Le facilitateur Edem Kodjo a inauguré mardi 23 août les travaux du Comité préparatoire du « Dialogue politique national ».
Dans son allocution, l’ancien Premier ministre togolais a implicitement reconnu voire regretté que l’épithète « inclusif » ne soit pas encore de mise du fait de l’absence d’une partie des représentants des forces politiques et sociales de l’opposition. Il garde sa main tendue.
On le sait, le « Rassemblement des Forces politiques et sociales acquises au changement » a posé des préalables qui sont loin d’être satisfaits. La libération des prisonniers politiques et d’opinion en fait partie. Sans omettre, le respect de la Constitution et des délais légaux.
Selon Kodjo, le forum en préparation aura pour thème central « l’organisation d’élections pacifiques, crédibles et transparentes ». Et ce conformément à la Constitution congolaise et à la Résolution 2277 du 30 mars 2016 du Conseil de sécurité des Nations unies. Il a souligné la nécessité pour le Congo-Kinshasa de « vivre en paix ».
Des observateurs de la politique congolaise redoutent que ces assises ne soient nullement différentes des « Concertations nationales » organisées en 2013 afin de « consolider la cohésion nationale ». Et ce aussi longtemps qu’on n’osera pas identifier et sanctionner celui qui menace la paix et handicape le bon fonctionnement des institutions.
C’est connu, l’homme est un animal social. Il doit constamment échanger avec ses semblables. Le dialogue est donc nécessaire pour promouvoir une société où règne une vie collective harmonieuse. Une vie collective où les différends sont réglés non pas à coup d’armes automatiques mais par la recherche permanente du compromis.
Depuis son accession à la tête de l’Etat congolais, il y a bientôt seize ans, « Joseph Kabila » n’a pas habitué les Congolais à la culture du dialogue. Bien au contraire. Ancien rebelle, l’homme ne semble comprendre que le langage de la force brutale. Jean-Pierre Bemba Gombo, les adeptes de l’ex- mouvement religieux Bundu dia Kongo et ceux de Joseph Mukungubila en savent quelque chose.
« Joseph Kabila » ne dialogue qu’avec ceux qui lui résistent. L’arme à la main. On l’a vu avec le CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) de Laurent Nkunda. On l’a vu également avec les combattants du M23.
Nkunda a pu arracher les mixages et autres brassages ayant permis à ses hommes, sortis de nulle part, d’intégrer l’armée congolaise. Le M23 a forcé « Kabila » à envoyer ses délégués à la table de négociation à Kampala, en Ouganda. Les opposants non-armés, eux, sont traités avec condescendance.
Dans son ouvrage « L’art du silence » publié chez Albin Michel, Anselm Grün écrit notamment: « Quand on dénigre quelqu’un, on ne peut pas engager de discussion avec lui »; « Quand quelqu’un cherche à se montrer supérieur aux autres, on ne se sent pas l’envie d’engager la discussion avec lui » (P.39).
Il est bien curieux d’entendre des bonzes de la majorité présidentielle découvrir sur le tard les vertus du dialogue. « Le dialogue fait partie de notre ADN », disent certains. « Le dialogue est la respiration même de la démocratie », a déclaré récemment Théodore Mugalu, chef de la maison civile de « Joseph Kabila ».
Un Etat dont les institutions fonctionnent normalement n’a pas besoin de « solution consensuelle ». Toute recherche de consensus vise à contourner l’ordre institutionnel; à contourner le Parlement qui est le cadre désigné de débat.
Il va sans dire qu’Edem Kodjo ne dit pas la vérité lorsqu’il annonce que le dialogue en préparation sera mené conformément à la Constitution congolaise et à la Résolution 2277 du 30 mars 2016 du Conseil de sécurité des Nations unies.
Lors de son entrevue avec les activistes de la Lucha (Lutte pour le Changement) à Goma, le locataire du Palais de la nation – bien qu’inéligible – leur a dit « l’importance de commencer le cycle électoral par les élections locales, car le développement vient de la base ». Les entourloupettes continuent.
Il faut être un parfait naïf pour croire que le dialogue en gestation sera différent des « Concertations nationales » dont les recommandations ont été passées par pertes et profits par son initiateur. « Joseph Kabila » risque de trouver cette fois un peuple debout pour lui dire deux mots: « ça suffit! »
Baudouin Amba Wetshi