A Kinshasa, des observateurs ont été agréablement surpris par la présence de Felix Tshisekedi Tshilombo, samedi 16 janvier, à la célébration œcuménique organisée à l’occasion de la commémoration du 20ème anniversaire de l’assassinat du président Laurent-Désiré Kabila.
Sans vouloir remuer le couteau dans la plaie, personne n’ignore les brimades subies par Etienne Tshisekedi wa Mulumba sous le régime de Mzee et de son successeur. D’aucuns pourraient objecter que c’était pareil sous Mobutu Sese Seko. Sans doute.
Résolu apparemment à assumer son rôle constitutionnel de représentant de la nation et de symbole de l’unité nationale (article 69), le président Felix Tshisekedi a voulu, par ce geste, exprimer sa volonté de réconcilier les Congolais avec l’Histoire de leur pays. Il a, dans la foulée, annoncé l’érection prochaine – à la Place dite « Echangeur de Limete » – d’un Mausolée à la mémoire de Patrice-Emery Lumumba, le tout premier Premier ministre congolais assassiné le 17 janvier 1961. C’était « quelque part » dans la province du Katanga sous la sécession tshombiste…
A Lubumbashi, Daniel Mulunda Ngoy Nyanga, qui se considère « Katangais » avant d’être « Congolais », a pris prétexte de cette « journée de souvenir » pour rappeler au reste du pays que les « forces centrifuges » ont trouvé un nouvel allié en la personne de « Joseph Kabila ».
Dans un pseudo-sermon, l’ancien président de la Commission électorale nationale « indépendante » (CENI) s’est livré au rejet, à peine allusif, de certaines ethnies tout en faisant l’éloge du séparatisme. « Si vous voulez que le Katanga reste au Congo, il faut respecter Joseph Kabila ». Il a poursuivi en exigeant du « respect » pour l’épouse « Kabila » née Olive Lembe di Sita.
Au moment où ces lignes sont écrites, l’ex-président « Kabila » séjourne dans le Haut Katanga. L’homme a investi plusieurs dizaines de millions de dollars mal acquis dans les infrastructures à Kalemie, le chef-lieu du Tanganyika. L’origine de l’argent reste un mystère. Il en est de même de la motivation.
« Pasteur » Mulunda Ngoy, qui ne représente que sa petite personne, a le droit d’exprimer ses opinions. C’est une prérogative reconnue à chaque citoyen congolais. Le deuxième alinéa de l’article 23 de la Constitution précise néanmoins que ce droit doit s’exercer dans le « respect de la loi, de l’ordre public et des bonnes mœurs ». Ce qui devait arriver arriva.
Lundi 18 janvier, des agents de l’ANR (Agence nationale de renseignements) ont interpellé Mulunda à son domicile. Mardi 19, l’ex-président de la CENI a été mis à la disposition des autorités judiciaires. Il revient à ces dernières de dire le droit en toute indépendance. A l’abri des pressions politiques.
Pour ceux qui feignent de l’ignorer, l’ANR joue le rôle dévolu à la Sûreté nationale. A ce titre, elle assume une mission de « surveillance ». L’Agence surveille les menaces internes et externes susceptibles d’attenter à la sécurité nationale et perturber le bon fonctionnement des institutions.
Le discours tenu par le « révérend » Daniel Mulunda n’est pas sans rappeler les déclarations faites le 10 septembre dernier par l’ex-ministre de la Santé et député national Felix Kabange Numbi: « Chacun a un chez soi. Ici, dans l’espace Katanga, c’est chez Joseph Kabila qui, à 45 ans, a accepté d’abandonner le pouvoir ». Inimaginable de la part d’un « élu ».
C’est à partir du mois de février 2000 que le public congolais a découvert un certain « Révérend Daniel Mulunda Ngoy ». C’était lors des travaux de « la Consultation nationale » organisée, disait-ont, par les « confessions religieuses ».
Chargé de « modérer » les débats – sans doute par Mzee Kabila -, Mulunda déclarait ce qui suit dans son mot introductif: « La société congolaise est très malade et sa plus grande maladie c’est la méfiance généralisée des uns envers les autres: entre gouvernés et gouvernants, entre opposition et pouvoir, entre personnalités politiques et le peuple etc. Les clivages tribaux et régionaux dans un océan de misère et de la précarité de la vie ».
Mulunda Ngoy est comme tous ces hommes et femmes devenus politiciens plus par favoritisme que par vocation. Des hommes et femmes politiques qui disent des choses auxquels ils ne pensent pas.
Parlons un peu de « Joseph Kabila ». C’est au mois de mars 1997, lors de la prise de la ville de Kisangani par les troupes de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo), que les Zaïrois d’alors ont entendu parler d’un certain « commandant Hyppo ». Né en 1971, ce dernier a foulé le sol zaïro-congolais à l’âge 26 ans. Les Lushois l’ont vu pour la première fois à l’étape de Lubumbashi au mois d’avril 1997 sous le nom de « Joseph Kabila ».
Né à Hewa Bora, une localité qui n’existe nulle part au Congo-Kinshasa, le successeur de Mzee n’a aucune attache psychologique avec le Congo-Kinshasa, un pays qui ne l’a nullement vu naître. L’homme a porté plusieurs patronymes (Mtwale, Kanambe) avant d’opter pour celui de « Kabila ».
Le 16 janvier 2001, le président Laurent-Désiré Kabila meurt. Bien qu’il ait fait le service militaire dans l’armée tanzanienne, son successeur désigné – on ne sait comment – ne fera jamais l’objet d’une quelconque « enquête de moralité » avant son investiture à la tête de l’Etat.
Cette imposture a été facilitée notamment par deux haut magistrats natifs du Katanga. Il s’agit de Luhonge Kabinda Ngoy (Procureur général de la République) et de Benoît Lwamba Bindu (Président de la Cour suprême de Justice). En 2002, le politologue Célestin Kabuya Lumuna monte de toutes pièces un « parcours » au nouveau Président. Le Grand Chef Kasongo Nyembo fera le reste en décrétant en juin 2006 que « Joseph Kabila » est un « Mubakat à 100% ».
Le Mzee Kabila a été « trahi » par ses « frères » Luba du Katanga. Ces derniers n’avaient qu’un seul souci après son décès: conserver le pouvoir suprême et les privilèges y afférents dans leur giron. Aucun dignitaire lubakat n’osera – durant dix-huit ans – exiger la clarté sur les circonstances exactes de la mort de « leur frère ». Pire, « Joseph Kabila » qui serait « chez lui dans l’espace Katanga » n’a laissé aucun souvenir impérieux en termes de réalisations dans cette région en général et au pays lubakat en particulier. De quoi parlent Daniel Mulunda Ngoy et Felix Kabange Numbi, deux politicards frustrés?
Baudouin Amba Wetshi