Les circonstances exactes de la mort de l’ambassadeur d’Italie au Congo-Kinshasa, lundi 22 février, sur la route Goma-Rutshuru, restent un mystère. On le sait, le diplomate voyageait dans un convoi du Programme Alimentaire Mondial (PAM). On sait également que la police locale n’était pas informée de sa présence dans la région. Qu’en est-il de la DGM (Migration) et l’ANR (sécurité intérieure)? Le « PAM » indique que l’attaque a eu lieu « sur une route qui avait préalablement obtenu l’autorisation de voyager sans escorte de sécurité ». Une déclaration qui sidère plus d’un observateur dans la mesure où ce tronçon est réputé dangereux. Des groupes armés nationaux et étrangers y opèrent.
Une polémique pour le moins pénible semble opposer le PAM (Programme Alimentaire Mondial) et le ministère congolais de l’Intérieur en général et les autorités policières de la province du Nord-Kivu en particulier. Selon cette Agence onusienne, elle avait reçu – sans donner des précisions – « l’autorisation de voyager sans escorte de sécurité » sur la route Goma-Rutshuru. Qui parle au nom de PAM? Qui est l’autorité qui a pu donner le « feu vert »? Mystère!
Vingt-quatre heures après l’attaque meurtrière qui a coûté la vie non seulement à l’ambassadeur Luca Attanasio mais aussi à deux de ses collaborateurs (le chauffeur et le garde du corps), des questions restent sans réponses. Le diplomate italien avait-il signalé son voyage au ministère congolais des Affaires étrangères? Celui-ci avait-il répercuté cette information au ministère de l’Intérieur? Comment expliquer que la DGM (Migration) et l’Agence nationale de renseignements n’aient pas remarqué le « mouvement » de ce diplomate tant au départ de Kinshasa qu’à l’arrivée dans l’arrière-pays? A quel niveau se situe le dysfonctionnement aux conséquences difficiles à évaluer pour l’image du pays?
N’en déplaise au correspondant de l’Agence Congolaise de Presse (ACP) à Goma (Nord-Kivu) dont la dépêche datée du 22 février est intitulée « l’ambassadeur d’Italie a été assassiné », Luca Attanasio a été victime d’un meurtre. Il n’a pas été assassiné. Il ne s’agit nullement d’un jeu de mots. Un meurtre est un homicide volontaire. En revanche, l’assassinat est un meurtre avec préméditation. Autrement dit, les assaillants avaient échafaudé tout un plan d’exécution de leur « forfait ».
Sans vouloir sous-évaluer cette tragédie qui frappe la famille de « Luca », la tentation est grande de dire que ce diplomate italien s’est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Selon le gouverneur Carly Nzanzu Kasivita, l’attaque du convoi a eu lieu au niveau de « trois antennes » aux environs de Kilimandjaro, groupement de Kibumba.
Chef de la police provinciale au Nord-Kivu, le général Aba Van Ang, tel un citoyen lambda, a avoué sa surprise d’apprendre que le chef d’une mission diplomatique s’était rendu dans une zone réputée à haut risque « sans que les services de sécurité soient au courant ». Une enquête indépendante paraît plus que souhaitable pour dénouer l’énigme criminelle et déterminer les responsabilités.
On ne pourrait s’empêcher de regretter la précipitation avec laquelle le vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur a désigné le « coupable ». « Le lundi 22 février 2021, vers 9 heures du matin, un convoi du Programme Alimentaire Mondial (…) a été victime d’une attaque armée des éléments des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (…)« , peut-on lire dans un communiqué daté du 22 février. Des « anti-Fatshistes » y voient, à tort ou à raison, un clin d’œil au satrape rwandais Paul Kagame.
Le vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur fait observer dans ledit communiqué que les autorités politico-administratives du Nord-Kivu n’étaient pas informées de la présence du diplomate italien dans la région. C’est ainsi que « les services de sécurité et les autorités provinciales n’ont pu, ni assurer des mesures de sécurisation particulière du convoi ni leur venir en aide faute d’informations sur la présence dans cette partie du pays pourtant réputée instable et en proie à l’activisme de certains groupes armés nationaux et étrangers ». Question: Qui savait quoi?
FAIRE TOUTE LA LUMIERE SUR CE CRIME
Lundi soir, le porte-parole à la Présidence de la République, Tharcisse Kasongo Mwema Yamba Yamba, a lu un communiqué à la RTNC. Notre ancien confrère a souligné la volonté du président Felix Tshisekedi Tshilombo de voir les autorités compétentes « faire toute la lumière » sur ce crime.
Dans un communiqué daté du 22 février 2021, l’association de défense des droits humains « La Voix des Sans Voix » condamne « avec la dernière énergie ce drame » et demande aux autorités congolaises de mettre tout en œuvre pour traquer, identifier et arrêter les responsables de cette tragédie. La VSV de conclure que « cette énième tragédie rappelle avec acuité la problématique du rétablissement de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national en général et à l’Est de la RD Congo en particulier afin de garantir au maximum la sécurité des personnes et de leurs biens ».
Sur les réseaux sociaux, quelques voix se sont élevées pour tourner en dérision « l’agitation apparente » des autorités congolaises suite au meurtre de ce diplomate européen. Une critique à peine voilée de la quasi-indifférence que suscitent de plus en plus les atrocités qui se commentent dans les deux Kivu et l’Ituri. La mort de l’ambassadeur Luca Attanasio relève du grand banditisme. Un grand banditisme qui interpelle…
B.A.W.