Criminels en col blanc et banquiers: liaisons dangereuses

L’actualité nous montre que les criminels en cols blancs ne se trouvent pas seulement parmi les dirigeants de nos institutions et nos politiciens mais ils abondent également dans les banques.

Dans notre pays, les banques qui se sont développées le plus rapidement au cours des 15 dernières années sont celles qui ont été créées et qui sont dirigées par des commerçants. Elles ont profité du retrait du pays des principales entreprises internationales y compris les banques, soumises à des règles de gouvernance strictes.

Pour les commerçants/banquiers, au départ il s’agissait surtout d’assurer des financements peu coûteux pour leurs propres activités commerciales que les banquiers « traditionnels » hésitent à financer car souvent les pratiques des commerçants sont peu respectueuses des règles et des lois.

La Banque de Kinshasa (BK) dont l’actionnaire principal était Augustin Dokolo a été le précurseur de ces opérations sous Mobutu. La BIAC en est un des successeurs et son actionnaire principal a développé son groupe comme Dokolo en son temps au détriment des petits déposants qui ont perdu leurs avoirs, les gros déposants ont bénéficié de délits d’initiés et ont retiré leurs avoirs avant l’arrêt des activités.

La BCC (Banque Centrale du Congo) et le ministère des Finances, plutôt que de contrôler les banques, dans le meilleur des cas ferment les yeux et souvent sont complices.

A la corruption, l’impunité et la cupidité, devenus la règle, certains banquiers ont ajouté l’ingénierie financière, maillon indispensable aux opérations de grande envergure de nos criminels en col blanc. En facilitant le transfert vers les paradis fiscaux au profit de nombreux dirigeants, politiciens, magistrats etc. ils se croient désormais intouchables.

Ils ne se contentent pas d’être des exécutants, ils sont aussi très créatifs et proposent des opérations qu’ils appellent des »coups » à leurs clients/complices du gouvernement et des entreprises publiques.

C’est ainsi qu’en 2007, la Rawbank a failli mettre la main sur la MIBA par le biais d’un prêt de 11 millions de $US garanti par les titres miniers de la MIBA et dont les conditions de remboursement étaient impossibles à respecter. En effet, le crédit destiné à l’achat d’équipements et accordé au mois de mai étai remboursable en 12 mensualités dès le 25 juin 2007.

Comme prévu, la MIBA n’a pas pu rembourser et le mécanisme de réalisation de la garantie a été enclenché. N’eut été les protestations des syndicats et certains politiciens, probablement oubliés dans le partage du butin, la MIBA ferait maintenant partie du patrimoine des commerçants propriétaires de cette banque.

Par la suite les opérations ont été diversifiées, des centaines de comptes ont été ouverts par des ministères et des entreprises publiques y compris par la BCC, tantôt au nom des institutions tantôt aux noms d’individus avec un flou artistique de mouvements entre comptes. Des prêts à conditions fantaisistes ont été accordés aux institutions. Un prêt de 100 millions de $US a été fait au gouvernement pour rembourser rapidement une dette de montant douteux due aux pétroliers. L’opération comportant des retraits en cash s’élevant à 15 millions de dollars est devenue depuis lors « l’affaire des 15 millions » dans laquelle le banquier aurait gagné plus de 20 millions en intérêts et commissions.

Dans l’affaire du « Programme de 100 jours », il semble qu’il y ait eu des retraits en cash encore plus importants et probablement aussi des profits plus conséquents pour la (ou les) banque(s) concernées.

Avec quelques opérations de ce genre par an, on devient rapidement une des banques les plus importantes du pays.

Si l’affaire des $ 15 millions a été révélée et ensuite enterrée, celle du programme des cent jours continue à défrayer la chronique. Elles ont jeté une lumière crue sur les partenariats complices entre banquiers et autres criminels en col blanc sous le regard bienveillant et peut être la complicité de la BCC et des autres institutions sensées contrôler les banques et leurs clients.

Si ces banques sont devenues des auxiliaires incontournables des grosses opérations prédatrices de nos criminels en col blanc elles en sont aussi le ventre mou. En effet, les opérations bancaires laissent des traces et l’impunité et la cupidité rendent imprudent. Certaines traces deviennent indélébiles.

Tous les complices concernés ont joui jusque récemment d’une totale impunité, les poursuites contre Vital Kamerhe résultant d’une instruction politique et non de l’initiative d’un magistrat.

L’impunité règne en RDC, mais les banques ont des liens internationaux vitaux et des règles à respecter et notamment celles des autorités américaines quand il s’agit d’opérations en $US. Le non-respect de ces règles peut entraîner des sanctions qui peuvent être fatales pour des banques de taille moyenne. Plusieurs banques internationales ont subi des sanctions de plusieurs milliards de $US ces dernières années. En cas de sérieux soupçons, le département du Trésor américain peut diligenter des enquêtes et passer au peigne fin toutes les opérations bancaires.

Selon des amis à Washington, les audits qualifiés destinés à détecter les opérations irrégulières seraient d’une efficacité redoutable et mettraient rapidement à nu un grand nombre d’actes délictuels de nos criminels en col blanc et de leurs auxiliaires.

Comment déclencher une action des autorités américaines?

Par une campagne de lobbying. Auprès de l’ambassadeur Hammer qui a déclaré à maintes reprises que la lutte contre la corruption doit être une priorité et auprès des membres du congrès et auprès d’institutions de la société civile active qui font la promotion de la transparence et de la redevabilité des administrations.

La plateforme « Le Congo n’est pas à vendre (CNPAV) » pourrait jouer un rôle important dans une telle campagne. Elle est en train de s’affirmer comme un acteur important dans la lutte contre la corruption. Par un communiqué du 15 avril, elle vient de lancer une opération de sauvegarde du patrimoine des entreprises publiques et appelle le président de la République et le gouvernement à initier un audit général des entreprises publiques, en particulier celui de la Gécamines compte tenu des nombreuses affaires en suspens.

CNPAV qui compte des membres internationaux qui ont des liens étroits avec les USA pourrait initier une action auprès d’organisations sœurs américaines de lutte contre la corruption comme « Enough », « The Sentry » et « Transparency International » etc. dont plusieurs ont déjà travaillé en RDC.

Ainsi, ce qui au départ était une opération politique téléguidée et précipitée pourrait, par les preuves accablantes d’opérations délictuelles portant sur des centaines de millions de $US, devenir l’étincelle d’une vaste opération de nettoyage. Cela ne manquerait pas d’affaiblir fortement les initiateurs politiques de ces opérations « cosmétiques » qui font surtout de la « communication » pour la plateforme FCC.

Par Jean-Marie Lelo Diakese

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