« Tout ce qui brille n’est pas or ». Cet adage anglo-saxon semble résumer la situation pathétique du Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba. L’homme mène un combat qui semble perdu d’avance face à une Assemblée nationale qui a voté, mercredi 27 janvier, la destitution du gouvernement dont il a – avait? – la charge. Professeur d’économie appliquée à l’université de Kinshasa et plusieurs fois ministre depuis 1981, l’homme a surpris ceux qui attendaient de lui un brin de noblesse. Après avoir snobé les députés nationaux, mardi 26 janvier, le chef du gouvernement recourt désormais à des « échappatoires » pour retarder son départ.
Le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba a snobé les députés qui l’attendaient ainsi que les membres de son équipe à la séance plénière de l’Assemblée nationale qui a eu lieu mercredi 27 janvier dans l’après-midi. Un seul point était à l’ordre du jour: examen de la motion de censure contre le gouvernement. Sur un ton empreint de déception, le président du Bureau d’âge Christophe Mboso N’kodia Pwanga de lancer: « Il revient à la Plénière de tirer les conséquences de cette absence non-justifiée ».
Aussitôt dit, deux des initiateurs de ladite motion se sont relayés sur l’estrade pour démontrer non seulement la recevabilité mais aussi la justification de cette démarche.
Dans le premier cas de figure, la Constitution impose que la motion soit revêtue des signatures d’au moins un quart des membres de l’Assemblée soit 125 députés. Les promoteurs ont pu recueillir 301 signatures.
INCOMPÉTENCE NOTOIRE
Dans le second cas, le député national Kasusa Kiboya Baruani a pris la parole le premier. Il a dénoncé les « échecs répétés du gouvernement dans l’exécution de son programme ». Sans omettre les « fautes graves cumulés » et « l’incompétence notoire » du Premier ministre et d’autres membres du gouvernement. Pour Kasusa, ce sombre tableau au plan politique, économique, socio-culturelle et sécuritaire justifie bien cette motion.
Prenant le relais, le député national Cherubin Okende Senga – qui est l’initiateur de ladite motion – a abondé dans le même sens. Le ton est resté réquisitorial. Après avoir reproché au Premier ministre et son gouvernement de n’avoir pas tenu parole en améliorant les conditions de vie des diplomates congolais.
Et de poursuivre: « Le Premier ministre s’était engagé à éradiquer les groupes armés et assurer la réinsertion des jeunes. Il est consternant de constater que la paix et la sécurité promises par le gouvernement ne se sont pas matérialisées au Nord-Est », dit-il.
Pour ces deux parlementaires, le gouvernement dirigé par le Premier ministre Sylvestre Ilunga « ne mérite plus la confiance de l’Assemblée nationale et de tout le peuple congolais ». C’est ici que le vote de la motion est intervenue. Sur 384 votants, on compte 367 voix « Pour »; 7 Contre; 2 Abstention; 1 Nul.
Il importe d’ouvrir la parenthèse pour relever que depuis la nuit de temps, ce qu’on appelle « programme de gouvernement » n’a jamais été au Congo-Zaïre qu’une compilation de bonnes intentions. On semble ignorer que la politique c’est l’action. Il ne peut y avoir d’action sans moyens ou budget d’investissement. Peut-on escompter un résultat sans moyens? Fermons la parenthèse.
LE GOUVERNEMENT ILUNGA RÉPUTÉ DÉMISSIONNAIRE
Clôturant le vote, le Président du Bureau d’âge a annoncé de manière solennelle ces mots: « Le gouvernement du Premier ministre Ilunga est réputé démissionnaire. Le chef du gouvernement est tenu de remettre la démission de son gouvernement au Président de la République dans les 24 heures ». Une Résolution déclarant la déchéance du gouvernement sera transmise notamment au chef de l’Etat ainsi qu’à la Cour constitutionnelle.
On notait dans l’hémicycle du Palais du peuple la présence d’une dizaine de membres du gouvernement. C’est le cas notamment du ministre de la Communication et des médias David-Jolino Makelele et de celui de la Santé, Eteni Longondo.
Tard dans la soirée de mercredi, une correspondance datée du 27 janvier 2021 fait le « buzz » sur les réseaux sociaux. S’agit-il d’un fake news? Apparemment non! Jusqu’à preuve du contraire, cette missive semble émaner du Premier ministre déchu Sylvestre Ilunga Ilunkamba. Le président de la République en est le destinataire.
Que lit-on? Le « Premier » Ilunga qui a préféré prolonger son séjour lushois écrit qu’il a eu des « séances de travail » avec « l’autorité morale » du Front commun pour le Congo (Fcc) « ainsi qu’avec différentes communautés du Katanga ». D’aucuns pourraient rétorquer: et alors!
ILUNGA SUGGERE A « FATSHI » DE VIOLER LA SEPARATION DES POUVOIRS
Selon lui, une « recommandation » s’est dégagée de ces entretiens. « Je ne dois pas démissionner avant l’élection et l’installation du Bureau définitif de l’Assemblée nationale ».
Comme pour tendre un traquenard au président Felix Tshisekedi, Ilunkamba demande à ce dernier « de convaincre le Bureau d’âge de se conformer à son ordre du jour qui vise l’organisation de l’élection et l’installation du nouveau Bureau définitif à qui il reviendra l’examen de la pétition des honorables députés ainsi qu’il est de droit ». Bref, une violation du principe de séparation des pouvoirs.
Le chef du gouvernement de conclure sa missive en usant de faux-fuyants: « Après l’installation dudit Bureau, j’en tirerai toutes les conséquences et déciderai en toute responsabilité de mon avenir politique à la tête du gouvernement ».
La contestation de la compétence du Bureau d’âge a été balayée par une réflexion rédigée par le député Cherubin Okende: « La compétence de connaitre ou d’examiner une motion de censure n’est dévolue particulièrement ni à un bureau définitif ni à un bureau provisoire ou d’âge. Cette compétence est dévolue à l’Assemblée plénière qui est l’organe suprême de l’Assemblée nationale ».
Pour ce juriste, « c’est l’Assemblée plénière qui, en vertu des dispositions de l’article 23 point 26 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, est compétente pour délibérer toutes matières relevant des pouvoirs et attributions de l’Assemblée nationale notamment mettre en cause la responsabilité du gouvernement ou d’un de ses membres par le vote d’une motion de censure ou de défiance ».
B.A.W.