Le siège de la FIDH à Paris a servi, vendredi 18 août, de cadre pour la diffusion du « Manifeste du Citoyen Congolais » appelant à l’organisation des manifestations pacifiques pour obtenir le départ de « Joseph Kabila » et la mise sur pied d’une « Transition citoyenne ». Les animateurs seront inéligibles. Mission: organiser des élections équitables, libres et transparentes.
Vendredi 18 août. Il est 11 heures 10. La petite salle du siège parisien de la FIDH est envahie par des journalistes tant européens qu’africains. Des hommes et des femmes quelque peu blasés. Et pour cause, ce n’est pas la première fois que les Congolais les invitent à couvrir un tel événement.
Ces représentants des médias ont encore frais en mémoire le lancement, tambour battant, du « Front Citoyen » en décembre 2015. Sans oublier le Conclave, tenu en juin 2016 à Genval, qui donna naissance au « Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement ».
« Plusieurs ténors du Rassemblement ont fini par rejoindre la majorité présidentielle », ironisaient certains journalistes.
La cérémonie a commencé par la signature du Manifeste par les participants dont l’homme d’affaires Sindika Dokolo. « Vive le peuple », scandait à plusieurs reprises le « journaliste engagé » Daniel Safu.
Dans son mot introductif, le professeur André Mbata Mangu, directeur exécutif de l’IDGPA, a répondu aux « appréhensions » des journalistes en faisant remarquer implicitement que – contrairement au Front Citoyen et au Conclave de Genval – le « Manifeste » est l’œuvre des acteurs de la société civile congolaise. « Ce sont des citoyens qui se sont retrouvés et non des leaders politiques. C’est une réponse à l’appel pressent ‘Le pays va mal, Debout Congolais’, lancé, le 23 juin 2017, par les évêques catholiques ».
Mbata de relever que, depuis septembre 2016, « les institutions congolaises sont tombées dans une totale illégitimité ». Et ce suite à la non-convocation des scrutins. « Toutes les forces politiques ont reconnu que le pays va mal, ajoute-t-il en soulignant que, l’intérêt du peuple congolais passe avant celui d’un individu ». Il s’agit bien entendu de « Joseph Kabila » qui s’accroche au pouvoir « par la force des armes et la corruption financière ».
Il est 11heures 25 lorsque l’activiste des droits de la Femme Léonie Kandolo donne la lecture du « Manifeste ». Après les attendus décrivant la « faillite généralisée de l’Etat », « la grave détérioration des conditions de vie » de la population et la « la terreur » qui est « devenue un mode de gouvernance qui empêche le peuple congolais de revendiquer ses droits », l’oratrice lance que « Joseph Kabila dont le dernier mandat constitutionnel a expiré le 19 décembre 2016, exerce le pouvoir en violation manifeste de la Constitution (…), et est passible de haute trahison ».
« LE REGIME ACTUEL N’EST PLUS CONSTITUTIONNEL »
On retiendra pour l’essentiel que le peuple congolais est appelé à « faire échec, avec des moyens pacifiques et non-violents » à la tentative de « Joseph Kabila » de se maintenir au pouvoir au-delà du 31 décembre 2017. « Exigeons le départ de Monsieur Joseph Kabila Kabange et une transition citoyenne dont les animateurs seront désignés à la suite d’une concertation nationale ayant pour mission principale d’organiser des élections (…) ».
Les rédacteurs du Manifeste invitent les citoyens congolais à « prendre une part active » à la « grande campagne d’actions pacifiques et non violentes devant mener au retour de l’ordre démocratique constitutionnelle ».
Revenons aux travaux ayant précédé la publication du Manifeste. Ils étaient venus de Bruxelles, Kinshasa, Londres, Lubumbashi. Sans oublier Bukavu et Goma. Qui sont-ils? Les participants à la « Rencontre citoyenne de la Société civile congolaise » organisée par l’organisation non gouvernementale I.D.G.P.A (Institut pour la Démocratie, la Gouvernance la paix et le Développement en Afrique) que dirige le constitutionnaliste André Mbata Mangu. Thème: « Mobilisation citoyenne pour le retour à l’ordre constitutionnel en RD Congo ».
Les Mouvements citoyens « Lucha » (Lutte pour le changement) et Filimbi étaient bien représentés. Les organisations de défense des droits de l’Homme (Asadho, Acaj, IRDH), mêmement. Il en est de même de la presse et médias.
Durant trois jours, les participants ont passé le processus électoral au crible.
« En 2006 et 2011, les élections ont été organisées avec les mêmes contraintes », fait remarquer Gérard Bisambu. « Pourquoi en 2016, ces contraintes sont devenues des handicaps? », s’interroge-t-il. Pour lui, il existe bel et bien une « complicité entre le pouvoir et la CENI avec pour objectif de bloquer le processus ».
Chaque fois que l’article 64 de la Constitution est brandi, le clan kabiliste a la fâcheuse habitude d’y opposer le deuxième alinéa de cette disposition qui stipule: « Toute tentative de renversement du régime constitutionnel constitue une infraction imprescriptible contre la nation et l’Etat. Elle est punie conformément à la loi ». Un avis que le constitutionnaliste André Mbata s’est empressé de balayer d’un revers de main: « La Constitution a été violée à plusieurs reprises en dépit de son adoption par 85% de citoyens. L’alinéa 2 de l’article 64 ne contredit pas le premier. Il le complète. Lorsqu’un régime n’est plus constitutionnel, son renversement ne constitue plus une infraction ». Pour Mbata, « le régime actuel n’est plus constitutionnel ».
Le « prof » a néanmoins insisté, vendredi 18 août, que les actions à mener dans le cadre du Manifeste « seront pacifiques, non-violentes et conformes à la Constitution ». La première phase sera consacrée à la vulgarisation du document. Fougueux, Carbone Beni du Mouvement Citoyen Filimbi d’assener: « Le régime en place est une dictature. Kabila est friand de la répression. Nous résisterons pour obtenir son départ au cours de cette année… »
Baudouin Amba Wetshi