Dans son édition datée du 8 juillet 2016, le quotidien populaire allemand « Bild » annonçait, dans une brève, le décès survenu « dans sa province du Maniema » de la « princesse » Odette Maniema Krempin. Seize mois après, personne n’a vu la moindre photo ou image des obsèques. Ancien consul honoraire du Congo-Kinshasa à Franckfort, « Odette » a défrayé la chronique suite notamment à la disparition de son compagnon belge Stephan De Witte. Comptable-fiscaliste, celui-ci était envoyé à Kin pour le compte de la société italo-suisse « Duferco ». Dans le cadre de son émission « Devoir d’enquête », la télévision publique belge francophone (RTBF) avait diffusé le 6 janvier 2016 une émission sur cette affaire. Après avoir visionné ce documentaire de la RTBF sur les réseaux sociaux, une compatriote congolaise est littéralement « tombée de sa chaise ». C’est ainsi qu’elle a contacté la rédaction de Congo Indépendant. Après des échanges par SMS, rendez-vous est pris pour le samedi 25 novembre à 15 heures dans une ville flamande.
La source dont question est native du Katanga. Elle a insisté pour parler sous l’anonymat en donnant uniquement son prénom: « Véronique ». Selon ses propres dires, elle a vécu dans les années 90 à Dosso, au Niger. C’est dans cette ville qu’elle dit avoir fait connaissance de Madame Odette Maniema Krempin. Cette dernière et son mari, de nationalité allemande, vivaient à Maradi, ville située à 500 kilomètres de Dosso.
Notre interlocutrice raconte: « C’est en 1994 que j’ai rejoint ma sœur ainée à Dosso, une ville nigérienne située à 150 kilomètres de Niamey. Le mari de ma sœur travaillait dans la coopération médicale belge. A Dosso, ma sœur exploitait une auberge dont j’étais la gérante. C’est dans ce cadre que j’ai fait la connaissance de Madame Odette Maniema Krempin dont le mari, de nationalité allemande, travaillait pour le compte du GTZ, une agence de coopération internationale allemande. Le couple avait un enfant qui était encore un nourrisson ».
Selon notre interlocutrice, « Odette » et son mari, Monsieur Krempin, avait pris l’habitude de s’arrêter, à l’aller comme au retour de Niamey, à l’auberge pour se restaurer et souffler un peu. « Au départ, Odette était très peu bavarde. Un jour, elle a engagé une petite conversation en langue swahili avec ma sœur aînée », relate-t-elle.
« FEMME AU FOYER »
Dans plusieurs déclarations à la presse, « Odette » s’est toujours présentée en native du « Grand Kivu », particulièrement de la province du Maniema. En Allemagne, elle avait organisé de levées de fond pour les « orphelins du Kivu ». « Véronique » est catégorique: « Odette n’est pas du tout originaire du Kivu. Elle n’est pas non plus une Congolaise. Elle m’avait ouvertement avoué qu’elle était Rwandaise en précisant qu’elle a vécu un certain moment de sa vie dans l’actuelle province du Maniema. C’est ainsi qu’elle a appris le swahili. J’ai vécu au Niger de 1994 à 2000, suis-je devenue une citoyenne nigérienne parce que je parle un peu le djerma? »
D’après notre source, à Maradi, Odette Maniema Krempin était une « simple femme au foyer ». Elle ne menait aucune activité professionnelle. Pourtant, elle est connue comme une « princesse ». « Au Niger, Odette n’a jamais fait usage d’un quelconque titre princier, martèle notre interlocutrice. Elle n’était que l’épouse de Monsieur Krempin, un Allemand qui semblait de loin plus âgé qu’elle ».
A propos de l’article du « Bild » faisant étant du « décès » de la « princesse », « Véronique » se montre plus que dubitative: « Depuis l’annonce de cette nouvelle, on n’a jamais vu le corps. Il n’y a eu ni photos ni reportage vidéo sur les obsèques. J’ai de la peine à y croire ». C’est ici qu’elle fait appel à des souvenirs enfouis dans sa mémoire. « Odette était une personne très froide et distante. Elle était sournoise et un brin hypocrite et escroc ».
Pourquoi a-t-elle décidé de s’exprimer maintenant sur la « princesse »? « C’est parce que j’ai découvert par hasard l’enquête de la RTBF, fait-elle remarquer. J’ai été stupéfaite d’apprendre que cette dame a roulé la terre entière dans la farine en s’affublant du titre de princesse alors qu’elle n’en est pas une. J’ai été aussi très affectée par la disparition non-élucidée de son compagnon Stephan De Witte. Je n’ose pas imaginer la douleur des parents de cet homme ».
UNE « MORTE » QUI SE PORTE BIEN?
Au moment de nous quitter, « Véronique » lance sur un ton catégorique: « Je ne crois pas que Madame Maniema Krempin est morte. J’ai la conviction qu’elle vit au Rwanda de Paul Kagame. Elle a tout fait pour faire disparaître Monsieur De Witte afin de garder son argent. Je persiste et signe: Odette n’a jamais été une princesse. Elle est vivante. Elle doit se trouver au Rwanda. Au Niger, elle affirmait qu’elle était une Tutsi rwandaise. D’ailleurs son swahili avait un fort accent propre aux locuteurs du kinyarwanda… ». Quel est l’élément matériel qui lui permet d’être aussi tranchée? Sur le ton de la confidence, elle dit: « Odette m’avait confié qu’elle a connu Monsieur Krempin à Kigali. C’est là-bas qu’ils s‘étaient mariés… ».
Comptable-fiscaliste envoyé au Congo-Kinshasa pour le compte du Groupe sidérurgique italo-suisse « Duferco », le Belge Stephan De Witte avait fait la connaissance de la « princesse Maniema » dans un vol de la compagnie aérienne « Brussels Airlines » sur l’itinéraire Bruxelles-Kinshasa. C’était le début d’une idylle.
Après plusieurs mois de vie commune dans la capitale congolaise, le Belge a disparu depuis le mois de juin 2014. Il a été vu pour la dernière fois au « Jardin Botanique » de Kisantu où il exerçait les fonctions de directeur général aux côtés de la « princesse ». Celle-ci attendra 25 jours avant de déclarer la disparition de son compagnon.
On s’interroge sur le silence assourdissant des autorités judiciaires congolaises. Il en est de même de l’impassibilité des autorités diplomatiques belges. A en croire des sources sécuritaires kinoises, l’Etat congolais n’a jamais été « officiellement saisi » de la disparition du sujet belge Stephan De Witte.
Ancien consul honoraire du Congo-Kinshasa à Franckfort, Odette Maniema Krempin avait des amis puissants à Kinshasa. « Joseph Kabila en tête », dit-on. Question finale: la « princesse » serait-elle une « morte » qui se porterait bien?
Baudouin Amba Wetshi
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