Le 24 janvier 2019, les Congolais ont assisté à la « passation » de pouvoir dite « pacifique » entre « Joseph Kabila » et son successeur Felix Tshisekedi Tshilombo. Chacun a le droit d’ergoter sur le caractère chaotique des consultations politiques du 30 décembre 2018. C’est la naissance de la coalition Cach-Fcc que certains ont, par paresse intellectuelle, qualifié d’ « alternance démocratique ». D’autres, sans doute plus lucides, n’ont pas hésité d’évoquer une « union contre-nature ».
L’alternance est un phénomène propre aux pays où règne la démocratie. Des pays où sont gravés dans le marbre certains principes ou valeurs. C’est le cas notamment de la séparation des pouvoirs, la liberté et l’organisation périodique d’élections pour permettre aux citoyens de choisir librement leurs dirigeants. Dans ces contrées, on ne parle d’alternance que lorsqu’une majorité politique est remplacée par une autre. Par voie démocratique. Est-ce le cas du Congo-Kin? Assurément pas!
Flashback. Depuis 2013, « Joseph Kabila » – qui avait accédé au sommet de l’Etat, un certain 26 janvier 2001, dans les conditions que l’on sait – ne faisait guère mystère de son ambition de s’incruster au pouvoir dans une sorte de « Présidence à vie ». Des Congolais ont consenti des sacrifices pour barrer la route à la fratrie « Kabila » qui considère le Congo-Kin comme un « héritage » voire un « butin de guerre ». Les « concertations nationales » et autre « dialogue politique inclusif » convoqués par le successeur de Mzee n’étaient qu’une succession des subterfuges pour faire taire toutes les voix dissonantes.
En juin 2016, soit six mois avant l’expiration de son deuxième et dernier mandat, la fratrie « Kabila » a fait une sorte de « déclaration de guerre ». Dans un entretien avec l’hebdomadaire parisien « Jeune Afrique », « Zoé » déclarait: « Nous ne sommes pas prêts de céder le pouvoir à n’importe qui ». Le décor était planté!
Revenons à la « passation pacifique » du pouvoir du 24 janvier 2019. En mai de cette même année, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, alors directeur général de la SNCC (Société nationale de chemins de fer du Congo), est nommé, sur proposition de l’ancien président « Kabila », Premier ministre. Pourquoi lui?
Natif du Katanga, Ilunga Ilunkamba est un homme falot. Docteur en sciences économiques appliquées, il est entré au gouvernement sous la IIème République de Mobutu Sese Seko en 1981 en qualité de secrétaire d’Etat à l’Industrie. Il sera permuté par la suite au Plan et Portefeuille. Sauf erreur, il sera promu commissaire d’Etat (ministre) au Plan et finalement aux Finances.
En dépit de ce parcours, Sylvestre Ilunga est mal connu. Après l’investiture de son gouvernement en septembre 2019, l’homme a semblé allergique à toute forme de contact avec la foule. Tout au long de sa présence à la tête du gouvernement (septembre 2019- janvier 2021), il n’a pas visité les autres provinces. Il n’a jamais animé un seul point de presse. Il n’a jamais non plus osé un « face à face » avec les journalistes pour prendre la température de l’opinion. Une occasion pour lui de parler, expliquer et justifier le bien-fondé de certaines décisions délibérées en Conseil des ministres.
Depuis le 23 janvier, le « Premier » Ilunga et son gouvernement font face à une motion de censure. L’équipe est accusée d’incompétence et de promesses non-tenues par rapport au programme de gouvernement. Et ce sur le plan politique, économique sécuritaire et socio-culturel. Sans omettre la diplomatie.
Dans une correspondance qu’il a adressée au chef de l’Etat en date du 27 janvier 2021, le « Premier » Ilunga conteste la légitimité du Bureau d’âge qui assure l’intérim à la tête de l’Assemblée nationale. Il dit avoir eu « une séance de travail avec (…) l’autorité morale du Fcc ainsi qu’avec différentes communautés du Katanga ». Selon Ilunkamba, ses interlocuteurs lui ont « recommandé » de ne pas démissionner. Il doit attendre l’élection et l’installation du Bureau définitif de l’Assemblée nationale.
Sylvestre Ilunga Ilunkamba semble ignorer qu’un homme politique qui accède au niveau aussi élevé du pouvoir d’Etat n’appartient plus à un parti ou à une coterie. Cet homme politique est au service de la Nation.
La plus grosse erreur du futur ex-Premier ministre aura été de se faire complice de la volonté de « Joseph Kabila » de maintenir le Congo-Kinshasa à genoux. En 2016, un rapport de l’Unicef avait dénombré 18 millions d’adultes congolais qui ne savaient ni lire ni écrire.
« Le gouvernement du Premier ministre Ilunga Ilunkamba est réputé démissionnaire ». C’est la déclaration-choc faite, mercredi 27 janvier, par le président du Bureau d’âge (Bureau provisoire) de l’Assemblée nationale. Christophe Mboso N’kodia Pwanga d’ajouter: « Le Premier ministre est tenu de remettre la démission de son gouvernement au Président de la République dans les 24 heures ».
N’en déplaise à « l’autorité morale » du Front commun pour le Congo ainsi qu’aux prétendues « différentes communautés du Katanga », Ilunga Ilunkamba devait remettre sa démission le jeudi 28 janvier à 17 heures. L’homme sort par la petite porte de l’histoire avec un petit « h » pour s’être laissé guider non pas par l’intérêt général mais par les intérêts de l’ex-président « Joseph Kabila ». On espère que le cas Ilunga Ilunkamba servira d’anti-modèle pour le prochain chef du gouvernement.
Baudouin Amba Wetshi