fonctionnaires communaux interrogés par l’auteur de ces lignes. « Notre pays a toujours eu des chefs de quartiers, confie un ancien bourgmestre. Les chefs de quartiers servent de trait d’union entre l’administration communale et les administrés. Où est-ce que Ramazani Shadary est allé trouver une telle idée propre aux Etats policiers? ».
Comme pour répondre à cette question, un ancien cadre de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo) d’enchaîner: « L’institution des chefs de rue présente quelques similitudes avec le système de surveillance de la population dit ‘Nyumba Kumi’ en vigueur au Rwanda de Paul Kagamé. Un fonctionnaire est chargé de scruter les faits et gestes des habitants de dix maisons. C’est une forme de délation qui marche dans les Etats doté d’un parti unique ».
Natif du Maniema (Kasongo), Emmanuel Ramazani Shadary a été « élu », en 1997, vice-gouverneur de la province du Maniema. C’était au lendemain de la prise du pouvoir par l’AFDL. Membre fondateur du parti kabiliste (Parti du peuple pour la démocratie et la reconstruction), l’actuel ministre de l’Intérieur fait partie des « durs » du régime.
Alors qu’il était chef du groupe parlementaire PPRD à l’Assemblée nationale, Ramazani n’a cessé de militer pour la révision de la Constitution. But: permettre à « Kabila » de briguer un troisième mandat. En instituant des « chefs de rue » dans les quartiers de Kinshasa, le ministre de l’Intérieur vient d’institutionnaliser la délation. Le mouchardage. Des agissements peu compatibles avec la démocratie.
B.A.W.