Près de dix-huit mois après son investiture à la tête de l’Etat congolais, Felix Tshisekedi Tshilombo est arrivé dimanche 5 juillet à Bruxelles où il entame un « séjour privé » d’une dizaine de jours.
Le président Felix Tshisekedi Tshilombo a entamé, dimanche 5 juillet, un séjour privé en Belgique, pays qu’il considère comme « mon autre Congo » (interview du 22.9.2019 accordée à TV5 Monde) pour y avoir résidé durant près de 35 ans. L’homme vient de souffler sa cinquante-septième bougie.
En 1977, le démocrate-chrétien flamand Renaat Van Eslande, alors ministre belge des Affaires étrangères, déclarait ces mots: « La Belgique est historiquement chez elle au Zaïre ». Sans complexe d’ancien colonisé, on peut dire que « Felix » – qui a foulé le sol belge en 1985 avant de reprendre définitivement le chemin du pays qui l’a vu naître en novembre 2018 – ne dit pas autre chose. Il se sent comme un « poisson dans l’eau » au pays cher au Roi Philippe. « Sans avoir la nationalité belge, je me sens chez moi en Belgique », soulignait-il dans l’entretien précité.
Quoique privée, la visite du chef de l’Etat congolais en Belgique va susciter au moins une question: Que vient-il faire? Fait de chair et de sang, « Fatshi » est et reste un être humain. Il ne manquera pas de profiter de ce déplacement pour faire un « bilan de santé ». Et ce après dix-huit mois de « stress » et de « tension ». Ne dit-on pas que le pouvoir use? Il ne manquera pas également de s’entretenir « en privé » avec divers officiels tant belges qu’européens. Et pourquoi pas occidentaux? Depuis mars dernier, la pandémie Covid-19 n’a pas peu contribué au « confinement » des contacts au plus haut niveau des Etats.
« Felix » a quitté Kinshasa au moment où la coalition au pouvoir Cach-Fcc traverse – une fois de plus – une forte zone de turbulence. On pourrait citer: l’éviction de Jean-Marc Kabund-a-Kabund de la 1ere vice-présidence de l’Assemblée nationale, les trois propositions de lois initiées par les députés nationaux Aubin Minaku et Garry Sakata, la brève interpellation du ministre de la Justice Célestin Tunda Ya Kasende suivie par le communiqué rageur du Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba. Ce n’est pas tout.
LE POIDS DU DEAL FCC-CACH
Lors de son message à la Nation prononcé, lundi 29 juin, « Felix » a eu des mots très durs à l’encontre des professionnels de la politique de son pays qu’il a comparé à une « mafia ». Suivez son regard. De manière moins allusive, il n’a pas été tendre à l’égard de ses alliés regroupés au sein de la mouvance kabiliste dite « Front commun pour le Congo ». Il a, à cette occasion, clamé haut et fort, sa résolution de n’accepter « sous aucun prétexte » des « réformes » ayant pour finalité de saper l’indépendance du Pouvoir judiciaire. « Ce n’est pas la première fois que Felix Tshisekedi bombe le torse avant de se dégonfler. Depuis le 24 janvier 2019, il fait un pas en avant suivi de deux pas en arrière sous le poids du deal conclu avec Joseph Kabila », ironisent des observateurs.
Les mêmes observateurs assurent que « Fatshi » aura bien du mal à matérialiser sa promesse faite dans son message du 14 décembre 2019 selon laquelle « 2020 sera l’année de l’action ». « Il ne reste plus que cinq mois pour atteindre décembre. Le Fcc parait décidé à paralyser toutes les actions du Président de la République jusqu’à la fin du quinquennat », ajoutent-ils.
Les « Fatshistes », eux, soutiennent le contraire: « Felix Tshisekedi a l’air d’un naïf. En réalité, c’est un faux naïf. Il est très avenant mais il sait aussi être méchant. Il pourrait surprendre tous ceux qui le minimisent. C’est un belliqueux ».
Samedi 4 juillet, des organisations de la société civile ont organisé une manifestation de protestation contre le choix porté en la personne de Ronsard Malonda, secrétaire exécutif à la Ceni (Commission électorale nationale indépendante), de succéder au « célébrissime » Corneille Nangaa à la présidence de cette autre institution d’appui à la démocratie.
Des députés appartenant à l’opposition accusent la présidente de l’Assemblée nationale d’avoir soumis le « cas Malonda » au débat de la plénière en violation du règlement d’ordre intérieur de la Chambre basse du Parlement. Selon eux, la question n’était pas inscrite à l’ordre du jour.
LE CLONE DE NANGAA
Pour les protestataires du 4 juillet, « Ronsard » n’est ni plus ni moins que le « clone » de Nangaa, Pour eux, ne pas réagir équivaudrait à laisser l’ex-président « Joseph Kabila » replanter le décor de la tricherie pour les élections générales de 2023. L’homme rêve d’une « Présidence à vie ».
Contre toute attente, l’UDPS a joint sa voix. Le parti présidentiel a annoncé l’organisation d’une marche le 9 juillet. L’objectif est de barrer la route à ceux qui cherchent à éluder l’audit ainsi que les réformes à opérer au sein de ladite Commission avant de décrire le profil du futur Président.
Lors du Conseil des ministres qu’il a présidé le vendredi 3 juillet, le chef de l’Etat a insisté sur le « consensus » qui devrait caractériser la désignation du remplaçant du président sortant de la Ceni. Un consensus qui est loin de régner au sein des confessions religieuses.
Depuis son accession à la tête de l’Etat congolais, le président Felix Tshisekedi Tshilombo a insufflé un « vent d’apaisement » dans les relations entre le Congo-Kinshasa et le monde occidental en général et la Belgique en particulier.
LES « PROFONDS REGRETS » DU ROI PHILIPPE
Au moment où il foule le sol belge, « Fatshi » trouve les anticolonialistes et les anti-esclavagistes de la terre entière vent debout contre certains monuments qui rappellent, à leurs yeux, les atrocités commises durant la traite des esclaves et l’époque coloniale. C’est l’onde de choc provoqué par le meurtre de l’Afro-Américain Georges Floyd par un policier blanc.
A l’occasion de la commémoration du 60ème anniversaire de la proclamation de l’indépendance du Congo, le Roi Philippe a exprimé ses « plus profonds regrets » pour les « actes de violences » commis non seulement sous l’Etat indépendant du Congo de Léopold II mais aussi sous le régime colonial belge. D’aucuns estiment, à tort ou à raison, que le Roi des Belges devrait présenter des « excuses ». Des excuses suivies par la « réparation ».
Loin d’appeler au « déboulonnage » du monument du Roi Léopold II à Bruxelles, « Felix » préfère jouer la carte de la modération. Pour lui, il faut que « notre histoire commune avec la Belgique et son peuple, soit racontée » aux enfants des deux pays « sur la base d’un travail scientifique réalisé par les historiens des deux pays ».
Pour lui, « le plus important pour l’avenir, c’est de bâtir des relations harmonieuses avec la Belgique parce qu’au-delà des stigmates de l’histoire, les deux peuples ont su construire une relation forte » qu’il a pu « vivre personnellement ». Et ce durant les années d’exil passées au Royaume. Selon des informations parcellaires, « Felix » pourrait passer une dizaine de jours sur le sol belge.
Au moment de boucler ce « papier », on apprenait que Martin Fayulu Madidi dit avoir « pardonné » tout le mal (c’est nous qui l’ajoutons) qu’on lui a fait lors de la présidentielle du 30 décembre 2018. « Je ne vais pas rester dans le passé, je suis dans l’avenir », a-t-il déclaré au cours d’un point de presse samedi 4 juillet depuis les Etats-Unis…
Baudouin Amba Wetshi