Défenseur judiciaire près le Tribunal de Grande Instance de Lubumbashi, Jacques Kapanga Nyembwe est détenu, depuis le 6 septembre dernier, au cachot des services spéciaux de la police congolaise. Il lui est reproché d’avoir déclaré dans un cyber café que « le mandat de Joseph Kabila est terminé depuis décembre 2016 ». Interdiction de rire!
Dans son bulletin daté du 9 décembre, l’ONG de défense des droits humains « IRDH » (Institut de recherche des Droits Humains) se dit « vivement préoccupé par l’arrestation et la détention » du défenseur judiciaire Jacques Kapanga Nyembwe.
Tout se serait passé le mercredi 6 septembre dans un cyber café situé sur l’avenue Mama Yemo à Lubumbashi. Un capitaine de la garde prétorienne de « Joseph Kabila » dite Garde Républicaine y a conduit deux militantes d’une association dénommée « Groupe de soutien au président Joseph Kabila ». Les deux femmes devaient photocopier des messages de « soutien au raïs Kabila ».
C’est ici que le fameux capitaine s’est cru en droit d’arrêter Jacques Kapanga Nyembwe. Au motif ubuesque qu’il aurait entendu ce dernier clamer que « le mandat du Président sortant a expiré depuis le 19 décembre 2016 ».
On se demande bien la base juridique à l’appui de laquelle ce sous-officier a « inculpé » ce concitoyen qui n’a fait qu’exprimer ses opinions. Des opinions qui se fondent au demeurant sur le premier alinéa de l’article 70 de la Constitution qui stipule: « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois ». Rien à fouetter un chat.
Les Congolais sont prévenus: désormais l’évocation de l’expiration du second et dernier mandat de « Joseph Kabila » est érigée en « infraction ».
Soixante-douze heures après cette arrestation pour le moins arbitraire, « l’inculpé » n’a toujours pas été présenté devant une autorité judiciaire. La « garde à vue » dépasse ainsi le délai constitutionnel de 48 heures.
« UN HOMME MESQUIN ET MEDIOCRE »
L’ONG de défense des droits humains « IRDH » dit « sa vive préoccupation » de voir un membre des forces armées s’impliquer « dans des activités politiques » et user « de son statut, pour influencer la répression policière des personnes exprimant des opinions contraires au parti au pouvoir ».
Depuis 2014, « Joseph Kabila » semble prendre un plaisir cynique à persécuter tous ceux qui osent faire allusion à la fin de ses deux mandats et clamer leur opposition à un troisième mandat en violation de la Constitution.
Jacques Kapanga Nyembwe vient d’ajouter son patronyme sur une longue liste. Outre les personnalités regroupés au sein du G7, on peut citer notamment: Jean-Claude Muyambo Kyassa, Vano Kiboko Kalembe, Georges Mawine, Eugène Diomi Ndongala, Franck Diongo Shamba. Sans omettre le cas emblématique de l’ancien gouverneur du Katanga Moïse Katumbi.
Dans un communiqué daté du 2 janvier 2015, « JUSTICIA asbl » annonçait l’arrestation, sans mandat, au chef-lieu du Haut-Katanga de Mukaz Tshikomba A Tshing, vice-président des « Jeunes katangais ». L’homme avait dit haut et fort son hostilité à la révision de la Charte fondamentale du pays pour permettre au Président sortant de se succéder à lui-même.
Inaugurant son second et dernier mandat, « Joseph Kabila » avait juré « devant Dieu et la nation » notamment « d’observer et de défendre la Constitution et les lois de la République ». C’était le 20 décembre 2011. Du 20 décembre 2011 au 19 décembre 2016, cela fait exactement cinq ans. Jacques Kapanga n’a rien inventé.
On ne peut que comprendre la démarche de l’IRDH demandant au procureur général près la Cour d’appel de Lubumbashi de se pencher sur ce « dossier judiciaire ». De deux choses l’une: le défenseur judiciaire doit être remis en liberté ou « déferrer devant la juridiction compétente ». « Depuis 2014, sentant la fin prochaine de son second et dernier mandat, Joseph Kabila n’a cessé de montrer sa vraie face. Celle d’un homme mesquin et médiocre », commente un confrère lushois.
B.A.W.