Bakata Katanga: le double jeu permanent de « Joseph Kabila »

Les miliciens « Bakata Katanga » ayant fait incursion à Lubumbashi dans la nuit de vendredi 25 à samedi 26 septembre se réclament du parti « Mira » (Mouvement des indépendantistes révolutionnaires africains) de « Gédéon » Kyungu Mutanga. Créée en mars 2017, cette organisation politique avait rallié l’ex-majorité présidentielle de « Joseph Kabila », rebaptisée « Front commun pour le Congo » (Fcc). En décembre 2010, le CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) de Laurent Nkunda avait inauguré ce genre d’ « affiliation incestueuse » en rejoignant l’ex-Amp (Alliance de la majorité présidentielle). Inspecteur général de la police nationale d’alors, John Numbi Banza, en personne, avait convoyé la délégation de ce mouvement rebelle pro-rwandais au ministère de l’Intérieur pour sa conversion en tant que parti politique. On ne peut qu’admirer la duplicité du Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba.

Plus de soixante-douze heures après le « raid » mené par des miliciens « Bakata Katanga Mira » à Lubumbashi, c’est le silence plat du côté du « Fcc ». Et pourtant, « Gédéon » clamait en mars 2017 l’appartenance de son parti dans la « mouvance kabiliste ». « La majorité présidentielle est notre famille politique, je suis aux côtés de Joseph Kabila », déclarait-il. Il n’y a jamais eu de démenti. Encore moins de recadrage.

Le ministre de l’Intérieur Gilbert Kankonde Malamba

En clair, les hommes en haillon – armés de fusils automatiques, machettes et gourdins – aperçus à Lubumbashi sont bel et bien des membres de la mouvance kabiliste. On ne pourrait que comprendre le gêne autant que le mutisme de ceux qui ont la charge d’exercer le ministère de la parole pour le compte du Fcc.

Pendant que les « hommes » de « Gédéon » tentaient d’occuper la RTNC (Radio-Télévision nationale) et le siège du gouvernement provincial, le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba, lui, tenait une « réunion sécuritaire » à Kinshasa. Un seul objet à l’ordre du jour: la situation à Lubumbashi.

Dans un compte-rendu lu par le ministre de l’Intérieur, Gilbert Kankonde Malamba, on apprendra notamment que le chef du gouvernement « a insisté pour que toutes les responsabilités soient déterminées et que la justice soit appliquée sans faille à l’égard des auteurs, co-auteurs et complices de ces actes ». Interdiction de rire.

LA CHASSE AU « CAS SUSPECT »

Le « Premier » Ilunga serait-il un sacré farceur? Qui oserait lui faire une telle injure? N’empêche. A-t-il déjà oublié la « marche pacifique » effectuée, fin mars dernier, par les mêmes miliciens de « Gédéon » à Lubumbashi, Likasi et Kasumbalesa? A-t-il perdu de vue que tous les services chargés de la sécurité et du maintien de l’ordre furent pris au dépourvu? Six mois après, le constat est là: les responsabilités n’ont jamais été établies. A-t-il oublié que, début avril, le président Felix Tshisekedi avait instruit le conseil des ministres de « traquer » le fugitif « Gédéon » qui s’était « évaporé » de la villa qu’il occupait au Quartier Golf? Quel est le résultat de cette « poursuite »?

A Lubumbashi, le gouverneur Jacques Kyabula Katwe semblait, tout aussi apathique que les responsables provinciaux de l’armée, la police et les services de renseignements civils et militaires. Réagissant après coup, le chef de l’exécutif provincial a littéralement légalisé la « délation » en invitant les Lushois à « dénoncer tout cas suspect ». Il a été bien incapable d’expliquer comment trois cent « ploucs » armés, accompagnés de femmes et enfants, ont pu parcourir plusieurs kilomètres dans les rues de la deuxième ville du pays. Sans être repérés.

Le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba

Les Congolais ont encore frais en mémoire les récentes vociférations du « député national » Felix Kabange Numbi en présence d’un gouverneur du Haut-Katanga impassible. « Chacun a un chez soi, ici dans l’espace Katanga c’est Joseph Kabila Kabange. (…)« . Dans cette logique, s’interrogeaient des observateurs, ne faudrait-il pas rebaptisée le Fcc en « Front commun pour le Katanga »? Les mêmes observateurs se disent atterrés par le silence complice de Kyabula devant ces « cris » qui heurtent le troisième alinéa de l’article 63 de la Constitution: « Toute autorité  nationale, provinciale, locale et coutumière a le devoir de sauvegarder l’unité de la République et l’intégrité de son territoire, sous peine de haute trahison ».

LE DOUBLE JEU PERMANENT DE « KABILA »

Depuis son accession à la tête de l’Etat congolais, le 26 janvier 2001, jusqu’à son « vrai-faux » départ le 24 janvier 2019, Joseph Kabila n’a cessé de mener un double jeu permanent dans ses relations avec les « rébellions » pro-rwandaises qui déstabilisent l’Est du pays. C’est le cas du RCD (Rassemble congolais pour la démocratie) dirigé par Azarias Ruberwa. Sans oublier le CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) fondé en 2008 par Laurent Nkunda et le M23 né en avril 2012.

Qui aurait pu imaginer que le CNDP – après avoir fait couler du sang congolais notamment à Mushake, au Nord-Kivu, allait recevoir un « certificat de respectabilité » sous la forme d’adhésion dans l’ex-Amp (Alliance de la majorité présidentielle)? C’était le 13 décembre 2010. John Numbi Banza, alors inspecteur général de la police nationale, fut chargé de convoyer la délégation de ce mouvement au ministère de l’Intérieur pour accomplir les formalités d’agrément. Un certain Jean-Marie Runiga, en tête. Les « pistoleros », sans foi ni loi, qui sévissaient à l’Est sont devenus par la volonté de « Kabila » des respectables militants politiques. Bonjour l’impunité! Un défi lancé au peuple congolais.

Coup de théâtre. En avril 2012, une nouvelle « rébellion » pro-rwandaise voit le jour. Son nom: « M23 ». Au mois de juin, le CNDP fait défection de la « majorité présidentielle ». Il rejoint le « M23 » qui est dirigé par… Jean-Marie Runiga. Preuve s’il en était besoin que le CNDP et le M23, c’est bonnet blanc et blanc bonnet.

Investiture de « Joseph Kabila » le 26 janvier 2001

Dans une interview accordée au quotidien bruxellois « Le Soir », en juin 2013, le colonel rwandais Patrick Karegeya, ancien patron des « services » de Paul Kagame est passé aux aveux en affirmant que le CNDP et le M23 ont été créés par le maître de Kigali. A en croire l’ex-chef espion, qui sera assassiné en janvier 2014 à Jo’bourg, « Kagame était à la manette ». « Joseph Kabila » pouvait-il l’ignorer?

Il est clair que le RCD-Goma, le CNDP et le M23 ont mené une « guerre par procuration » pour le compte du Rwanda. Leurs cibles avaient un nom: les « forces négatives ». Entendez: les Hutus rwandais refugiés au Congo-Kinshasa. Peu importe qu’il s’agisse des FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda) ou pas. La présence du RCD-Goma dans les institutions de transition (vice-présidence de la République en charge de la Défense et sécurité) a permis la mise à l’écart des officiers sortis des grandes écoles au profit des « officiers », sortis de nulle part, aux grades obtenus par génération spontanée.

Le 30 novembre 2018, les Congolais sont allés aux urnes. A la surprise générale, l’ancienne majorité est restée dominante dans les deux chambres du Parlement. Les « partisans » de l’ex-président Kabila contrôlent toujours les organes délibérants tant au niveau national que provincial. Ils sont majoritaires au gouvernement national.

Au moment de boucler ces lignes, un coup de fil retenti. Après un échange sur le sujet traité, notre correspondant de lancer ces mots: « Du 26 janvier 2001 au 24 janvier 2019, les affaires de notre pays ont été régentées depuis Kigali. Joseph Kabila n’a été qu’un homme de paille du président Paul Kagame. Durant dix-huit ans, l’ex-raïs menait un double jeu. Il faisait mine de défendre les intérêts du Congo alors que sa véritable mission consistait à maintenir ce beau pays à genoux ».

Et de conclure: « Notre peuple a tort de faire preuve d’économie de son soutien à Felix Tshisekedi. Fatshi ne réussira pas à imprimer sans le concours de toutes les forces politiques pour neutraliser cette espèce de pieuvre. Nous devons l’aider à déboulonner le système mafieux qui a pris le pays en otage. Je suis prêt à parier avec vous: aussi longtemps que Kabila ne sera pas neutraliser, il sera difficile de changer la situation de notre pays… ».

 

B.A.W.

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