Il n’a commis aucune infraction. Ni au code de la route. Encore moins au code pénal. Et pourtant, lundi 28 août, notre confrère Edouard Diyi Tshitenge, directeur de la radio télévision Kasaï-Horizons, basée à Kananga, a été pourchassé par des militaires – des miliciens du PPRD? – agissant sous les ordres d’un certain général Marcellin Assumani. Il lui est reproché d’avoir organisé un point de presse pour exprimer ses opinions par la vulgarisation du « Manifeste du Citoyen, Esili » dont il est l’un des signataires.
« C’est une démarche insurrectionnelle », avait prévenu, dès samedi 19 août, l’ex-mobutiste André-Alain Atundu Liongo, porte-parole du secrétariat général de la « majorité présidentielle », après la publication du « Manifeste du Citoyen Congolais ».
Après quelques jours passés à Chantilly et à Paris avec d’autres acteurs de la société civile congolaise, Edouard Diyi Tshitenge, directeur de Radio Télévision Kasaï-Horizons, a regagné Kananga où se trouve le siège de son média.
Lundi 28 août, notre confrère était sur le point d’animer un point de presse. Lorsqu’il arrive sur le lieu, le général Assumani Issa Kumba lui a signifié sa volonté d’interdire cette réunion. Motif: « raisons de sécurité ». Lesquelles? Mystère. Pour cet officier, le Manifeste signé le 18 août à Paris serait ni plus ni moins qu’un « appel à la révolte ».
Flairant l’imminence d’une arrestation sans mandat, « Edouard » n’a trouvé son salut qu’en se réfugiant dans le complexe de la Mission onusienne. Malgré le statut diplomatique du lieu, le général Assumani et son escorte n’ont pas hésité à violer ce lieu.
ARBITRAIRE ET INCIDENT DIPLOMATIQUE
Dans un communiqué publié mardi 29 août, le patron de la Monusco, le Nigérien Maman Sidikou, « a fermement condamné » cette intrusion au mépris des conventions internationales. « Les Nations Unies sont préoccupées par ce grave incident d’autant plus que celui-ci s’est déroulé sous le commandement direct d’un officier supérieur », peut-on lire.
Représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies, Maman Sidikou de déplorer « les tracasseries et menaces » dont font l’objet les journalistes congolais. Pour lui, ce qui vient de se passer à Kananga prouve que les restrictions des espaces de liberté sont loin d’être propices à la « description attendue ».
L’article 17-2 de la Constitution congolaise stipule que « nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné qu’en vertu de la loi et dans les formes qu’elle prescrit ».
Jusqu’à la preuve du contraire, le fait de tenir une réunion pacifique dans un lieu privé ne constitue nullement une infraction. Le comportement du général Assumani relève de l’arbitraire pur et simple. A preuve, il n’était porteur d’aucun mandat.
Dans ce Congo-Kinshasa qui est devenu une pétaudière, Assumani Kumba s’est cru en droit de pourchasser Diyi Tshitenge comme si ce dernier venait de commettre une infraction flagrante. C’est connu, les intérêts de l’individu « Kabila » et sa fratrie sont confondus avec ceux de l’Etat. L’armée, la police et les services secrets se comportent à l’image des polices politiques des ex-démocraties populaires d’Europe de l’Est. Bref, une milice au service d’une oligarchie.
Au moment où ces lignes sont écrites, il semble bien que notre confrère n’a pas encore quitté les installations de la Monusco. « Les rédacteurs du Manifeste du Citoyen devraient, après cet incident, réajuster leur stratégie. Il va sans dire qu’ils sont désormais dans le viseur des sicaires du régime, commente un politologue. Ce qui s’est passé à Kananga prouve que le président Joseph Kabila a décidé de traquer les initiateurs de ce document ». Et de conclure: « Les rédacteurs du Manifeste du Citoyen Congolais doivent se rendre compte qu’il sera difficile de défénestrer le détenteur d’un pouvoir conquis par la force des armes rien qu’avec une rose à la boutonnière… »
Baudouin Amba Wetshi