Le Congo-Kinshasa est « malade » des « informations » fallacieuses ou imaginaires déversées dans les médias sociaux. C’est le cas notamment de Facebook, WhatsApp et Twitter. Les auteurs de ces écrits s’improvisent « journalistes » sans observer la déontologie ou l’éthique de l’information. Certains écrits visent à déconsidérer les gouvernants.
« Babotoli minduki nionso ya Kabila na Kingakati ». C’est le titre accrocheur publié récemment à la « Une » d’un média congolais en ligne qui se reconnaîtra en ce mois de juillet finissant. Traduction: « On a récupéré toutes les armes entreposées à la ferme de ‘Joseph Kabila’ à Kingakati « .
Selon cette « publication », l’opération de « désarmement » aurait eu lieu vers 4 heures du matin sous le commandement du chef d’état-major général de l’armée. « (…), l’armée a lancé un assaut à Kingakati vers 4 heures. Et, le site a été totalement désarmé avec des fortes détonations qui ont été entendues dans toute la zone Nord de Kinshasa », peut-on lire. « Faux! », l’armée congolaise n’a lancé aucun « assaut » au « ranch » de l’ex-Président congolais. Aucune détonation n’a été entendue dans les environs de Kingakati. On navigue en plein fantasme.
Selon une source bien informée, « on » a réduit l’effectif des gardes à Kingakati et « retiré quelques armes ». La loi portant statut d’anciens chefs d’Etat a prévu une vingtaine de policiers pour assurer la protection rapprochée et la garde de la résidence du concerné. Dix-huit mois après la passation de pouvoir avec son successeur Felix Tshisekedi, « Joseph Kabila » continue à s’afficher avec des militaires, armés jusqu’aux dents, appartenant à l’ancienne « garde présidentielle » rebaptisée « Garde républicaine ». Nul ne sait le nombre exact d’armes et de munitions détenues par l’ex-numéro un Congolais. « Des policiers appartenant à l’unité chargée de la garde des VIP seront bientôt affectés à Kingakati », assure la source.
FAKE NEWS A GOGO
Dans les mêmes circonstances de temps, un Tweet est diffusé sur les réseaux sociaux. Le texte est précédé du mot « urgent » écrit en majuscule et en gras. « La décision a été dure à prendre mais devant les faits, le raïs Kabila vient d’instruire le gouvernement issu de sa majorité à démissionner. Le Premier ministre s’apprête déjà à déposer sa démission le plutôt possible », lit-on. « Faux! » Cette « information » a été démentie par la présence du « Premier » Sylvestre Ilunga Ilunkamba à la réunion du conseil des ministres, du vendredi 31 juillet, présidée par Felix Tshisekedi. A en croire, le ministre de la Communication et des médias, David-Jolino Diwampovesa Makelele, les deux têtes de l’Exécutif auraient aplani leur « différend » né à la suite des récentes ordonnances du Président de la République. Du fake news à gogo.
« Joseph Kabila » et son clan sont loin d’être les seules « victimes » des apprenti-sorciers du journalisme qui écument les médias sociaux.
Sous le titre « Denise Nyakeru première dame au cœur d’un scandale immobilier », un média en ligne – qui se reconnaîtra également – rapporte, dans un style fort laborieux, dans son édition datée du 25 juillet dernier, que l’épouse du chef de l’Etat était sur le point d’acheter « l’immeuble ex-Plastica » situé dans la commune de la Gombe. Et ce avec la « complicité » de Pius Muabilu et André Lite, respectivement ministre de l’Urbanisme et ministre des Droits humains. A en croire l’auteur de cet « article », le ministre Lite, membre du CCU de Lambert Omalanga, ferait des pieds et des mains pour « se rapprocher » du couple Tshisekedi. « C’est un tissu de mensonges cousus de fils rouges ». Qui parle? Un proche de « Fatshi » que l’auteur de ces lignes a pu joindre vendredi soir: « Donnez-moi le nom de l’auteur de ce torchon. Si Felix Tshisekedi apprenait l’existence de cet écrit mensonger et malveillant à l’égard de sa famille, il n’hésitera à traîner en justice l’auteur de cet écrit qui sera bien incapable de fournir le moindre début de preuve de ses assertions ».
Depuis belle lurette, n’importe quel individu muni d’une caméra peut s’improviser « journaliste » en diffusant des reportages filmés pompeusement appelés « analyses ». On semble oublier qu’un analyste n’est nullement un prophète. Il doit décrypter des faits.
Lâches, les auteurs de ce genre de prose empruntent des pseudonymes ou restent anonymes. S’il est vrai que le journalisme est un des rares métiers qui ne requièrent aucun diplôme spécifique, il n’en demeure pas moins vrai qu’à l’instar du monde médical, le monde médiatique est régi par une déontologie. Une éthique. Tout individu qui s’hasarde sur le terrain journalistique est tenu d’observer quelques valeurs.
On citer notamment: le respect de la vérité et de la vie privée des personnes, l’obligation de ne publier que les informations dont la source est connue, l’interdiction du plagiat, de la calomnie et la diffamation. On pourrait ajouter l’obligation de ne pas confondre le métier de journaliste avec celui d’un agent publicitaire. La liste n’est pas exhaustive.
SUSCITER LE MÉPRIS ET DÉMORALISER LES CITOYENS
Pour boucler la boucle, mercredi 29 juillet, on apprenait que la BCC (Banque centrale du Congo) a démenti l’existence d’une lettre que le gouverneur Déo Mutombo Mwana Nyembo aurait adressée au chef de l’Etat pour lui dire tout le mal qu’il pense des « sorties intempestives des fonds ». « L’Institut d’émission apporte(…)un démenti formel quant à l’authenticité de ladite lettre attribuée faussement au gouverneur, laquelle comporte sa signature ».
De quoi s’agit-il?
Il s’agit d’une lettre datée du 27 juillet attribuée au gouverneur de la BCC. Le destinataire serait le Président de la République. La correspondance est revêtue de la signature de Déo Mutombo et du cachet sec. Objet: « sorties intempestives des fonds ».
On peut y lire qu’au cours des mois d’avril et de juin, les sommes de 567.000 $, 875.400 $ et 564.987 $ ont été sorties du Trésor public « en votre nom ».
Sur un ton irrévérencieux, le « gouverneur de la BCC » se serait permis de « faire remarquer » au Président de la République que « ces sorties intempestives des fonds publics sont susceptibles de mettre en mal l’équilibre macroéconomique et affecte gravement les réserves de change d’autant plus qu’aucune raison ne justifie de telles sorties des fonds en cette période de la Pandemie de la Covid-19 ». « Par ailleurs, je me fais le devoir de vous faire remarquer que ces sorties de fonds sont en totale contradiction avec toutes les procédures de sollicitation en la matière appliquées depuis des décennies entre la Banque centrale et la Présidence de la République »
Contrairement aux « articles » cités précédemment, cette fausse lettre attribuée au gouverneur Déo Mutombo de la Banque Centrale du Congo ne prête pas à sourire. Bien au contraire. Elle présente toutes les caractéristiques d’un travail réalisé par des « professionnels de la subversion ». La subversion vise à réduire l’adversaire à merci en organisant autour de lui du mépris. L’objectif ultime est de démoraliser les citoyens. A qui profite le crime?
Baudouin Amba Wetshi