« C’est le dialogue ou la guerre! »; « Nous ne sommes pas prêts à abandonner le pouvoir à n’importe qui. (…), le président restera en fonction, comme l’a rappelé la Cour constitutionnelle »; « Sans compromis au cours de ce dialogue, il y aura un échec qui va présager une crise majeure ».
Ces déclarations émanent respectivement de Henri Mova Sakanyi, secrétaire général du parti dominant PPRD, Zoé « Kabila » et Azarias Ruberwa, président de l’ex-rébellion pro-rwandaise et ancien vice-président de la République sous le régime de « Transition 1+4 ».
Depuis jeudi 1er septembre, l’ex-Cité de l’OUA – construite aux premières années du régime Mobutu pour abriter le sommet de la future Union Africaine en 1967 – sert de cadre aux travaux du « dialogue politique national inclusif » convoqué le 28 novembre dernier par « Joseph Kabila ».
Officiellement, l’objectif de ces assises est d’élaborer de « manière consensuelle » le calendrier des prochaines consultations politiques. Et ce en vue de la tenue « des élections libres et transparentes dans un climat apaisé », ont répété en chœur les différents intervenants lors de la cérémonie inaugurale.
Personne n’ose fournir aux Congolais la réponse à deux questions qui ne manquent pas d’intérêt: Pourquoi les élections organisées en 2006 et 2011 n’ont-elles pas été précédées par un forum analogue à celui qui se déroule à Kinshasa? Pourquoi un « dialogue » devient subitement impérieux entre les représentants de l’opposition et ceux de la majorité au pouvoir alors que « l’autorité morale », de celle-ci en l’occurrence « Joseph Kabila » est fin mandat. Il sera frappé d’inéligibilité après le 19 décembre prochain?
En dépit de son mutisme fracassant, « Joseph Kabila » n’a jamais fait mystère de son « désir » de rempiler en contournant l’article 70 de la Constitution qui stipule, sans ambiguïté, que « le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois ».
Lors de la promulgation de l’actuelle Charte suprême, le 18 février 2006, « Joseph Kabila » déclarait avec emphase que l’entrée en vigueur de ce texte mettait fin au « poto poto » politique ayant secoué l’ex-Zaïre depuis le mois d’août 1998 au profit des détenteurs de la Kalachnikov, autrement dit les anciens seigneurs de la guerre.
Le 18 février 2006, d’aucuns avaient cru – à tort – assister à l’avènement d’un ordre politique nouveau. Un ordre politique fondé sur le principe de la bonne gouvernance qui a notamment pour piliers l’obligation de rendre compte, la transparence et surtout la primauté du droit.
Lors de ses investitures successives le 9 décembre 2006 et le 20 décembre 2011, « Joseph Kabila » avait « juré solennellement devant Dieu et la nation » notamment « d’observer et de défendre la Constitution et les lois de la République ». Quid de cette profession?
Les alinéas 2 et 3 de l’article 69 de la Constitution précisent que le Président de la République « veille au respect de la Constitution » et « assure par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions ainsi que la continuité de l’Etat. (…) ».
Compte tenu des élections chaotiques du 28 novembre 2011, la « communauté internationale » n’avait pas manqué d’encourager les dirigeants congolais à promouvoir notamment la « tolérance, la démocratisation et la réconciliation nationale » dans le cadre de l’Accord de paix signé le 24 février 2013 à Addis-Abeba. Logiquement, un « dialogue politique » aurait dû se tenir dès cette année-là.
Tous les observateurs impartiaux conviennent que depuis le mois de juin 2013, – date de la publication de l’ouvrage « Entre la révision de la Constitution et l’inanition de la nation » d’Evariste Boshab, alors secrétaire général du PPRD – « Joseph Kabila » ne faisait plus mystère de sa volonté de se succéder à lui-même. Le livre du « professeur » Boshab tenait lieu de ballon d’essai destiné à tester la capacité d’indignation des Congolais.
Les mêmes observateurs conviennent également que l’actuel locataire du Palais de la nation a, en toute connaissance de cause, bloqué le processus électoral en privant la CENI (Commission électorale nationale indépendante) des moyens d’action.
En février 2016, le président de la CENI a prétendu qu’il avait besoin de 16 mois pour apprêter le fichier électoral. Et pourtant, le second et dernier mandat du Président de la République en exercice expire le 19 décembre prochain. A partir de cette date, l’homme perd ce que les juristes appellent la « compétence temporelle ». C’est-à-dire le pouvoir de commander et de se faire obéir.
En lançant l’idée de la tenue d’un dialogue à partir du mois de mai 2015 alors qu’il ne sera plus éligible l’année suivante, « Joseph Kabila » avouait sa volonté de contourner l’interdit constitutionnel. Il est connu que la finalité de ce forum est de conclure par « consensus » un « accord politique » donnant lieu à un « partage équitable et équilibré » du pouvoir. C’est le retour à la « recréation » dénoncée jadis par « Kabila ».
En recourant au « consensus politique » comme mode de décision pour pérenniser sa présence à la tête de l’Etat, « Joseph Kabila » a violé la Constitution. Il a fait preuve de déloyauté par rapport à son serment.
L’épithète « loyal » signifie « qui obéit aux lois de la droiture ». La loyauté, elle, est synonyme de bonne foi et de l’honnêteté. La déloyauté a pour synonyme la fourberie, la duplicité et la mauvaise foi.
Le « dialogue politique » qui se tient à la Cité de l’Union Africaine vient confirmer que le Congo-Kinshasa est dirigé depuis quinze ans non seulement par un dictateur mais surtout par un tricheur impénitent. Sous d’autres cieux, l’homme devait être destitué et non se faire octroyer un « compromis politique » aux allures de prime à la déloyauté…
Baudouin Amba Wetshi