Vous avez dit « nouvelle citoyenneté »?

A quelques 45 jours de la fin du second et dernier mandat de « Joseph Kabila », le pouvoir en place paraît de plus en plus nerveux à l’égard de tous les citoyens qui osent rappeler au président sortant d’honorer sa promesse faite le 20 décembre 2011, « devant Dieu et la nation », notamment « d’observer et de défendre la Constitution et les lois de la République ». Malgré la répression de plus en plus sanglante, la contestation prend chaque jour de l’ampleur face à un régime agonisant.

« CARTON JAUNE »

A Kalemie, province de Tanganyika, le jeune Nathan Mugisho a été arrêté le mercredi 19 octobre dernier par des agents de l’ANR (Agence nationale de renseignements). Motif: exhibition d’un « carton jaune ». Une infraction imaginaire.

En fait, l’ANR est détournée de sa noble mission qui consiste à surveiller les menaces qui planent sur la sécurité nationale. Elle est réduite au rang d’une « police politique ». La police politique d’un régime despotique qui a failli non seulement au plan sécuritaire mais aussi politique, économique et social.

Le carton jaune symbole désormais le « préavis de fin de bail » signifié à « Joseph Kabila » dont le second et dernier mandat expire le 19 décembre prochain. L’arrestation de Nathan Mugisho pour le fait précité est purement et simplement arbitraire.

A Lubumbashi, l’abbé Joseph Mulimbi Nguli, 52 ans, a été abattu dans la soirée de vendredi 21 octobre par des inconnus cagoulés, armés de Kalachnikovs (AK47). Des inconnus bien renseignés, qui s’étaient embusqués au domicile de la famille du défunt.

Comme pour orienter l’enquête, le patron de la police du Haut Katanga, le « général » Bosco Galenga – qui se prend pour le « lieutenant Colombo » de la série américaine bien connue – considère que le prêtre a été victime d’un « règlement de compte ». Règlement de comptes entre religieux?

Des voix s’élèvent déjà pour signaler que le défunt ne ratait pas l’occasion de prêcher le « respect de la Constitution » dans ses homélies. Et si ce fait était une piste devant conduire au mobile du crime?

RESPECT DE LA CONSTITUTION

Le même vendredi, douze activistes du groupe de pression « Lutte pour le Changement » (Lucha) dont une femme ont été arrêtés à Kinshasa par des policiers. Il leur est reproché d’avoir brandi des calicots sur lesquels on pouvait lire: « Nous voulons l’alternance le 19 décembre 2016 »; « Nous contestons les accords issus du dialogue ».

A Goma, six militants de la « Lucha » ont été interpellés lundi 24 octobre aux alentours de l’institut supérieur de commerce. Ils préparaient des sit-in pour les 26 et 27 octobre. But: protester contre l’accord politique qu’ils considèrent comme un « coup de force constitutionnel ». L’article 17 de cet accord stipule notamment que « (…), le président de la République en exercice reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu ». Les activistes de la Lucha voulaient également remettre un mémo à la représentation diplomatique de l’Union Africaine.

Lors de son allocution d’investiture le 20 décembre 2011, « Joseph Kabila » lançait un nouveau « projet de société » dénommé la « Révolution de la modernité ». « Ce projet, dira-t-il, vise à faire de la République Démocratique du Congo, un pool d’intelligence et de savoir-faire, un vivier de la nouvelle citoyenneté (…) ». Le mot est lâché.

« Joseph Kabila » n’a jamais défini ce qu’il entendait par « citoyenneté ». Mêmement en ce qui concerne la « nouvelle citoyenneté ». Il n’a jamais non plus évoqué l' »ancienne citoyenneté ». Le chef de l’Etat congolais est connu pour sa capacité à réciter, comme un bon écolier, tous les termes qui flattent l’oreille que ses scribes mentionnent dans ses harangues.

Selon certains chantres de ce slogan – c’est le cas notamment d’un certain Didier Ekwi Anta, coordonnateur de la cellule technique chargée de la mise en œuvre de l’initiative à la citoyenneté -, la « nouvelle citoyenneté » serait « un ensemble de valeurs pour être un bon citoyen ».

Dans une intervention en date du 19 juin 2015 sur Radio Okapi, l’homme de citer notamment: la rigueur, la responsabilité, l’honnêteté, la courtoisie, la ponctualité, la compétence, la loyauté etc. Tout ça pour ça?

CITOYENNETE ET PARTICIPATION

C’est quoi donc la citoyenneté? Pour les juristes, la citoyenneté renvoie au vocable citoyen qui signifie un individu qui jouit, sur le territoire de l’Etat dont il relève, des droits civils et politiques.

Les politologues, eux, vont plus loin. Pour eux, dans un régime démocratique, la citoyenneté est un ensemble des droits et des devoirs des citoyens qui en tant que membre de la communauté politique, sont habilités à participer aux affaires publiques dont la possibilité de s’exprimer publiquement.

Il est clair que la véritable citoyenneté est indissociable avec la participation du citoyen dans la conduite des affaires publiques. Il ne peut y avoir de participation sans la possibilité d’exercer les libertés individuelles. A savoir notamment: s’exprimer (critiquer), se réunir, aller et venir. Sans omettre la liberté de culte.

La véritable citoyenneté ne consiste-t-elle pas au droit des gouvernés à exiger finalement la reddition de comptes et à « virer » les gouvernants au bilan désastreux?

Les citoyens congolais, aux quatre coins du pays, jouissent du droit souverain de critiquer leurs gouvernants et de les sommer à tenir leurs promesses. Est-ce un crime de rappeler à « Joseph Kabila » son engagement solennel pris le 20 décembre 2011 « d’observer et de défendre la Constitution et les lois de la République »? Quel est l’article du code pénal qui érige ce fait en infraction?

 

Baudouin Amba Wetshi

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