L’Algérienne Leila Zerrougui, représentante spéciale du secrétaire général de l’Onu au Congo et patronne de la Mission onusienne est fin mandat. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guiteres, a nommé le 14 janvier sa remplaçante. Il s’agit de la Guinéenne Bintou Keita qui prendra ses fonctions en février prochain.
« Mama Bintou Keita » trainerait derrière elle une trentaine d’années d’expérience en matière de maintien de la paix. Elle va trouver un peuple congolais blasé. Un peuple qui a vu défiler une dizaine de « chefs » de la Monusco (William Lacy Swing, Amos Namanga Ngongi, Roger Meece, Kamel Morjane, Alan Doss, Martin Köbler, Maman Sidikou, Leila Zerrougui). Sans que ce « défilé » puisse apporter un brin de stabilité dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri.
A tort ou à raison, certains n’hésitent pas à poser la question de savoir à quoi sert ces changements qui ne sont suivis d’aucune « valeur ajoutée » au niveau de l’efficacité sur le terrain. D’autres estiment que la nouvelle patronne de la Monusco n’aura pour mission que de gérer un budget annuel évalué à un milliard et demi de dollars tout en administrant – au sens bureaucratique du terme – une vingtaine de milliers de casques bleus. Les Congolais n’espèrent aucun « miracle ».
Un peu d’histoire. En vue d’assurer le suivi de l’accord de cessez-le-feu signé en juillet 1999, à Lusaka, entre le président Laurent-Désiré Kabila et ses « opposants armés » notamment le mouvement pro-rwandais du RCD-Goma et le MLC de Jean-Pierre Bemba, le Conseil de sécurité des Nations Unies a pris la Résolution 1279 du 30 novembre 1999 créant la Mission de l’Onu au Congo (Monuc). Et ce au grand dam du chef de l’Etat congolais.
Le 16 janvier 2001, le président LD Kabila meurt dans des circonstances non-élucidées à ce jour. Les forces onusiennes n’ont jamais été suspectées de participation à cet homicide. Loin de là. Quoique certains dignitaires du régime de Mzee avaient tendance à comparer le destin de ce dernier à celui du héros national Patrice Emery Lumumba. Le tout premier Premier ministre du jeune Etat congolais fut assassiné un certain… 17 janvier 1961. Une Mission de l’Onu était opérationnelle dans le pays. Celle-ci fut efficace au point d’écraser la sécession au Katanga de Moïse Tshombe.
Lors de la constitution du gouvernement de Transition « 1+4 », le successeur de Mzee n’avait qu’un seul souci. Celui de disposer d’une garde prétorienne. Il lui sera accordé une sorte de milice forte de quinze mille hommes pompeusement appelée « Garde républicaine ». Des hommes placés sous son autorité.
A en croire les sociologues, chaque être humain éprouve de la sympathie ou de l’antipathie vis-à-vis de ses semblables. Depuis 1999 à ce jour, les Congolais ont vu se succéder des chefs de la Mission de l’Onu dont la grande majorité a passé le temps à caresser l’ancien président « Joseph Kabila » dans le sens du poil. L’Américain William Lacy Swing a laissé une image peu glorieuse. Il était en fonction lors du double massacre (2007-2008) des adeptes du mouvement politico-religieux ex-Bundu dia Kongo.
Selon les associations de défense des droits humains, des éléments du « Bataillon Simba » dirigé par John Numbi Banza avaient fait un véritable carnage dans l’actuelle province du Kongo Central. Bilan: 100 morts et plusieurs dizaines de blessés. Swing « s’était assis » sur le rapport rédigé par des experts onusiens. Un document accablant pour « Kabila » et ses sbires. Ce dernier passait à l’époque pour le « chouchou » de l’Occident.
Durant deux décennies, on va assister à des relations de plus en plus ambiguës entre le successeur de Mzee et la Monusco. Ce dernier était convaincu dans un premier temps que les forces onusiennes devaient assurer la défense du territoire en lieu et place d’une armée congolaise qui n’était qu’un assemblable hétéroclite d’anciens groupes armés.
En février 2013, onze pays africains ont procédé à la signature, sous l’égide de l’Onu, de l’accord-cadre dit d’Addis-Abeba. Le Congo-Kinshasa avait pris un certain nombre d’engagement. C’est le cas notamment de la reformation de l’armée. Sans omettre la police et les services de sécurité. Il s’agissait non seulement de matérialiser l’apolitisme de ces grands corps de l’Etat mais surtout leur caractère républicain. Tout heureux d’être le seul acteur politique à disposer d’une garde personnelle, « Kabila » va ignorer allègrement cette « recommandation ».
Dès 2013, « Kabila » a commencé à manifester la volonté de briguer un troisième mandat inconstitutionnel. Les concertations nationales étaient suivies par des « dialogues politiques » dits « inclusifs ». L’homme voulait mettre sur pied un gouvernement dit d’union nationale. L’objectif non avoué était de faire taire l’opposition en donnant « à manger » aux détracteurs du pouvoir. Ne dit-on pas qu’on ne parle pas la bouche pleine? Les récalcitrants devaient être mâtés. Dès cet instant, la Monusco est devenue un « témoin gênant ». « Kabila » n’a cessé de demander le retrait progressif des forces onusiennes.
A partir du mois d’octobre 2014, les Congolais du Territoire de Beni, au Nord-Kivu, ont commencé à compter leurs morts. Dieu seul sait combien de milliers de citoyens de cette partie du pays ont été massacrés sous la barbe des forces onusiennes et d’une armée congolaise infiltrée par des éléments étrangers issus de mixages et de brassages.
Lors des manifestations organisées en 2015, 2016 et 2017, « Kabila » a eu recours à des ex-combattants M23 pour « canarder » les manifestants. La Monusco s’est contentée de constater les abus.
Près de deux décennies après le déploiement des casques bleus au Congo-Kinshasa, la Monusco dont la mission actuelle est de « stabiliser » le pays n’a rien stabilisé du tout. La Mission a sombré dans la « routine bureaucratique ». La Guinéenne Bintou Keita va remplacer l’Algérienne Leila Zerrougui. Et alors!
Une chose parait sûre: le bien-fondé de la présence des forces onusiennes au Congo-Kinshasa est de moins en moins évident.
Baudouin Amba Wetshi