Les téléspectateurs de l’émission « Actu Buzz » – une branche de « Congo Buzz » – ont découvert, samedi 6 février, un jeune homme prénommé « Fabrice » (Photo). Il s’agirait du fils biologique d’Armand Tungulu Mudiandambu. Il y a une ressemblance certaine entre les deux hommes. Fabrice vivait, selon ses dires, en exil depuis 2010, année du « suicide » de son père dans un cachot géré par la garde prétorienne de « Joseph Kabila » au Camp Tshatshi. Le corps de Tungulu n’a jamais été rendu à sa famille. Une famille qui entend profiter de l’ambiance libérale qui règne au pays – depuis le 24 janvier 2019 – pour saisir les juridictions compétentes. Plusieurs victimes des abus de l’ancien régime ont déjà intenté des actions en justice contre l’ancien patron de l’ANR (Agence nationale de renseignement). L’ombre de « Kabila » apparaît chaque fois en filigrane. Quelques noms: Christopher Ngoy Mutamba, Jean-Claude Muyambo Kyassa, Kapepula Mulumba et Vano Kiboko.
Rebondissement de l’affaire Tungulu? Le 29 septembre 2010, la diaspora congolaise de Belgique apprenait avec stupeur l’interpellation musclée d’Armand Tungulu Mudiandambu, 43 ans, par des éléments de la garde prétorienne de « Joseph Kabila ». Selon des témoins, « Armand » aurait caillassé le cortège de « Kabila ». Les faits se seraient passés sur l’avenue du 24 novembre (en face de la « Maison Schengen ») dans la commune de Lingwala. Le Bruxellois ne donnera jamais sa version.
Après son arrestation, Tungulu est amené à la ferme de Kingakati où se rendait le convoi. Il est, par la suite, transféré au Camp Tshatshi où se trouvait le « QG » de la garde prétorienne du « raïs ». « Armand » n’a pas bénéficié du droit constitutionnel (article 18-3) reconnu à chaque personne gardée à vue « d’entrer en contact avec sa famille ou avec son conseil ». Est-ce parce qu’il n’était plus « présentable » suite à des séances de torture?
Le 2 octobre, un communiqué du parquet général de la République, signé par le « dircab » du « PGR » Flory Kabange Numbi, annonce la mort de Tungulu Mudiandambu « par suicide ». Quid de la dépouille? On apprendra que celle-ci a été transférée à l’hôpital général Mama Yemo avant d’être ensevelie le 31 décembre 2010 en un lieu secret. Le certificat de décès n°700/2862 fut établi à cette dernière date par le médecin légiste Nzuzi Ntula. Date de décès, illisible. Pas un mot sur le lieu et la cause. « Veuillez libérer le corps de M. Tungulu Mudiandambu Armand pour inhumation suivant la réquisition n°RMP002 de l’OMP colonel Molisho du parquet de l’auditorat militaire général de l’OPJ colonel Molisho », peut-on lire. C’est le 22 juillet 2011 que l’avocat bruxellois de la famille Tungulu de Bruxelles, en l’occurrence l’avocat Jean-Claude Ndjakanyi, recevra ce précieux document.
Intervenant samedi 6 février 2021 dans l’émission « Actu Buzz », « Fabrice » a affirmé la volonté de la famille du défunt de saisir les autorités judiciaires. Pourquoi maintenant, onze années après les faits? Selon lui, il était impossible d’entreprendre une quelconque démarche à l’époque du kabilisme triomphant. « Après la mort de mon père, les ‘services’ ont tenté, sans succès, de m’attirer dans une souricière. La famille a été constamment harcelée. J’ai dû prendre le chemin de l’exil. J’ai regagné le pays après le divorce de la coalition Fcc-Cach », a déclaré Fabrice. C’est un dossier qui sera suivi avec intérêt par la communauté congolaise de Belgique.
Christopher Ngoy Mutamba. Le jeudi 14 janvier 2021, Christopher Ngoy Mutamba, activiste des droits humains et président de la société civile du Congo-Kinshasa, a déposé plainte auprès du procureur général près la Cour d’appel de Kinshasa/Matete. Il est reproché à « Mutond » d’avoir ordonné « l’enlèvement », vers 22 heures, de cet activiste de la société civile par des sbires de l’ANR. C’était le 21 janvier 2015 au lendemain des manifestations du 19, 20 et 21 janvier 2015 contre la réforme de la loi électorale.
Jean-Claude Muyambo Kyassa sera arrêté par des agents de l’ANR dans le même contexte. L’avocat en a gardé des séquelles à un de ses pieds. En français facile, ce genre de traitement inhumain s’appelle « torture ». L’ancien bâtonnier a déjà saisi les autorités judiciaires contre Kalev Mutond.
Mulumba Kapepula. Syndicaliste et agent à la Société nationale des Chemins de fer du Congo à Lubumbashi, Mulumba Kapepula a été arrêté le 7 mars 2009 par des agents de l’ANR/Katanga. Motif: avoir dénoncé le non-paiement de 36 mois de salaire. Accusé d’outrage au chef de l’Etat, d’atteinte à la sûreté de l’Etat, Mulumba fut passé à tabac avant son transfert, le 16 mars 2009, dans un cachot à l’ANR/Kinshasa.
Les avocats Lumbwe Muyambo et Adolphe Mputu, conseils de Mulumba Kapepula, ont, en date du 4 février 2021, déposé plainte contre Kalev Mutond du chef d’arrestation arbitraire, de tortures physiques et morales, traitement inhumain et dégradant, de tentative d’assassinat.
Vano Kiboko Kalembe. Vano Kiboko a été arrêté le 28 décembre 2014 « pour le fait d’avoir annoncé simplement que le dauphin valable pour remplacer Joseph Kabila était Moïse Katumbi », peut-on lire dans la plainte déposée contre Kalev Mutond du chef d’arrestation arbitraire, de tortures physiques et morales, traitement inhumain et dégradant, de tentative d’assassinat.
L’article 7 de la Loi n°18/021 du 26 juillet 2018 portant statut des anciens Présidents élus reconnait à tout ancien Président de la République « l’immunité des poursuites pénales pour les actes posés dans l’exercice de ses fonctions ». L’article 9 vient tempérer cet « privilège ». Et ce « en matière de crimes contre la paix, la sécurité et l’humanité (…) ». Des dossiers judiciaires à suivre.
Baudouin Amba Wetshi