Plusieurs fois ministre (Santé et Enseignement supérieur et universitaire), député national élu de Rutshuru (Nord Kivu), Léonard Mashako Mamba est décédé dans la nuit de dimanche 24 à lundi 25 septembre à Kinshasa. Et ce suite à une « courte maladie ». Le 16 janvier 2001, Dr Mashako se trouvait au Palais de marbre au moment où la terre entière apprenait « l’attentat » contre le Mzee Kabila. Médecin de formation, il aurait administré les premiers massages cardiaques au défunt Président. Des propos contredits par des experts en balistique. Seize années après, la disparition de « Papa Kabila » demeure un mystère voire un des secrets d’Etat les mieux gardés. Le témoin Mashako emporte dans sa tombe une part de vérité sur cette mystérieuse affaire. Il avait 66 ans. C’est le lieu de rappeler quelques témoignages sur cette page sombre de l’histoire du Congo-Kinshasa.
Léonard Mashako Mamba était agrégé de l’enseignement supérieur en médecine et spécialiste en gastroentérologie et nutrition pédiatrique. Il a dirigé le ministère de la Santé avant d’entrer au gouvernement du Premier ministre Muzito en qualité de ministre de l’Enseignement supérieur et universitaire.
Docteur Mashako se trouvait le 16 janvier 2001 au Palais de Marbre lorsque les médias internationaux annonçaient une « tentative d’assassinat » dont était victime le président LD Kabila.
Selon la version officielle, le Mzee a été « agressé » par son garde du corps répondant au nom de Rachidi Kasereka. Le décès sera annoncé le 18 janvier à Harare au Zimbabwe où le corps a été transféré dans la nuit du 16 au 17 janvier. Le garde du corps Rachidi Kasereka – qui sera abattu à son tour – est donc présenté comme l’assassin présumé. Une thèse balayée du revers de main par plusieurs témoignages.
Médecin urgentiste à la clinique Ngaliema, Médard Kabunga Mutombo a reçu un corps sans vie ce 16 janvier. Le corps de Mzee présentait pourtant des impacts de balles sans que la victime baigne dans son sang. Dr Kabunga sera poursuivi pour « vol » pour avoir « gardé » le maillot de corps du défunt. Les véritables assassins n’entendaient pas laisser de traces.
Ancien chef du protocole adjoint au cabinet présidentiel au moment des faits, Eddy Musonda ne dit pas autre chose. Dans une interview accordée à l’auteur de ces lignes en 2001 pour le compte du journal « Le Soft International », il raconte sa part de vérité: « Il est 7 heures 30 au palais de Marbre ce 16 janvier 2001. Le président Laurent-Désiré Kabila commence sa journée par une visite à son état-major particulier au lieu-dit ‘palais bleu’. Il s’entretient brièvement avec son aide de camp, le colonel Eddy Kapend. Vers 8 heures, le chef de l’Etat débute ses audiences en recevant successivement une délégation nord-coréenne, le ministre de la Santé, docteur Mashako Mamba, et Emile Mota, conseiller économique à la Présidence de la République ».
A en croire Musonda, c’est au début de l’après-midi que des tirs à l’arme automatique sont entendus durant une trentaine de minutes. Qui tirait sur qui? Mystère! Diversion? Le colonel Eddy Kapend, lui, venait de vider son chargeur sur Rachidi accusé par le conseiller Emile Mota d’avoir tué le Mzee. « Pour atteindre le bureau du Président de la République, Rachidi devait arpenter un couloir, dit Musonda. La porte était fermée de l’intérieur ». Pour lui, il était matériellement impossible que ce garde du corps ait pu s’y introduire.
RAPPORT CONFIDENTIEL
Dans un rapport confidentiel rédigé par trois experts en balistique, ceux-ci sont formels: l’assassinat de Mzee par balles était « scientifiquement impossible ». Au motif qu’une balle tirée sur la tempe aurait dû ressortir de l’autre côté. Pour ces experts, seule une balle tirée à une distance de 50 mètres pouvait être logée dans la tête. C’était lors du méga-procès devant la Cour d’ordre militaire.
Pour les trois experts, la position du corps du défunt, telle que décrite par les témoins, ne leur parait pas être celle qu’aurait dû adopter une personne décédée des suites d’un traumatisme causé par des balles. Ils se sont inquiétés de l’absence de saignement alors qu’une balle avait sectionné l’aorte. Pour eux, le saignement aurait dû être abondant d’autant plus que « le docteur Mashako Mamba prétend avoir procédé à un massage cardiaque », après l’attaque.
Les trois experts sont catégoriques dans leur conclusion: « (…), les blessures faites par balles sur le corps de Mzee n’ont pu intervenir qu’après le décès ».
Ancien ministre de la Santé de Mzee, Jean-Baptiste Sondji confiait ces mots dans une interview avec notre journal. C’était en Juillet 2016: » (…). Après les obsèques de Mzee, le public a été autorisé à visiter le lieu où il a été assassiné. Je suis entré dans son bureau au palais de marbre. J’ai vu quelques gouttelettes de sang éparpillées par-ci par-là. J’ai posé la question au guide: ‘A-t-on déjà nettoyé ce bureau depuis que le Mzee a été assassiné?’ Réponse: ‘Non!’ Je suis revenu à la charge: ‘Les quelques gouttelettes de sang que l’on voit constituent-elles tout ce que le Mzee a perdu?’ Réponse: ‘Oui, c’est tout!’. Sondji de conclure: « Je me suis dit que le corps d’un adulte contient cinq litres de sang. Il est impossible qu’on ait tiré sur un homme au niveau du cou sans que celui-ci baigne dans une mare de sang ». Pour lui, le décès était antérieur aux impacts de balles.
COUP D’ETAT DE PALAIS?
Cet avis est renforcé par le colonel-médecin Luc Mayolo responsable du service médical de l’armée sous LD Kabila. Selon lui, Emile Mota n’était pas avec le Mzee au moment des faits. « Il se trouvait dans l’antichambre, dit-il. (…). Le garde du corps Rachidi devait voyager avec le Président au Cameroun dans le cadre du sommet France/Afrique. Voyant que l’heure fixée pour le voyage – 13h00 – était largement dépassée, Rachidi est allé voir le Président dans son bureau. Dès qu’il a ouvert la porte, il trouva le chef de l’Etat affaissé complètement. Le garde du corps commença à crier: ‘Banahuwa Mzee!’. Traduction: On a tué le Président. Mayolo de poursuivre: ‘Mota ouvre la porte et voit le jeune soldat en train de courir. C’est là qu’il va crier à son tour: ‘Il a tué le Président' ». Mayolo a fait ses confidences en janvier 2017.
Diverses sources assurent la main sur le cœur que le Mzee Kabila était « très malade » à la veille de la date fatidique du 16 janvier 2001. C’est le cas notamment de la journaliste belge Colette Braeckman. A la page 100 de son ouvrage « Les nouveaux prédateurs, politique des puissances en Afrique centrale », publié chez Fayard, elle écrit: « Laurent-Désiré Kabila faisait une crise de malaria et était encore sous perfusion ».
Tout au long du procès des « assassins présumés » de Mzee, les dépositions du conseiller Mota ont été qualifiées de « contradictoires » par la Cour. Malgré ce flou, le « verdict » tombera le 7 janvier 2003. Comble de paradoxe, le président de la Cour d’ordre militaire, le général Nawele Bakongo, conclura les audiences en ces termes: « Le procès Kabila n’est pas terminé. Les enquêtes se poursuivent. Il y aura d’autres procès, car on recherche d’autres coupables ». Le dossier est classé depuis cette date.
Questions: certains groupes d’intérêt avaient-ils monté une mise en scène en transformant une « banale mort naturelle » en assassinat pour justifier un coup d’Etat de palais? Qu’en savait Léonard Mashako Mamba? Mystère! Paix à son âme!
Baudouin Amba Wetshi