Après quarante-huit heures de « retraite politique », le « clan kabiliste » – qui traîne derrière lui un bilan économique, social et sécuritaire calamiteux – n’a pas trouvé mieux que de proposer des « élections générales anticipées à tous les niveaux ». Interdiction de rire! Quel miracle « Joseph Kabila » et ses adorateurs pourraient réaliser en cinq ans qu’ils n’ont pu accomplir en dix-huit ans?
Dans le Petit Larousse, le mot « divagation » signifie: « propos incohérents ». Dans Le Robert, le verbe « divaguer » est défini comme étant le fait « de ne pas raisonner correctement ». Délire, folie, digression, élucubration, rêverie sont autant des synonymes du vocable « divagation ».
Depuis le lancement des « consultations » initiées par le président Felix Tshisekedi, le 2 novembre dernier, le « Front commun pour le Congo », cette plate-forme électorale – qui s’est muée en plateforme politique par la volonté de l’ex-président « Joseph Kabila » -, multiplie des réunions. Après la retraite de Mbwela Lodge, près de Kisantu, au Kongo Central, c’est le tour du lieudit « Safari Beach », dans la banlieue de la capitale, d’accueillir des caciques du FCC.
Dimanche 8 novembre, au début de la soirée, un « communiqué final » en dix points a été publié. Alliée au « Cap pour le changement » du duo Tshisekedi-Kamerhe, la mouvance kabiliste paraît en plein désarroi. Au motif que « Fatshi » a dit tout le mal qu’il pense de la coalition Cach-Fcc lors de sa brève allocution du 23 octobre sans toutefois fixer son « partenaire » sur le « sort » réservé à l’Accord qui lie les deux parties.
Les « signataires » dudit communiqué commencent par « positiver » en affirmant que le FCC « reste ouvert au dialogue avec le chef de l’Etat ». Qui oserait s’y opposer? Le dialogue n’est-il pas la voie royale pour éviter les malentendus et la violence? Seulement voilà, les mêmes signataires précisent aussitôt que toute discussion devrait avoir lieu « dans le cadre des structures et mécanismes prévus par l’Accord de coalition ». Quels sont ces mécanismes et structures prévus dans ledit « Accord de coalition »? S’agit-il du document intitulé « Accord pour la stabilité et la paix au Congo » qui aurait été signé le 8 janvier 2018 par Felix Tshisekedi et « Joseph Kabila »? S’agit-il encore de la « Déclaration solennelle annonçant la constitution d’une coalition politique entre le Cap pour le changement (Cach) et le Front commun pour le Congo (FCC) » signée le 29 juillet 2019 respectivement par Jean-Marc Kabund-a-Kabund et Néhémie Mwilanya Wilondja?
En parcourant ces deux documents, on ne trouve aucune trace d’un quelconque « mécanisme » ou « structure » de règlement de conflit. La « déclaration » précitée fait vaguement état de « la mise sur pied d’un Comité de Suivi de la mise en œuvre de l’Accord de Coalition ».
LE FCC EST-IL AU-DESSUS DES LOIS?
Le FCC qui se considère aux dessus des lois maintien son exigence demandant au chef de l’Etat le retrait des ordonnances présidentielles portant nomination de trois juges constitutionnels. Il qualifie celles-ci de « violations de la Constitution ». Le FCC ne devait-il pas saisir la Cour constitutionnelle ou le Conseil d’Etat? Au nom de quel principe, cette plateforme politique qui n’est nullement une juridiction se croit-elle en droit de ne pas reconnaitre lesdits juges « encore moins les effets des actes qu’ils poseront »? Par quels mécanismes, le FCC pourrait-il paralyser la force exécutoire des actes posés par ces juges?
Le FCC qui claironne la violation de la Constitution au sujet des ordonnances querellées, trouve-t-il conforme au droit la stipulation de l’article 1er du fameux « Accord » obligeant le chef de l’Etat d’accorder une immunité totale pour le clan Kabila (famille et dignitaires de son régime)? Le but poursuivi consiste-t-il à passer par « pertes pertes et profits » les crimes de sang, les crimes économiques et tant d’autres commis sous l’ancien pouvoir?
Point n’est besoin d’être juriste pour constater que l’objet de cet « Accord » est parfaitement illicite. Pire, la clause précitée « contrarie » – c’est un euphémisme – l’article 74 de la Constitution qui astreint notamment le Président de la République « de ne se laisser guider que par l’intérêt général et le respect des droits de la personne humaine ».
Dans son allocution du 23 octobre, le président Felix Tshisekedi avait fait état non seulement du « blocage » de l’appareil d’Etat mais aussi de « divergences » entre les « coalisés ». Il avait annoncé sa volonté de « consulter » les leaders politiques et ceux de la société civile les plus représentatifs afin d’examiner la mise sur pied d’une « union sacrée pour la nation ».
Dans son communiqué, le FCC dit sa farouche opposition à « toute démarche tendant à la recomposition de la majorité parlementaire en pleine législature ». Et d’accuser le CACH, sans apporter la moindre preuve, de « corruption des élus d’un partenaire ». La mouvance kabiliste semble ignorer qu’il n’est pas un parti politique. L’article 3 de sa charte signée en 2018 stipule d’ailleurs que « chaque membre garde son identité et son autonomie (…)« .
A en croire « Kabila » et les caciques de son association, la Constitution et le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale indiquent que « toute majorité est issue des élections » et « ne peut être renouvelée qu’au cours d’une nouvelle élection générale et non du fait d’une création artificielle des acteurs politiques ». Devrait-on parler de « projection » dans la mesure où les textes précités ne disent rien de tel.
Le premier alinéa de l’article 78 de la Constitution stipule notamment que « le Président de la République nomme le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci. (…)« . « Si une telle majorité n’existe pas, indique le deuxième alinéa, le Président de la République confie une mission d’information à une personnalité en vue d’identifier une coalition ». Dieu seul sait les conditions dans lesquelles le FCC s’est octroyé une « majorité mécanique » à l’Assemblée nationale. On ne pourrait que regretter que le Président de la République n’ait pas désigné un informateur.
RUPTURE AVEC LES ANTIVALEURS
Une peur panique semble s’emparer de « Kabila » et son « clan » habitués à la corruption et autre tricherie. Comble de ridicule, le FCC opte pour une fuite en avant en estimant que l’organisation des « élections générales anticipées à tous les niveaux » serait la réponse appropriée à la crise ambiante. Les Congolais ont encore frais en mémoire la « fraude historique » ayant émaillé les élections générales du 30 décembre 2018. Qui oubliera que le président de la Ceni (Commission électorale nationale indépendante), Corneille Nangaa, proclamait les résultats des législatives pendant que des centrales électorales au niveau des provinces étaient occupées à compiler les bulletins de vote? L’opinion attend toujours la publication des résultats électoraux, bureau de vote par bureau de vote.
Au total, le FCC « rejette en bloc les allégations tendant à lui faire porter la responsabilité d’un blocage supposé du pays(…)« . Il est sans doute vrai qu’il y a eu des provocations de part d’autre. Il est vrai également que tous les grands corps de l’Etat (Régies financières, Banque centrale, armée, police, services de renseignements etc.) sont toujours sous le contrôle des hommes de « Kabila ». Une véritable pesanteur.
La mouvance kabiliste estime, à tort, que le chef de l’Etat n’est pas habilité à dissoudre le Parlement « en l’absence d’une crise persistante » entre celui-ci et le gouvernement. On semble ignorer qu’au sens étroit, le gouvernement est défini comme un organe collégial, dirigé par le Premier ministre. Le chef du gouvernement est chargé avec le chef de l’Etat de la « fonction exécutive ».
Le président Felix Tshisekedi s’achemine lentement mais sûrement vers la fin de ses consultations. Après avoir écouté les représentants des forces politiques et sociales, le numéro un Congolais est un homme averti pour prendre les décisions de nature à conduire le pays dans la bonne direction. Loin des divagations des « amis du raïs ».
« Consulté » lundi 9 novembre au Palais de la Nation, le Prix Nobel de la paix, Denis Mukwege a créé l’événement. Pour lui, seule une « rupture avec les antivaleurs » et le « système de gouvernance qui a conduit notre pays dans ce chaos » pourrait sortir le Congo-Kinshasa de la situation actuelle. Selon lui, « le décollage du pays sera toujours hypothétique tant qu’il n’y aura pas des réformes profondes et courageuses ». Des réformes permettant la mise sur pied d’une force publique (armée, police, services de renseignements) apolitique et professionnelle. Mukwege a dit tout haut ce que la grande majorité des Congolais pense tout bas…
Baudouin Amba Wetshi