Cherubin Okende inhumé, le commanditaire et l’assassin courent toujours…

Deux cents quarante-sept jours après la découverte de son corps sans vie, l’ancien ministre et député national Cherubin Okende Senga (Ensemble) a été inhumé, mercredi 20 mars 2024. Au-delà des fake news, plusieurs questions pertinentes restent sans réponses. Et pour cause, les enquêteurs n’ont pas été capables de faire éclater la vérité sur les circonstances exactes de ce crime odieux.

La RDC a-t-elle échappé à un conflit interethnique entre les Luba du Kasaï et les Tetela du Sankuru? Il apparait qu’outre le discrédit à jeter sur la Cour constitutionnelle – à quelques cinq mois de la tenue des dernières élections générales -, le commanditaire de l’assassinat de cette personnalité sankuroise escomptait sans aucun doute « allumer le feu » entre ces deux communautés du Grand Kasaï.

« CRIME D’ETAT », « ASSASSINAT D’ETAT »

« C’est un crime d’Etat! », dixit Moïse Katumbi Chapwe, président du parti « Ensemble ». Les auteurs de cet homicide n’ont pas encore dit leur « dernier mot ». Dans un audio diffusé mardi 19 mars, attribué, à tort ou à raison, à l’ancien ministre et député national Modéro Nsimba Matondo (Union sacrée), on entend un homme dire en gros que « Cherubin » et Christian Tshisekedi s’étaient disputé un bien immobilier déjà acheté par le premier. Le frangin du chef de l’Etat aurait sollicité l’intervention de l’ex-Demiap. « Bousculé », Okende qui souffrait, semble-t-il, du cœur, rendit l’âme.

La famille Okende ne décolère pas. Lors de l’inhumation de « Cherubin », ce mercredi, elle a dit haut et fort qu’elle n’entend en aucun cas brider sa langue. Une réponse du berger à la bergère au procureur général près la Cour de cassation. Celui-ci a cru clore le débat sur cette affaire après avoir dit: « Cherubin Okende s’est suicidé! » C’était le jeudi 29 février. Le magistrat Mvondé a fait un aveu d’échec. Les magistrats du Parquet n’ont pas été capables de débusquer le « mobile » du crime susceptible de conduire non seulement au commanditaire mais aussi aux tueurs.

Une certitude: le modus operandi appliqué par les tueurs est sans précédent au Congo-Zaïre. Question: Et si Cherubin Okende a été « exécuté » par un escadron de la mort venu d’ailleurs ou dormant? Objectif: jeter l’opprobre non seulement sur la première institution du pays – qui est la bête noire du dirigeant rwandais – mais aussi sur la Cour constitutionnelle qui est le juge du contentieux électoral.

UNE ASCENDANCE TUTSI

Au centre Jaynet « Kabila ». A droite, Francine Muyumba

« Joseph Kabila » a dirigé ce pays durant dix-huit ans en cogestion avec le satrape rwandais. Homme énigmatique aux origines mystérieuses, il avait transformé la RDC en une sorte de parc de jeu pour le Front patriotique rwandais. Selon des sources, Janet « Kabila » – qui a fait le service militaire dans l’armée tanzanienne – serait à la tête d’un escadron de la mort. La dame a été interrogée, mardi 18 mars, cinq heures durant, à l’état-major de Renseignements militaires.

Contrairement à l’opinion répandue, Modéro Nsimba Matondo n’a pas été interpellé à cause de ses « révélations » sur Christian Tshisekedi. En scrutant les appareils téléphoniques de « Jaynet », appelé aussi « Dada », les investigateurs de l’ex-Demiap ont été surpris du nombre d’appels téléphoniques entre la dame et « Modéro ».

Selon des sources bien informées l’ancien ministre du Tourisme est un membre du RCD-Goma. L’homme aurait un ascendant tutsi rwandais au même titre que son mentor l’ex-vice-gouverneur du Kongo Central, Déo Nkusu Bikawa. Celui-ci l’avait adoubé comme ministre provincial.

Il n’est pas sans intérêt d’ouvrir une parenthèse ici pour souligner une certaine similitude entre l’assassinat de Cherubin Okende, porte-parole désigné du parti Ensemble, et celui du ministre rwandais Felicien Gatabazi. Ces deux personnalités étaient membres de l’opposition. Les deux crimes ont été imputés aux chefs d’Etat.

Hutu du Sud, membre de l’opposition, Gatabazi, était ministre des Travaux publics et secrétaire exécutif du parti PSD. Ce dernier a été tué devant le portail de son domicile par un escadron de la mort. C’était le 22 février 1994. Certains experts ont accusé le Front patriotique rwandais. L’objectif était d’opposer les Hutu du Sud à ceux du Nord pro-Habyarimana. Une année auparavant, Emmanuel Gapyisi, membre du MDR, a été abattu le 18 mai 1993. Un commando l’avait abattu devant son domicile à Gikongoro. Il était le gendre du premier président Grégoire Kayibanda. Le but était d’exacerber la tension entre Hutu. Fermons la parenthèse.

Pendant les dix-huit années du régime « Kabila », des citoyens rwandais proches FPR ont infiltré les institutions tant nationales que provinciales: l’armée, les services de renseignements civils et militaires, la police, la police des frontières (DGM), la Douane etc. Sur les réseaux sociaux, On le voit, le mépris que les Banyarwanda/Tutsi affichent vis-à-vis des Congolais.

DES QUESTIONS SANS RÉPONSES

C’est le lieu de poser des questions qui restent sans réponses. Et ce huit mois après la découverte du corps sans vie de Cherubin Okende.

  1. Pourquoi les journalistes – communicateurs? – proches du parti Ensemble ont été les premiers a annoncé tant l’enlèvement que la mort de Cherubin Okende?
  2. Pourquoi le garde du corps chargé de déposer la lettre destinée au juge Christian Lumu à la Cour constitutionnelle s’est-il empressé d’aviser le SG Dieudonné Bolengetenge – qui se trouvait à Goma – et non l’épouse Okenge pour signaler l’absence de son patron au parking de la haute cour?
  3. « C’est un crime d’Etat », « c’est un assassinat politique », déclarait Moïse Katumbi depuis Abidjan. Quelles sont les éléments qui l’ont poussé à faire ces affirmations?
  4. « C’est un crime planifié, organisé et exécuté », a martelé le Cardinal Fridolin Ambongo.
  5. Pourquoi la jeune fille Okende a dit, entre deux sanglots en lingala: « Papa tu nous disais que tu n’étais plus bien vu dans l’Ensemble ».

Le Parquet près la Cour de cassation avait-il entendu toutes ces personnes? Pour faire éclater la vérité sur les circonstances exactes de la mort de « Cherubin » et redorer le blason un peu écorné de cette haute juridiction, la réouverture de l’enquête ne s’impose-t-elle pas?

Baudouin Amba Wetshi

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