Les embouteillages

Il ne fait pas bon de circuler ces jours-ci dans Kinshasa. Il y a tant de gens sur nos routes! Il y a tant de motos! Tout ce beau monde cherche l’argent ou à manger durant les fêtes de fin d’année. D’aucuns affirment que les morts sont aussi revenus pour avoir leur part du gâteau. Ils se promènent également sur nos routes. Enfer et damnation!

Ils sont donc revenus avant la fin des temps promise, urbi et orbi, il y a deux mille ans? Ceci expliquant cela, il arrive parfois de faire six heures dans un embouteillage là où il faut faire 45 minutes en temps normal. Enfer et damnation! La cause? Essentiellement l’indiscipline des conducteurs et le non-respect du code de la route.

Personne ne veut rouler sans atermoiements funestes et sans précipitation inconsidérée. Ce qui ne devait pas arriver, arrive alors. C’est le bouchon. Vous vous trouvez bloqués pendant des heures et des heures. Les moteurs chauffent, les disques d’embrayage cassent, le carburant est gâché. Les conducteurs stressent à cause d’un besoin pressant ou d’un rendez-vous manqué…

D’après mon ami qui sait ce qui se passe dans tous les coins et recoins de Kinshasa, il arrive que nos vaillants policiers créent des embouteillages pour arrondir leur fin de mois. Malins comme des cancrelats, ils en profitent pour monnayer le passage. Là, les premiers deviennent les derniers et vice-versa. Stupeur et tremblements! Pas étonnant que les corrompus soient dodus, ventrus, fessus, velus, lippus…

Bref, passons. Il arrive parfois des drames. Rentré chez lui, un quidam trouva sa femme foudroyée par un AVC. Il appela l’hôpital, on lui dit d’amener d’urgence la malade. Un médecin les attend. Il s’empresse de faire monter son épouse à bord de sa voiture comme les quelques ambulances qui circulent ne servent à rien. Sur sa route, il tombe sur un bouchon. Il supplie pour qu’on lui ouvre le chemin. Personne ne bouge. Quand finalement il arrive à l’hôpital, trois heures après, elle est déjà morte. Enfer et damnation!

Les gens d’en haut ne sont pas concernés par les embouteillages. Ils ont toujours la solution. Quand la voirie urbaine a commencé à se détériorer, ils ont acheté des jeeps 4×4. Quand la distribution d’électricité est devenue défaillante, ils ont acheté des groupes électrogènes. Dans les embouteillages, ils circulent en cortège motorisé et surarmé. D’après mon ami qui sait tout, on peut diminuer les embouteillages en réfectionnant trois avenues seulement: Elengesa, Kulumba et Kikwit. On peut aussi faire sauter les barrières devant le Palais de la Nation et la résidence de l’autorité morale du FCC ou ce qu’il en reste. Soit en tout, six routes qui peuvent être libérées et remises à la circulation. C’est comme l’œuf de Christophe Colomb, il fallait y songer.

 

Gaston Mutamba Lukusa

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