Le 28 septembre 2020, l’opinion nationale a été surprise par la nouvelle de l’installation des animateurs de l’administration locale de Minembwe, érigée en commune rurale dans le Sud-Kivu. La présence des plus hautes autorités du pays, le triomphalisme provocant dans la médiatisation de l’événement, l’enthousiasme incontrôlé des ressortissants d’une seule communauté de la région, le parrainage du représentant de la plus grande puissance occidentale disposant déjà d’un imposant Consulat à Goma, tout cela administre la preuve qu’il ne s’agit nullement d’un acte de portée locale.
Au pays et dans la diaspora, cette action traitresse est vécue comme un défi et une réelle provocation. Pour nombre de Congolaises et Congolais toutes tendances confondues, il s’agit de nouveaux nuages sombres venus rejoindre ceux déjà amoncelés sur leurs têtes, par la persistance inexpliquée des violences en Ituri et dans le grand Kivu, les déclarations malveillantes et insultantes de l’ambassadeur du Rwanda au Congo, les négligences coupables pendant dix ans des conclusions du rapport mapping ainsi que ceux, multiples, du Groupe des Experts des Nations-Unies sur le pillage des ressources naturelles et autres ressources de la RDC.
Cette politique du défi et du fait accompli, appliquée à Minembwe, au mépris des limites des chefferies et territoires existants, loin de consolider les efforts de paix entrepris dans la région, est de nature à plonger la population dans un cycle de violences incontrôlables par la généralisation du climat d’insécurité et d’hostilité réciproque. D’ores et déjà, l’Evêque du diocèse d’Uvira qui couvre l’espace de Minembwe s’est interrogé: « Comment allons-nous vivre désormais, les yeux dans les yeux, dans cet espace où déjà les conditions de paix et de convivialité n’étaient pas assurées? »
Le Gouvernement de la République, pour sa part, ne peut s’exonérer de sa responsabilité première de garantir la paix des cœurs et des esprits, et d’assurer la protection et la défense de l’intégrité du territoire national, au seul motif qu’il n’aurait fait que mettre à exécution des décisions antérieures, sans même s’interroger sur les causes et les raisons qui auraient occasionné la non application de ces décisions en leur temps. Pareille attitude ne friserait-elle pas une complicité tacite avec les fossoyeurs des intérêts du peuple?
C’est pourquoi, devant la gravité des faits, et pour préserver la paix sociale dans l’ensemble du territoire national:
- Le CLC invite l’ensemble de notre population à continuer résolument à vivre dans l’harmonie et à privilégier le dialogue en cas de conflit interne;
- Il lui recommande de redoubler de vigilance pour faire échec à toutes initiatives tendant à instaurer des gouvernances locales inféodées à des sociétés multinationales ou à des pays étrangers, fussent-ils africains;
- Au Gouvernement de la République, le CLC demande avec insistance, de confirmer, toutes affaires cessantes, la suspension de la disposition de mise en place de Minembwe, à l’instar de toutes les autres communes rurales de la République, conformément à sa propre décision d’avant les dernières élections en 2015. Il se doit également de veiller à l’application sans failles de cette disposition pour l’ensemble des communes rurales.
Dans le cadre de la réduction du train de vies des institutions de l’Etat, la suppression du ministère de la décentralisation doit être envisagée, car il est source de confusions puisqu’il empiète dangereusement sur les attributions du ministère de l’Intérieur. D’ores et déjà, la démission de son titulaire s’impose d’elle-même pour rassurer l’opinion nationale sur sa bonne foi. Dans le cas contraire, l’intéressé confirmerait, par son initiative controversée, l’existence d’un agenda caché dont il se chargerait d’assurer l’exécution.
Le CLC, avec ses partenaires, n’hésitera pas à prendre toutes ses responsabilités, en cas de besoin.
Fait à Kinshasa le 6 octobre 2020.
Le COMITE LAIC DE COORDINATION
Dr. Gertrude Ekombe,
Prof. Isidore Ndaywel,
Prof. Justin Okana Julien Lukengu,
Franklin Mbokolo